Nous entamons notre série de portraits d’expats avec l'histoire de Yoann Dhuez, un motion designer français qui a troqué la banlieue parisienne pour le soleil de Valencia. Ou comment le talent et un brin de culot peuvent ouvrir les portes du succès, même quand on ne parle pas espagnol.
Au regard de son prénom, il eût été logique que nous nous rencontrions à Brest ou à Guingamp, en Bretagne. C’est finalement dans le centre de Valence que je prends un café avec Yoann. Nous nous retrouvons dans un endroit que je ne connaissais pas, le Federal Valencia. Yoann m’explique que ce lieu, à la décoration épurée, est idéal pour les travailleurs nomades. « C’est ici que, au tout début, je venais pour étudier, c’est calme et le lieu dispose d’une bonne connexion Internet », précise-t-il.
De la région parisienne à Valencia : le parcours inspirant de Yoann Dhuez
Yoann Dhuez se définit comme « motion designer », c’est-à-dire qu’il crée des productions graphiques intégrant à la fois de la vidéo, de l’animation 2 et 3D, des effets spéciaux, du son, du texte… C’est donc un créatif et un technicien qui maîtrise de nombreux logiciels. En France, il était dans la fonction publique en banlieue parisienne et faisait un peu d’animations pour ses loisirs. Il y a 5 ans, avec sa famille, il décide de changer d’air.
Il venait régulièrement à Valence pour des vacances et y avait des amis. La destination lui a semblé évidente. « Je suis arrivé avec seulement mon ordinateur ». Pendant 2 ans, Yoann se forme à son nouveau métier. Il finit par créer sa propre entreprise, DF Effect, et en vit désormais. Ses clients sont multiples et lui demandent de travailler sur des clips, des animations de logos ou encore des publicités, par exemple.
Un peu de culot peut parfois payer
Un soir de 2021, Yoann va dîner avec son épouse au restaurant le Samsha (ne cherchez pas de signification particulière à ce nom, juste que, à l’époque de son ouverture, cela sonnait bien aux oreilles du chef !). Ce lieu va au-delà de la gastronomie. Il propose de théâtraliser l’acte de chair. Il présente ses plats dans un contexte visuel, sonore et olfactif. Tous les sens des convives sont ainsi provoqués. Chaque plat est mis en scène d’un bout à l’autre de la dégustation. Au-delà d’un simple repas, le concept devient un spectacle où chaque sensation est exacerbée.
« Je n’ai pas trouvé la création visuelle très bonne », me dit Yoann. A la fin du dîner, il va donc voir le chef, lui tend sa carte de visite en lui disant : « Je suis artiste visuel et je peux faire beaucoup mieux que ce que vous proposez ». Pendant plusieurs semaines, rien ne se passe, la vie reprend son cours. Un jour de 2022, le téléphone sonne, c’est le fameux chef qui veut le voir. Il a décidé de lancer le 4ème acte de son projet. Il avait suivi le compte Instagram de Yoann et avait aimé son travail. Comme quoi, les réseaux sociaux n’ont pas que des mauvais côtés et le culot peut payer.
Une création visuelle anime un restaurant de Valence
C’est en 2005, à seulement 23 ans, que le chef Victor Rodrigo Alors ouvre son restaurant, le Samsha. Adepte d’une cuisine plutôt expérimentale, Victor Rodrigo est chef de l’année, pour la péninsule ibérique, en 2012. En décembre 2015, il donne vie à Samsha 1.0 « El bosque » où il part d’un champignon (un cèpe) pour aboutir à une forêt. En 2017, Aroa Lopez le rejoint et ils proposent une nouvelle création, Samsha 2.0. C’est finalement en octobre 2022 que la 4ème création, « Samsha Cromas » a vu le jour et pour laquelle Yoann a été chargé de la partie visuelle. Ce concept innovant, fondé cette fois sur les couleurs, dure 3 heures et n’est ouvert qu’à 12 convives à la fois.
Pour Yoann, cela aura été un gros projet. Six mois d’un travail acharné de création, de réunions préparatoires et de coordinations, d’expérimentations. Les chefs étant très pointilleux, chaque détail sera étudié. Tout se réalise au millimètre. Pour cette première espagnole, cela a été un « coup de maître » et une belle réussite. En 2023, le guide Repsol a d’ailleurs décerné un Sol Repsol à ce concept unique et innovant.
Une petite anecdote : bien évidemment, toutes les réunions se tenaient en espagnol et, à l’époque, Yoann n’était pas encore très à l’aise avec cette langue. « Les deux chefs sont tellement fusionnels que, non seulement ils parlent vite et fort, mais aussi ils s’expriment presque toujours en même temps. J’étais totalement épuisé à la sortie de ces rencontres », m’avoue Yoann. Depuis cette expérience, il est beaucoup plus à l’aise avec le castillan !
Un bel avenir espagnol se profile pour Yoann
Et la suite ? Dans quelques semaines, Yoann va démarrer les prémices de la création visuelle du Samsha 5.0 qui verra le jour après l’été 2025. Bien entendu, la thématique centrale doit rester, à ce stade, secrète. Son travail a d’ailleurs été repéré puisqu’un autre restaurant, celui-ci à Madrid, lui a demandé de travailler sur leur concept qui s’avère assez proche, voire plus, de celui élaboré par le chef Rodrigo Alors. Je suis certain qu’un bel avenir professionnel en Espagne s’ouvre pour Yoann.
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