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Trois histoires d'épouvante à Valence

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Palau dels Valeriola / jdiezarnal.com
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 2 novembre 2020, mis à jour le 18 février 2024

Fantômes, bruits mystérieux, accusés innocents...  Voici trois histoires d’épouvante qui ont embrasé l’imaginaire des valenciens et suscité bien des interrogations et des inquiétudes. Au-delà des phénomènes paranormaux, c’est bien sûr, en filigrane, l’histoire de Valence et de ses habitants, toujours pleine d’inattendus et de chemins de traverse, que nous vous racontons. 

Le Palau dels Valeriola

 

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Photo : Palau dels Variola / Joanbanjo, CC BY-SA 3.0

 

C’est dans les alcôves du Palau dels Valeriola, situé au 31 de la Calle Mar, qu’est née une légende digne des romans les plus noirs. Ce palais a été le théâtre d’une injustice criante au XVIIème siècle, d’un assassinat maquillé en parricide, d’une accusation calomnieuse qui a détruit une famille et conduit un innocent à l’échafaud. 

Le 20 octobre 1606, Don Jeronimo fut retrouvé décapité dans son cabinet personnel. Les juges accusèrent, sans en fournir la moindre preuve, son fils Don Cristóbal de Valeriola ainsi que l’un de ses amis, Don Luis de Sosa. 

Le Justice d’alors, qui se confondait peu ou proue avec l’Inquisition, n’était pas réputée pour sa clémence ni pour faire grand cas de de la présomption d’innocence. Du simple chef de cette accusation, tous deux furent donc passés à la question, c’est-à-dire torturés sans pitié.

La réputation qui précédait Don Luis de Sosa n’était pas bonne. Bien qu’il fût chevalier, on lui prêtait de mauvaises fréquentations. Toute une série d'amitiés interlopes, notamment avec des bandits de grand chemin, nuisait à son image et ne pouvait que le rendre coupable aux yeux des juges. Opprobre suprême, on obligea le jeune homme à embrasser le cadavre du défunt.

Cet acte était, selon les croyances de l’époque, censé trahir les intentions de l’assassin, et l’on attendait qu’un geste du cadavre vînt le confondre devant Dieu. Rien ne se produisit. Aussi, les Juges décidèrent de relâcher Don Luis de Sosa.

 

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Photo : Palau dels Valeriola / jdiezarnal.com

 

Des deux accusés, il restait Don Cristóbal de Valeriola. Ce dernier fut condamné à la peine capitale sur la place du marché le 28 mai 1607. Auparavant, on prit soin de lui faire avouer sous la contrainte tous ses crimes et péchés. Mais le jour de son exécution, avant le coup de grâce, prenant la foule à témoin, Don Cristóbal jura sur son honneur qu’il était innocent du crime de son père. 

La vérité éclata treize ans plus tard, le 20 octobre 1620. Le véritable assassin se confessa sur son lit de mort et reconnut son crime. Il s’agissait en fait de Miguel Pertusa, un ancien juré de la Cour de Valence, qui avait agi avec deux complices catalans et sous les ordres de Don Crisóstomo Ruiz de Liori, ennemi mortel de la famille Valeriola. Mais il était trop tard, “justice” était passée, ou plutôt l’injustice était consommée, et ni lui ni Don Crisóstomo ne furent inquiétés. 

En tous cas, Don Cristóbal n’avait pas menti. Il n’avait jamais pris part à l’assassinat de son père et était bien innocent. L’injustice qu’il avait subie, son funeste sort, et la vérité posthume qui éclata au grand jour émurent profondément les Valenciens. Depuis, on raconte que son fantôme rôde dans les rues de Valence, demandant justice et réparation.  

 

Le Duende de Esparto

 

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Photo : Plaza del Esparto / 
donnée par Mado Martínez de Año Cero à valenciablancoynegro.blogspot.com

 

C’est l’histoire de bruits étranges qui défrayèrent la chronique à Valence, puis dans toute l’Espagne, au début du siècle dernier. La presse nationale s’en fit l’écho mais, malgré les nombreuses enquêtes, nul ne parvint jamais à élucider l’affaire. Les historiens considèrent qu’il s’agit du premier cas de “Poltergeist” (phénomène paranormal consistant en des bruits divers et déplacements d’objets) documenté en Espagne. 

