Qui n’a jamais vibré au son d’une mascletà ne peut comprendre les sensations qu’elle est susceptible de provoquer. Emotions, chair de poule : personne n’en ressort totalement indemne. Nous avons donc cherché à obtenir plus d’informations sur cette coutume typiquement valencienne, afin de mieux la comprendre et de mieux l’apprécier. Lepetitjournal Valence a été reçu par Ricardo Caballer de l’entreprise Ricasa pour comprendre la face cachée de ces surprenants concerts de pétards.
Chez les Caballer, l’amour de la pyrotechnie remonte à 1881, lorsque Vicente Caballer Calatayud décida de créer sa propre entreprise. Reprise par la suite par deux de ses fils Ricardo et Vicente, la société familiale fut séparée en diverses branches, dont Ricasa. Gérée par Ricardo Caballer, arrière petit-fils du fondateur, elle est aujourd’hui une référence mondiale en terme de pyrotechnie et notamment de mascletà.
Les Mascletàs : un tradition valencienne
Tirant son nom des pétards qui la composent, la mascletà signifie "beaucoup de pétards" en valencien. Véritable concert, Ricardo Caballer la décrit comme « une symphonie parfaitement imparfaite ».
Bien que son année d’origine soit floue et incertaine, son évolution est en revanche bien plus marquée. Les mascletàs n’étaient auparavant composées que de ''truenos'' (pétard à simple détonation). Mais, au fil du temps, cette dernière a évolué devenant toujours plus explosive et spectaculaire.
Si la mascletà est devenue plus complexe, la sécurité qui l’entoure fut, quant à elle, prise beaucoup plus au sérieux. L’inconscience ou l’ignorance du danger que cette dernière représentait, faisait oser beaucoup de choses tant aux pyrotechniciens, qu’au public qui s’amusait notamment à courir après les pétards en feu. ''Une vraie mascletà réussie devait parvenir à briser au moins un verre, une fenêtre, sinon c’est que le travail avait été mal fait'' se souvient Ricardo Caballer.
Une vraie mascletà réussie devait parvenir à briser au moins un verre, une fenêtre, sinon c’est que le travail avait été mal fait. (Ricardo Caballer)
L’amour des Valenciens pour les pétards mais également pour le bruit remonte donc à bien des générations et se transmet au fil des années. ''Cela fait partie de notre culture depuis toujours. Le pourquoi du comment n’est pas réellement connu. On aime ça c’est tout, c’est notre tradition'' nous a-t-il précisé.
Une véritable évolution donc pour un art purement valencien. De nos jours, les mascletàs sont tirées avec plus de sécurité même si l’artificier la considère encore trop faible. ''Le public en général n’a pas conscience du danger. Les barrières ne protègent pas de tout, il faut en être conscient. 30 mètres seulement séparent les spectateurs des explosifs ... c’est peu, trop peu''.
Le public en général n’a pas conscience du danger. Les barrières ne protègent pas de tout, il faut en être conscient. 30 mètres seulement séparent les spectateurs des explosifs ... c’est peu, trop peu (Ricardo Caballer)
Une composition symphonique milimétrée
La première étape de réalisation d’une mascletà se déroule dans la tête de son créateur. L’accent est mis sur le rythme, élément fondamental. Ce dernier doit toujours aller crescendo. La mascletà débutera systématiquement de manière plutôt lente. Par la suite, les éléments s’enchaînent, notamment la « redonda » (explosifs faisant le tour de la Place). Son rôle est de donner une impulsion, d’accélérer la cadence.
Quant au "terremoto" final, l’artificier le décrit comme ceci : « Il doit donner envie au public que le spectacle continue. Une mascletà ne doit pas s’arrêter sans raison, elle doit éclater.» Une fois son idée décidée, le pyrotechnicien passe alors à la phase informatique. La mascletà est reproduite via un logiciel dans le but de vérifier sa bonne exécution.
Selon les entreprises, les pétards sont soit confectionnés à la main, soit directement importés depuis l’international. Chez Ricasa, tout est produit sur place par des artisans pyrotechniciens. Ces derniers suivent ce qu’ils appellent « leur recette de cuisine » en ajoutant tel ou tel élément chimique dans le but d’obtenir le résultat recherché. Ils sont alors appelés dans le langage pyrotechnique « silbatos », « serpentinas », « rastrells », etc. Sept à huit éléments suffisent pour une mascletà, même si une douzaine est généralement utilisée pour plus de diversité.
750 pétards pour un terremoto et 275 kilos de matériel pyrotechnique
Une fois prête, la mascletà est acheminée jusqu’à la Place de la Mairie via des camions conçus pour le transport de marchandises dangereuses. Une matinée est suffisante à l’équipe de pyrotechniciens pour l’installer. La place de la Mairie étant (spectateurs face à l’édifice) plus étroite à droite (28 mètres), qu’à gauche (37 mètres), le final est priviligié de ce côté afin de pouvoir y disperser plus d’éléments.
Les pétards sont installés par « retenciones », groupes de catégories. Emballés dans des papiers de couleurs, pour une question purement esthétique, les plus gros pétards sont quant à eux protégés de l’humidité par du papier aluminium. Le poids moyen de poudre d’un pétard de mascletà est de 80 grammes.
Quelques 750 pétards sont utilisés au terremoto pour faire trembler le sol et les jambes des spectateurs. De nos jours, la limite imposée par la Mairie de Valencia est de 275 kilos de matériels explosifs. Une restriction que regrette Ricardo Caballer : ''Mes mascletàs font 299 kilos. Il ne devrait pas y avoir de limite. Je lutte pour cela. Je pourrai très bien mettre 2 tonnes sur la Place de la Mairie si les gens étaient à la bonne distance de sécurité et sans explosions aériennes. Ce ne serait alors que du bruit, il n’y aurait aucun souci''.
Plus fortes, plus sensationnelles, plus colorées, les mascletàs sont devenues de véritables éléments incontournables des Fallas. Chaque année, ce sont des milliers de spectateurs, qui envahissent la Place de la Mairie, et patientent parfois plusieurs heures pour assister, ébahis, à cet art dont la complexité reste peu connue et la dangerosité sous estimée. Un moment empreint de tradition, de modernité et surtout de beaucoup de magie dont seuls les Valenciens ont le secret.