Le député de la 5ème circonscription des Français de l’étranger, Stéphane Vojetta, revient sur sa visite des zones affectées par les récentes inondations à Valence. ll partage son analyse d’une catastrophe aux conséquences humaines et économiques majeures, tout en appelant à une solidarité sans faille pour accompagner les victimes. Rencontre.
C’est une partie entière de la population et de la vie économique de la région qui est durablement impactée.
Quelles ont été vos impressions après votre visite des zones touchées par les inondations, et quels échanges avez-vous eus avec les autorités locales et les Français sur place ?
D’abord, un choc visuel. Même en ayant suivi de très près tout ce qui s'est passé à Valence et dans les villes touchées, et en étant conscient de l'ampleur de ce drame sans précédent, on est profondément frappé en se rendant sur le terrain. Les images qu’on découvre sur place semblent tout droit sorties d’un film de science-fiction, en particulier les amoncellements de voitures…C’est très impressionnant. La magnitude et l'étendue de la catastrophe sont saisissantes ! En termes de surface et de population affectées, de zones commerciales et de parcs industriels touchés, on mesure à quel point cet événement est gigantesque. C’est une partie entière de la population et de la vie économique de la région qui est durablement impactée.
En ce qui concerne les autorités locales, j’ai rencontré la maire de Catarroja. Ce qui ressort, c’est que la priorité est de gérer l’urgence : soutenir les sinistrés, coordonner les travaux de réparation, et notamment le système d’égouts. Mais il faut aussi penser à l’avenir. Des aides spécifiques seront nécessaires, en particulier pour les travailleurs indépendants (autónomos), les personnes âgées et celles sans ressources, qui auront un besoin vital de soutien pour survivre dans les mois à venir, jusqu’à un retour à une certaine normalité.
Comment les associations françaises sur place, comme la Société Française de Bienfaisance de Valence, contribuent-elles à la solidarité ?
Les associations françaises sur place ont réagi avec une grande rapidité. Je pense évidemment aux associations de parents d’élèves du Lycée français de Valence, mais aussi à la Chambre de commerce franco-espagnole. Sa représentante à Valence, Sandrine Gil, proche de la communauté entrepreneuriale, s’est mobilisée pour apporter des solutions concrètes aux entreprises touchées.
Je pense aussi à la Société de Bienfaisance de Valence (SFB), avec laquelle j’ai été en contact dès les premiers jours. Christian Berret, son responsable, m’a sollicité pour l’aider à lever des fonds, une étape nécessaire pour venir en aide aux sinistrés, qu’ils soient français ou d’autres nationalités. Il n y a pas de différences de nationalités au moment de parer au plus urgent. J’ai contribué à rendre publics les appels aux dons de la SFB dès les premiers jours, et j’ai pu les accompagner sur le terrain, notamment à Catarroja, pour rencontrer des victimes.
Les sinistrés ont besoin d’un soutien moral, mais aussi d’une aide matérielle. Le dénominateur commun de tout ce qu'on entend sur le terrain, c'est que sans solidarité populaire les gens n'auraient pas pu s'en sortir en comptant uniquement sur les moyens mis en œuvre par les autorités publiques, que ce soit l'Etat ou les autorités régionales. La solidarité est donc essentielle et la SFB de Valence, dont c’est la mission, l’incarne. Elle est capable de faire des achats et d'apporter du soutien moral, de participer à des réparations urgentes pour les familles et les personnes qui n'ont pas encore reçu les aides. C’est pourquoi il est essentiel de continuer à soutenir cette association et de promouvoir activement sa collecte de fonds. Les dons doivent continuer d’affluer, car les besoins restent immenses, et leur travail est vital pour aider les victimes.
Appel aux dons de la Société Française de Bienfaisance pour les victimes de la DANA
Un mot sur la cinquantaine de pompiers français actuellement sur le terrain ?
Oui, il est important de mettre en lumière l’action des pompiers français actuellement mobilisés, notamment à Alfafar, où ils travaillent aux côtés des forces de sécurité civile espagnoles. Leur intervention s’inscrit dans le cadre du mécanisme de solidarité et de sécurité civile européen. Ces équipes, envoyées par la France, sont un symbole fort de coopération franco-espagnole, et je suis particulièrement fier qu’elles soient présentes.
J’ai personnellement insisté pour que notre ministre de l’Intérieur mobilise rapidement les moyens nécessaires après la catastrophe. Dès le lendemain de la DANA, ces moyens ont été mis à disposition. Par la suite, j’ai également œuvré pour que l’Espagne accepte ces renforts, dont elle avait un besoin urgent. Aujourd’hui, ces équipes françaises opèrent aux côtés des forces marocaines, portugaises et d’autres délégations internationales. La contribution française est composée de 10 sapeurs-pompiers de Perpignan et de 40 agents de la sécurité civile, des sapeurs-sauveteurs spécialisés. Ces équipes réalisent des missions variées, comme le pompage des nombreux garages inondés, le déblaiement et le nettoyage de la zone industrielle d’Alfafar.
Lors de mon déplacement, j’ai eu l’honneur de leur remettre la médaille de l’Assemblée nationale, en témoignage de la gratitude de la représentation nationale pour leur engagement exceptionnel. Leur contribution à cette solidarité franco-espagnole mérite d’être saluée et célébrée.
Nos efforts doivent se concentrer sur l’aide aux particuliers et aux petites entreprises.
Quelles actions concrètes le gouvernement français envisage-t-il pour soutenir les Français touchés par cette catastrophe en Espagne ?