Nous sommes en 1915. La famille Colomero vit au numéro 7 de la Plaza del Esparto, dans le quartier du Carmen à Valence. Depuis plusieurs jours, les Colomero ne dorment plus. Le père et ses deux filles entendent des bruits toute la journée, jusqu’à très tard dans la nuit. Les murs tremblent, et c’est comme si l'on déplaçait des meubles en les traînant lourdement sur le sol. Dans un premier temps, Colomero pense à un déménagement au-dessus de son appartement. Il s’en ouvre à ses voisins, en se plaignant de ne pas avoir été prévenu. Pourtant, dans l’immeuble, personne n'est au courant. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que Colomero n’est pas le seul à être intrigué car plusieurs voisins rapportent eux aussi d’étranges bruits et de violents coups dans les murs qui les empêchent de dormir. Pour en avoir le cœur net, Colomero décide donc d’aller frapper à la porte du locataire du premier étage, qui vit juste au-dessus de chez lui, et de le sommer de s’expliquer. Après tout, c’est de son appartement que semble venir tout ce remue-ménage, - il doit bien y avoir une raison. Il pense ainsi avoir trouvé la clef de l’énigme, mais découvre abasourdi, que son voisin, lui aussi, est gêné par un semblable vacarme qu’il ne s’explique pas. D’ailleurs, le locataire lui confie qu’il pensait lui-même en parler au voisinage pour mettre la main sur le responsable. Après ce tour d’immeuble, faute de pistes, le mystère n’en est que plus grand. Tandis que les bruits se font chaque fois plus forts et persistants…

Il n’en fallait pas plus pour allumer la mèche de la suspicion et de la peur auprès des habitants. Le pétard est lancé et provoque la panique dans l’immeuble. Bientôt, tout le quartier suit ce qu’on appelle désormais "l'affaire du Duende de Esparto” ; et chacun y va de sa théorie, quand il n’a pas entendu à son tour des bruits suspects chez lui... La presse de l’époque relaie la nouvelle. Des visiteurs affluent de toutes parts pour assister à ce spectacle de l’étrange, et - qui sait ? - peut-être surprendre l’inconnu à l’origine de tant d’agitation chez les habitants du quartier.  

Devant l’absence d’explications rationnelles et le vent de panique qui s’empare de la population, la Guardia Civil est obligée de se saisir du dossier. L’enquête est menée tambour battant : le 6 juillet 1915, une quarantaine de policiers sont dépêchés sur les lieux. Tout l’immeuble est passé au peigne fin. On délimite la zone. On procède à des interrogatoires. On scrute chaque recoin du bâtiment. L’affaire est sérieuse. On constate, fait indéniable, que chaque soir à 10h, “les murs des cloisons font du bruit” dans l’immeuble situé au numéro 7 de la Plaza del Esparto.

Mais personne ne parvient réellement à expliquer la provenance ni la raison de ces mystérieux décibels. Face à l'inquiétude grandissante des habitants, pour ne pas dire l’affolement de la population, la Guardia Civil doit trouver une réponse coûte que coûte. On conclut à la présence “de deux lits, d’une armoire, et d’un mur qui doit sans doute vibrer” et qui seraient donc à l’origine des fameux bruits. Conclusions bien peu concluantes, si l'on peut dire... et très vite raillées par la presse locale : “les autorités ridiculisées” titrent Las Provincias ou encore El Pueblo. La police classe l’affaire. Les habitants sont livrés à eux-mêmes d’autant que les bruits continuent de plus belle ! 

 

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Photo : Plaza del Esparto / sedecatastro.gob.es

 

Toutes les hypothèses sont explorées par le voisinage et la copropriété. Les plus sceptiques évoquent un mauvais plaisantin qui veut faire fuir les locataires, ou leur faire une blague de mauvais goût ; certains conjecturent sur une fabrique de monnaies clandestine qui bat en cachette dans l’immeuble ; d’autres s' imaginent une personne séquestrée qui appelle à l’aide, désespérément. 

