Son nom résonne encore dans les accords de la musique gitane. Manitas de Plata nous a quittés il y a 10 ans, mais il n’est pas tombé dans l’oubli. Par sa musique et sa générosité, le musicien aux 93 millions d'albums vendus est considéré par beaucoup comme le plus grand guitariste flamenco du monde. Son petit-fils, Paco Baliardo, se remémore avec fierté et émotion celui qui était avant tout son grand-père.
Mon grand-père est une étoile qui a fait naître la musique gypsy.
La voix du petit-fils trahit une admiration sans limite. Manitas de Plata s'en est allé il y a dix ans de cela, mais Paco n'a rien oublié de son grand-père. “C’est mon idole. Je suis heureux de porter l’héritage qu’il a laissé.”
Manitas de Plata pour les autres, un grand-père pour Paco
Les souvenirs s'enchaînent, sortent avec émotion. Grand-père, mentor, modèle... Les mots ne manquent pas à Paco pour décrire son aïeul. “Il était mon grand-père et mon parrain. C’est lui qui m’a offert ma première guitare”, se souvient le Montpelliérain qui est de la famille des Gipsy Kings. “Il me montrait un accord, et me guidait pas à pas, avec patience, jusqu’à ce que je réussisse. Il m’a beaucoup appris de la musique gypsy.”
A 52 ans, Paco est le seul de sa famille à porter le nom complet du légendaire guitariste. Comme le plus précieux des héritages, Manitas de Plata a choisi de lui donner son patronyme. “Mon nom est Paco Baliardo. Un jour, il m’a regardé dans les yeux et a su que je deviendrai chanteur”, raconte Paco, aujourd’hui guitariste-chanteur, non sans cacher le poids que cela représente. “C’est dur à porter, vous savez.” Il partage une partie de ce précieux patrimoine avec son oncle, Fernando Manitas, guitariste et fils de Manitas de Plata. “Il y a peu, mon oncle m’a dit que j’étais le préféré de mon grand-père”, rigole Paco, non sans cacher sa fierté.
Paco chérit les souvenirs à la mémoire de son ancêtre, comme ce jour “magique” où il a joué à l’Olympia, à Paris, avec son oncle et son grand-père. Une autre fois, lors d’un concert de Paco de Lucía, le guitariste espagnol l’a fait monter sur scène. “Quand il a présenté Manitas de Plata, tout le monde s’est levé. Ce fut un succès incroyable. Cette image est gravée en moi”. Mais le souvenir le plus marquant, c’est un Paco bien plus jeune qui l’a vécu. “Je devais avoir 4 ou 5 ans. Il devait faire une photo pour la presse et m’a pris dans ses bras pour que j’apparaisse avec lui”. Vêtu d’un costume blanc, Paco était probablement le petit garçon le plus fier à cet instant (on peut le voir sur la photo en haut de l'article).
Manitas de Plata a beaucoup tendu la main.
Tout au long de sa vie, Manitas de Plata a beaucoup donné. À sa famille bien sûr, mais aussi à son public. Paco se souvient de quelqu’un d'accessible et généreux. “Sa simplicité était un luxe. Quand il se baladait dans la rue et que quelqu’un lui demandait de jouer de la guitare, il s’arrêtait et le faisait. Il était capable de jouer devant 10 ou 1.000 personnes. Pour lui, c’était pareil. Il aimait énormément son public.” Malgré la fortune amassée (et dépensée) lors de sa carrière, Manitas de Plata a toujours tendu la main. “Je suis gitan et je resterai toujours gitan”, affirmait le guitariste gypsy lors d’une interview.
La muse de Dali et Picasso
Au-delà d’être un artiste de talent, Manitas de Plata était bien entouré. Partout, les grands de ce monde l’ont reçu. El Cordobés, Brigitte Bardot, Jean Cocteau, Charlie Chaplin, Marlon Brando… Et même la Reine Élisabeth II ! “Après leur rencontre, elle lui avait dit de prendre ce qu’il voulait dans son royaume. Il lui a demandé son chien, elle lui a offert !”, conte Paco en riant.
Loin d’être des relations superficielles, le guitariste “aux petites mains d’argent” entretenait avec certains de véritables amitiés. C’est avec Salvador Dali et Pablo Picasso qu’il a créé les liens les plus forts. Paco rapporte que les deux peintres peignaient sous l’inspiration de la musique de Manitas de Plata. "Il vaut plus cher que moi !", dira le peintre cubiste en l’entendant jouer. “C’était une amitié pure, un vrai partage. Picasso, qui était plus vieux, lui avait même demandé de l'appeler 'papa'. Alors il l’appelait papa”, raconte avec émotion Paco. “Ils étaient des compagnons de voyage et des compagnons artistiques.”
Manitas de Plata possédait d’ailleurs deux guitares d’exception : l’une signée par Picasso, disparue lors d’un incendie dans un hôtel à New York, et une deuxième, ornée de deux têtes de toreros et d’un personnage à cheval, dessinés de la main de Dali et Bernard Buffet.
Manitas de Plata, éternel dans les mémoires
Comme le souligne son petit-fils, Manitas de Plata a marqué son temps. En hommage à l’homme qu’il était et à sa musique, la ville de Montpellier, où il est décédé en 2014, a fait ériger à son effigie une statue en bronze de près de trois mètres de haut, devant la mairie. Paco Baliardo vit aujourd’hui de la musique. Le guitariste-chanteur poursuit fièrement la destinée qu’avait vue en lui son grand-père. L’une de ses chansons composées avec son groupe Les gypsies de Manitas de Plata, “Une guitare sonne”, lui rend d’ailleurs hommage : “Une guitare sonne, et elle résonne encore dans nos cœurs et dans nos mémoires”. Manitas de Plata s’est éteint, mais sa musique, elle, est éternelle.
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