Tout le pays était à l'arrêt. Aucune radio n'émettait, aucune chaîne de télévision, aucun média ne diffusait, les voitures, les trains, les bus ne circulaient pas. Aucun avion ne rentrait ou ne sortait du pays, les magasins étaient fermés et même les bornes pour obtenir un vélib' annonçaient qu'elles reprendraient du service après la fête. Les non avertis devaient penser qu'une grande réunion devait avoir lieu hors de la ville, du pays sans qu'ils y soient conviés! Rien de tout cela! Aujourd'hui, était célébrée la fête la plus importante du calendrier juif, celle du Yom Kippour.
Les religieux observaient le jeûne total et se rendaient à la synagogue tandis que les laïcs profitaient de ce jour pour rattraper tous les épisodes de leurs séries préférées qu'ils n'avaient pas encore vus ! Seules les quelques rares ambulances circulaient et les hôpitaux fonctionnaient. Le calme était absolu, même les oiseaux semblaient se reposer. Pour les habitués des plages de Tel-Aviv, il était déconcertant de pouvoir aussi bien entendre les sons de la mer et des vagues qui, pour le coup, n'étaient pas masquées par les bruits éternels et continus des klaxons et des sirènes de la ville.
A Tel-Aviv, ce jour est aussi surnommé le "Jour des bicyclettes" car en effet, les rues, les boulevards et les autoroutes sont envahis, en ce jour particulier, par des hordes d'enfants, de vélos, de skateboards et de trottinettes en tout genre car nul n'ose briser la règle de ne pas utiliser de véhicule motorisé. Cela faisait l'affaire de tous ces enfants qui, exemptés de dure labeur à l'école, s'y sont donnés à cœur joie toute la journée!
Existe-t-il un pays, dans le monde, où la routine du travail et du mouvement, où le tourbillon de la vie telle que la société le définit s'arrête d'un accord commun pour 24 heures de répits et de pardons?
Dans la tradition juive, le Yom Kippour est le jour où chaque individu se voit offrir un "nouveau livre blanc et vierge" pour une nouvelle année. Les âmes se présentent devant Dieu avec leurs livres de l'année écoulée, demandent pardon pour leurs péchés et jettent leurs regrets du passé aux oubliettes du temps consumé. C'est aussi un jour propice à la réconciliation avec les personnes qui auraient pu nous offenser ou que nous aurions pu offenser.
Ce jour saint remonte à l'époque de Moïse qui reçut sur le mont Sinaï les instructions divines pour qu'un jour par an, selon l'expression, "un jour remarquablement saint devant Dieu" soit observé pour la purification de l'autel de l'encens.
Dans un passage du Lévitique, les deux fils d'Aaron meurent faute d'avoir respecté les instructions concernant l'encens. Dieu ordonna alors un nouveau rituel chargé de purifier non seulement le sanctuaire mais aussi le peuple d'Israël. De ce nouveau rituel en ressortira l'envoi dans le désert d'un bouc portant en lui toutes les fautes commises par le peuple d'Israël. Ce bouc deviendra le fameux bouc émissaire du peuple – origine de l'expression française - et on l'enverra à Azazel, un antique démon du désert. Dans la langue hébraïque courante, son nom est devenu une expression traduisible par notre expression française "Nom de Dieu". D'autres utiliseront aussi son nom pour inviter, de manière violente, quelqu'un à se rendre en enfer! Va chez Azazel!