Mais le scénario qui retient le plus l’attention et qui vaudra le titre de “Duende de Esparto” à notre affaire est celui que nous qualifierons de “magico-spiritualiste”. On parle d’âmes enfermées dans le purgatoire qui chercheraient à se libérer de leur condition ou encore de “duendes”, équivalents des Djinns de la culture musulmane, qui hanteraient les lieux.  

Dès lors, pour conjurer le mauvais sort, on s'en remet à la religion. Des messes sont organisées à foison dans les églises mais aussi à la Cathédrale de Valence. Le nombre des fidèles qui y assistent augmente considérablement.

Pourtant, rien n’y fait. Les bruits continuent. La peur grandit. L’immeuble est sur toutes les lèvres et la presse tourne en ridicule l’impuissance des deux institutions, l’Église et la mairie.

Le maire ne voit pas cela d'un bon oeil, et il a tôt fait de diligenter l’architecte municipal en chef, Aymami, au 7 de la Plaza del Esparto, lui enjoignant de reprendre l’enquête là où la Police l’avait laissée. Nouvelle déconvenue. Après avoir fermé la rue aux passants et inspecté l’immeuble en profondeur, celui-ci, pas plus que la Guardia civil, ne parvient à expliquer le phénomène. De guerre lasse, l’architecte plie bagages et se résigne aux lèvres closes du mystère. 

Puis, soudain, plus rien. Le 13 juillet 1915, les bruits cessent aussi subitement qu’ils avaient commencé. Ils ne reviendront plus. La famille Colomero retrouve enfin le sommeil. L’affaire se tasse, pour finalement échouer dans les placards de l’oubli, sans que l’on n’ait jamais pu mettre le doigt sur la cause de tout ce tintamarre. Et vous, qu’en pensez-vous ? 

 

La Dama de rosa

 

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Photo : Hospital La Cigüeña / Facebook de la Fundación Goerlich

 

Selon certaines rumeurs, la Consejería des affaires sociales, située dans l’ancien hôpital de La Cigüeña, 16 Paseo de la Alameda, n’abriterait pas que des fonctionnaires.  

L’ancien hôpital, qui était une maternité dans les années 70, accède à la notoriété le 22 mars 1990 quand la presse locale publie les témoignages d’anciens agents de sécurité qui affirment avoir été témoins de phénomènes paranormaux alors qu’ils étaient en poste dans les lieux. 

L’ascenseur de l’ancien hôpital se serait mis en marche tout seul à plusieurs reprises et ce, en dépit des nombreuses inspections techniques. Des alarmes se seraient déclenchées sans raison apparente. Un agent dit même avoir été traversé trois fois - comme par une violente onde de choc - alors qu’il surveillait les couloirs. Des bruits sourds de pas, des portes qui claquent, des téléphones qui sonnent sans arrêt, des changements brusques de température, des pleurs de bébé. Tous ces phénomènes ont été décrits en détail et consignés dans les témoignages des agents de sécurité. Mais le plus étrange reste à venir. Certains agents prétendent avoir aperçu la silhouette d’une dame enceinte, vêtue de rose, entourée d’un nuage épais, et qui semblait chercher un enfant.

Il ne nous revient pas de prendre parti sur l’interprétation de ces phénomènes, mais ce que l’on peut dire, c’est que ces témoignages rejoignent peut-être une réalité de triste mémoire mise au jour par les journaux locaux quelques années plus tard. 

Des vols de nourrissons auraient en effet eu lieu dans les années 70 à l'hôpital de la Cigüeña. C’est du moins ce que soutient l’avocat de l’association Anadir (Asociación Nacional de Afectados por Adopciones Irregulares). De forts soupçons portent à croire que cette pratique aurait eu cours sous le franquisme et même jusqu’à la fin des années 80. Selon l’association Anadir, décrétés morts-nés, ces bébés étaient ensuite revendus sous le manteau à la naissance à des personnes qui cherchaient à adopter rapidement, mais ignoraient tout de cette sordide machination. Une histoire qui glace le sang, bien plus que la supposée silhouette fantomatique aperçue dans les couloirs de la Cigüeña, peut-être simple fruit de l’imagination de certains.

 

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