Suite, aujourd’hui, de notre série de portraits d'expatriés avec Anne Le Poupon, enseignante de français pour les jeunes Valenciens. De ses débuts en tant qu'étudiante Erasmus à son parcours semé d'embûches pour devenir professeure, découvrez l'histoire de cette Auvergnate déterminée qui a fait de sa passion un métier et un combat.
Le monde est fait pour les courageux.
C’est à Torrent, ville de la proche banlieue de Valencia, que j’ai rendez-vous avec Anne Le Poupon. Depuis plus de 14 ans, elle enseigne le français à de petits Espagnols. Sa découverte de l’Espagne remonte à plus loin. Et cela n’a pas toujours été « un long fleuve tranquille ». Rencontre.
Un Erasmus à Valencia qui va s’ancrer dans la durée
Cette Auvergnate de naissance commence des études supérieures à la faculté de droit de Clermont-Ferrand. En parallèle, elle suit un cursus universitaire en espagnol. Diplôme en poche, elle découvre le programme Erasmus et choisit Valencia pour sa maîtrise. Arrivée en septembre, elle se casse accidentellement les deux bras en février. Malgré les énormes problèmes pratiques provoqués par cette situation, et grâce au soutien actif de ses professeurs, elle parvient à valider son diplôme.
Frustrée de n’avoir pu profiter pleinement de son séjour espagnol, Anne décide de prolonger son expérience pour une année supplémentaire. En parallèle de son 3ème cycle, elle trouve un travail d’assistante commerciale dans une entreprise valencienne. Son Bac +5 validé, elle décide de s’installer durablement dans la région. Elle rejoint une nouvelle entreprise de transport de meubles. Anne y assure la logistique pour les expéditions vers la France et la Belgique. Les mois, puis les années, passent. Elle s’interroge sur le sens de son orientation professionnelle. Est-ce judicieux de poursuivre dans cette voie avec un diplôme universitaire en droit ? Un beau jour, la réponse lui apparaît clairement. Elle décide de passer des concours pour entrer dans la fonction publique espagnole, un choix qui marque un tournant dans sa carrière.
À la découverte des « joies » de l’administration ibérique
Pour accéder à la fonction publique espagnole, Anne Le Poupon doit d'abord faire valider ses titres académiques. Elle rassemble tous les documents requis et les envoie à Madrid. Après plusieurs mois d’attente, elle raconte : « Quand j’ai reçu la réponse, j’ai eu besoin de m’asseoir, je n’en croyais pas mes yeux ». Son homologation est acceptée, mais avec une condition : il lui faut passer et valider huit différentes matières en droit ! L’explication ? En Espagne, avec cinq années de droit, vous pouvez vous installer en tant qu’avocat. Tel n’est pourtant pas l’objectif d’Anne. Pendant deux ans, tout en travaillant à temps plein, elle bûche ses examens pour finalement les réussir. Ses diplômes universitaires français sont donc reconnus en Espagne. Elle va pouvoir s’attaquer à la phase suivante.
Elle décide de passer le concours d’auxiliaire des bibliothèques. Anne est reçue mais sur liste d’attente. Un jour, son téléphone sonne, c’est l’Université polytechnique de Valencia. On lui propose un poste de remplaçante. La personne au bout du fil lui précise que cela peut être pour une durée de trois semaines, trois mois ou trois ans… Anne demande à pouvoir réfléchir puisqu’elle est quand même en CDI. La réponse tombe : « Bien sûr que vous pouvez y songer, je vous rappelle dans 30 minutes ! ». Dans la panique, elle appelle une amie proche qui lui conseille : « Le monde est fait pour les courageux ». Anne accepte le poste et devient bibliothécaire. Après presque une année, la question se pose de nouveau : Que faire maintenant ?
Les francophones racontent la francophonie à Valencia
Enseigner le français dans le secondaire : une vocation
Après avoir surmonté des obstacles administratifs, Anne Le Poupon se tourne vers un nouveau défi : devenir professeur de français dans le secondaire en Espagne. Pour cela, elle doit réussir trois épreuves : un examen en castillan, obtenir un certificat d’aptitude pédagogique, et le plus ardu, passer un examen en valencien. Ce dernier prérequis est un véritable obstacle, obligeant Anne à retourner sur les bancs de l'école.
Plusieurs mois plus tard, elle réussit les trois examens. A la mi-juillet 2006 - Anne se souvient de cette date, puisque c’était quelques jours après le terrible accident de métro près de la station Jesús -, elle passe le concours. Malgré toutes les difficultés, le succès est au rendez-vous : elle devient professeure de français. Après une année de stage, elle enseigne depuis maintenant 14 ans à Alcásser, ville tristement connue pour le fait divers morbide de novembre 1992.
Anne enseigne aux jeunes du secondaire, de la 5ème à la terminale. A l’écouter, on sent qu’elle aime avec passion ses élèves et son métier. « Les débuts n’ont pas été faciles. Presque tous les soirs, je pleurais et j’appelais mes parents à Clermont-Ferrand », me confie-t-elle. Mais Anne est une combattante. J’ai en tout cas découvert que pour être professeur de français dans les écoles de la Communauté valencienne, il faut l’être... Anne est non seulement enseignante, mais aussi militante. Sa détermination et son dévouement sont exemplaires. Je vous ferai découvrir la situation très particulière de ces professeurs et le combat qu’ils mènent au quotidien dans un très prochain article.