À ce jour, le gouvernement français n’a pas mis en place de mesures spécifiques pour soutenir directement les Français touchés par cette catastrophe. Ce que la France a fait, je l’ai dit, c’est d’envoyer des forces pour renforcer les secours espagnols. Cependant, pour l’instant, la solidarité française s’exprime surtout à travers nos associations et des initiatives individuelles. Par exemple, des élèves du Lycée français de Valence se sont mobilisés dès les premiers jours pour participer au déblayage des rues et au nettoyage des zones inondées.
Il va falloir un peu de temps pour évaluer correctement la réalité des besoins, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises françaises affectées. Nos efforts doivent se concentrer sur l’aide aux particuliers et aux petites entreprises. Si, à terme, on voit qu'il est nécessaire de rallonger les budgets de l’aide sociale consulaire, par exemple, pour avoir une aide très spécifique pour la DANA, je pense que c’est quelque chose sur lequel j'arriverai à convaincre le gouvernement français.
C’est aussi le cas en ce qui concerne le Lycée français de Valence. On sait qu'il y a des préoccupations. Des familles vont forcément être affectées dans leur activité professionnelle. Il est essentiel de garantir que ces familles ne soient pas contraintes de remettre en question la scolarisation de leurs enfants. Des solutions, éventuellement budgétaires, devront être envisagées. Pour l’heure, il est important de laisser la situation se stabiliser avant d’analyser chaque cas et de mettre en place les mesures adaptées.
Cette situation doit nous conduire à réfléchir davantage au concept de résidence de repli.
Comment comptez-vous utiliser votre position de député pour améliorer la situation des Français vivant à l'étranger face à des crises comme celle-ci ?
En tant que député, au-delà de mettre mon image et mon temps à disposition pour soutenir ceux qui souhaitent lever des fonds, faire passer des messages ou lancer des alertes, j’ai un rôle à jouer comme législateur. Je peux agir sur deux fronts :
Premièrement, m'assurer que la France est bien préparée à faire face à ce type d’événements climatiques, qui, malheureusement, sont appelés à se reproduire de plus en plus. Cela implique de vérifier que nos systèmes d’alerte sont performants et correctement utilisés, ce qui n'a pas été le cas en Espagne. Il faut donc qu'on apprenne de ce qu’il s’est passé ici pour s' assurer que le dispositif français sera capable de répondre à ce type de situations.
Deuxièmement, cette situation doit nous conduire à réfléchir davantage au concept de résidence de repli, une idée qui avait été discutée ces dernières années, notamment par certains sénateurs et membres du gouvernement qui considéraient à l’époque que ce concept ne concernait que les Français de l’étranger vivant dans des pays à haut risque, comme ceux exposés à des instabilités politiques majeures. Mais cette catastrophe en Espagne, à seulement 500 kilomètres au sud de Perpignan, montre bien que de tels événements peuvent survenir n’importe où, même dans des pays européens considérés comme sûrs.
Ces catastrophes climatiques sont désormais une réalité partout, et leur occurrence dépasse largement celle d’un éventuel coup d’État en Afrique ou en Amérique du Sud. Il me semble donc essentiel de poursuivre la réflexion sur la résidence de repli, tout en reconnaissant qu’aucun pays, même les mieux préparés, n’est à l’abri de catastrophes naturelles de cette ampleur.
Quelles leçons la France pourrait-elle tirer de cette catastrophe pour mieux préparer ses propres dispositifs d'urgence ?
Je pense que la France peut tirer plusieurs leçons de cette catastrophe. Au-delà de la nécessité de poursuivre les investissements dans la transition climatique et de s'assurer que nous suivons rapidement la trajectoire fixée par les accords de Paris, il y a une autre priorité majeure : garantir que notre organisation et nos protocoles en cas de catastrophe soient les plus efficaces possibles.
En ce sens, je crois que le modèle jacobin français, basé sur une centralisation forte, est sans doute préférable à la décentralisation espagnole. Ce modèle repose sur la présence d'une personne responsable sur le terrain, comme le préfet en France, qui peut prendre des décisions rapides et coordonner l'ensemble des moyens nécessaires de l'État pour les mettre à disposition des zones touchées. Cette approche, centrée sur une chaîne de commandement claire, est un atout majeur du système français. Cela marque une différence avec ce que l'on a pu voir dans la Communauté valencienne, avec des tensions, mésententes et étincelles entre le gouvernement central et le gouvernement régional. qui montrent peut-être certaines faiblesses du modèle espagnol. Cela souligne l'importance d'une organisation plus centralisée pour réagir efficacement face à des situations d'urgence de cette ampleur.
Enfin, quelles recommandations donneriez-vous aux Français qui se trouvent encore sur place ?
Les Français encore présents sur place sont, pour la plupart, ceux qui n’ont pas d’autre alternative. Ceux qui ont pu quitter temporairement les zones touchées sont partis se réfugier chez leur famille ou des amis à Valence, ou encore dans des banlieues épargnées. En revanche, ceux qui restent sur place n’ont souvent aucun autre endroit où aller.
Bien sûr, il faut qu’ils soient très vigilants. Ils doivent continuer à s’alimenter correctement et à consulter des médecins. Maintenant que les services médicaux reprennent progressivement, il est important qu’ils se fassent examiner pour s’assurer que leurs éventuelles pathologies soient bien prises en charge. Ensuite, il faut qu’ils se fassent connaître des autorités pour bénéficier des aides pour la reconstruction de leur logement ou la prise en charge de leurs besoins fondamentaux.