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Valence et ses légendes urbaines

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Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 25 octobre 2021, mis à jour le 9 janvier 2024

Nous connaissons tous ces légendes urbaines, contes et croyances populaires transmis de génération en génération, réinventés au gré des anecdotes de chacun, du bouche à oreille, pour venir finalement hanter l’imaginaire collectif. Elles ont trait au mythe et participent du folklore d’un lieu. On les rencontre aux quatre coins du monde. Valence n’est pas exempte de ce genre d'histoires, elle en regorge même. Nous vous en racontons quelques-unes.  


El Rat Penat

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Illustration : Serge Helholc

 

Savez-vous pourquoi la chauve-souris, rat penat en valencien, est l'emblème de Valence ? 

Il existe pléthore de légendes à ce sujet sans fondement historique certain. L’une d’entre elles a traversé les âges et vient nous fournir une explication pour le moins… surprenante. 

Selon cette légende, les chauves-souris étaient tenues en grande estime par les Maures parce qu’elles chassaient les moustiques qui infestaient la région - nous sommes au XIIIème siècle et Valence est alors sous domination musulmane. 

Comme l’avait prophétisé un devin : “aussi longtemps que les chauves-souris voleraient dans le ciel de Valence, la ville ne tomberait pas entre des mains chrétiennes”...  A telle enseigne que le roi conquérant et très chrétien, Jaume I (Jacques I d’Aragon), vit comme un signe de bon augure, un clin d’oeil du destin en sa faveur, le fait qu'une chauve-souris vînt faire son nid sur sa tente, le soir venu, alors qu’il bivouaquait dans les faubourgs de Russafa. Il donna l’ordre à ses troupes qu’on la traite avec le plus d’égards possibles pour s’attirer la bonne fortune.

La légende veut qu’une nuit, un roulement de tambour se fit entendre près de la tente du roi. Les gardes, surpris, se réveillèrent et s’aperçurent que les troupes musulmanes leur tendaient une embuscade. Les deux camps s’affrontèrent dans un combat particulièrement sanglant qui signa la défaite des Maures. La bataille finie, Jaume I voulut connaître l’origine de ce mystérieux bruit qui avait réveillé son armée et qui, par un heureux concours de circonstances, lui avait ainsi donné les clefs de la ville. Il pensait couvrir d’honneurs et de privilèges l’un de ses gardes, en faire son général. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit qu’il s’agissait en fait d’une chauve-souris qui, saisie de panique, s’était mise à frapper répétitivement un tambour!

En hommage à cette petite bête ailée à qui il devait tant, Jaume I l’aurait fait mettre sur la partie supérieure du blason de Valence. Depuis lors, la chauve-souris est devenue l’emblème de la ville. Voilà ce que dit la légende, quant à l'Histoire, c’est autre chose

 

Le caïman du Patriarche

 

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Illustration : Serge Helholc

A Valence, dans le vestibule de l’église du Patriarche (Iglesia del Patriarca), juste au-dessus du bénitier, un féroce caïman accueille les visiteurs. La légende raconte que ce caïman, tapi dans le lit du fleuve Turia, terrorisait les imprudents venus flâner trop près de la berge. Les rumeurs allaient bon train et attribuaient toutes à la bête des dimensions qui n’avaient rien à envier aux dragons de nos contes et légendes. 

La population, désemparée, vivait dans l’effroi d’autant que personne ne pouvait venir à bout de ce monstre et les malheureux qui l’affrontaient n’en réchappaient pas. De guerre lasse, les habitants ne savaient plus à quel saint se vouer. Un jour, cependant, un jeune homme eut une idée. Tel Persée avec la Gorgone, il se vêtit d’une armure recouverte de miroirs et partit seul à la rencontre du caïman. Lorsqu’il fit face à l’animal, celui-ci, ébloui par les reflets de l’armure, se trouva paralysé. Le valeureux jeune homme, sachant qu’une telle occasion ne se représenterait pas, leva son épée et tua le caïman d’une ferme estocade.  

En 1901, l’auteur valencien Blasco Ibáñez reprit cette légende dans son conte Le Dragon de Valence. La réalité est toutefois moins romanesque. Selon toute vraisemblance, le crocodile fut offert par le roi du Pérou à Juan de Ribera, archevêque de Valence et Patriarche d’Antioche en 1600. Quand le caïman mourut en 1606, il fut disséqué et conservé à l’entrée de l'église comme symbole de silence (les caïmans n’ont pas de langue).

  

La Statue de Jaume I 

 

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Illustration : Serge Helholc

 

Qui vit à Valence connaît forcément la place d'Alfons el Magnànim et sa fameuse statue. 

Savez-vous, pour autant, que cette imposante sculpture en bronze de onze tonnes et demie dédiée au roi Jaume I qui a reconquis la ville (vous vous souvenez de la légende du Rat Penat) abriterait un trésor?  

Cette statue inaugurée le 20 juillet 1891 est l’oeuvre de deux célèbres sculpteurs catalans, Agapito et Venancio Vallmitjana. Le cheval pris comme modèle pour le moule appartenait à un certain Rafael Martí. Cet homme concevait une telle fierté de savoir son cheval immortalisé dans une statue servant de monture à Jaume I qu’il rendait souvent visite aux deux sculpteurs pour constater l’avancement de l’oeuvre. 

Si l’on en croit la légende, Martí était un ancien soldat et arborait toujours une casquette en souvenir de son régiment. Le jour du coulage de bronze, il aurait jeté cette casquette dans le creuset pour qu’elle soit aussi éternelle que son cheval. Mais ce qu’il oublia c’est qu’il avait caché dans sa casquette les économies de toute une vie - mille pesetas, une coquette somme pour l’époque - argent inextricablement lié, pour les siècles des siècles, au reste de la statue. A l'intérieur du cheval de Jaume I il y aurait donc le pécule d’un soldat un peu trop fier et tête en l’air. 

 

Le Sweeney Todd valencien

 

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Illustration : Serge Helholc

 

Vous vous souvenez tous de Sweeney Todd? Ce barbier diabolique qui vivait à Londres au XIXème siècle et qui tua de sa lame tant de ses clients. Il existe d'ailleurs un film de Tim Burton avec Johnny Depp qui retrace la légende noire de ce meurtrier. Figurez-vous qu’un assassin de la même engeance aurait sévi dans les rues de Valence à peu près à la même époque. Selon le manuscrit du chroniqueur Pau Carsi y Fil, il était une adresse à Valence, Calle de Cerrajeros, où il valait mieux ne pas se faire raser la barbe de trop près. On disait même que les clients qui par malheur s'y attardaient, n'en ressortaient que rarement...  L’histoire raconte en effet que ce barbier tuait et volait ses clients puis utilisait leur viande pour la revendre à une boulangerie voisine. Une histoire à vous glacer le sang et dont, jusqu'à nos jours, on mesure mal la véracité.

 

Tous nos remerciements à l'artiste Serge Helholc pour ses superbes illustrations. 

 

 

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