Si Saint Barthélemy est aujourd’hui un île touristique mondialement connue pour ses longues plages de sable blanc et ses villas de milliardaires, savez-vous qu’elle fut autrefois une colonie suédoise ? Pendant près d’un siècle, de 1785 à 1878, l’île des Antilles est sous administration suédoise avant d’être vendue à la France. Que reste-t-il aujourd'hui de cet héritage ?
De colonie en colonie
L’île de Saint Barthélemy est une petite île des Antilles de 25 km² qui fut découverte en 1493 par Christophe Colomb, ce dernier la nommera d’après son frère, Bartolomeo. Une fois découverte, l’île sera sporadiquement visitée plusieurs fois avant d’être colonisée pour la première fois en 1648 par les habitants de l’île de Saint Christophe (ou Saint Kitts).
En 1651, elle est vendue à l’ordre de Malte mais encore une fois cette colonisation n’est pas un franc succès. En effet, seulement cinq ans plus tard une révolte des Indiens Tainos décime les colons et y met fin. Il faudra alors attendre plus d’un siècle pour que de nouveaux colons occupent l’île.
En 1763, l’île est de nouveau colonisée par des marins normands, qui y développent peu à peu le commerce, et la pêche, son caractère volcanique et le climat sec qui y règne ne permettent pas à Saint Barthélemy de participer au commerce du sucre. L’île reste alors sous domination française jusqu’en 1784. Date à laquelle la Suède rentre dans son histoire.
Gustavia renommée en hommage au roi
Le Royaume de Suède n’est pas connu pour être un des grands empires colonisateurs. Pour autant, l’histoire de la Suède est également marquée par une expansion territoriale outre mer dès le XVIIe siècle. On peut notamment rappeler l’existence de la colonie suédoise New Sweden sur les rives du fleuve Delaware en Amérique du Nord. La Suède était ambitieuse en terme de conquête, mais elle a souvent montré un déséquilibre entre ses ambitions et ses capacités.
En 1784, Gustav III est alors Roi de Suède, le leader rêvait de développer un empire colonial dans les Caraïbes qui placerait son pays au même rang que les autres puissances européennes. Alors qu’il échoue à prendre Tobago en 1733, il se tourne vers Saint Barth. Les Suédois ont pour objectif de faire de l’île un port franc qui leur permettrait de participer aux échanges commerciaux dans la région. Au XVIIIe siècle la France est une grande alliée de la Suède, et Gustav III est particulièrement francophile. De fait, en 1784 le Roi de Suède passe un accord avec Louis XVI, qui vend l’île en échange d’un droit d’entrepôt dans le port de Göteborg.
En 1785 Saint Barthélemy devient officiellement un port franc suédois (exempté de taxes), et la ville principale est renommée Gustavia en hommage au Roi. En 1786, la Compagnie suédoise des Indes occidentales est créée et l'île s'intègre peu à peu dans le commerce local. Saint Barthélemy devient une étape dans le trafic d'esclaves entre l'Afrique et les colonies Américaines. Sans pour autant que le trafic d’esclaves ne joue un rôle si important dans l’économie de l’île, le Royaume de Suède appliqua tout de même le Code noir. Saint Barth fut donc une colonie esclavagiste jusqu’en 1846, lorsque la Couronne décide d’abolir l’esclavage.
Lorsque la Révolution française débute, Saint Barth devient une destination de premier choix pour les émigrés français qui veulent échapper à la Terreur révolutionnaire. La période suédoise est signe de prospérité pour l’île dont la capitale se développe et grandit. La population augmente rapidement sur l’île, alors qu’en 1785 elle abritait près de 1.000 habitants, en 1812 elle aurait compté environ 5.500 habitants dont 3.900 à Gustavia.
Le déclin de Saint Barthélémy et la rétrocession à la France
Après la révolution française et le début des guerres napoléoniennes, le commerce n’est plus si florissant à Gustavia, tournant avant tout grâce à la pêche, au commerce du sel et quelques plantations de coton, de cacao et d’ananas. L’Europe commence à produire son propre sucre sur place et le commerce dans les Antilles ralentit.
La compagnie suédoise des Indes doit investir beaucoup d’argent pour la maintenance du port et des bâtiments publics sur l’île. En 1819 un cyclone ravage l’île et des événements météorologiques similaires font fuir les habitants, un incendie majeur en 1852 emporte une grande partie de Gustavia. Les habitants sont éprouvés par ces événements ainsi qu’une épidémie de fièvre jaune. Ils émigrent. Gustavia ne compte plus que 793 âmes en 1875.
Oscar II, roi de Norvège et Suède décide ainsi de se défaire de l’île par le traité du 10 août 1877. L’île est vendue à la France pour la somme de 400.000 francs.
Aujourd’hui Saint Barthélemy est une Collectivité d’Outre Mer française depuis 2007 qui compte 9.247 habitants.
Un héritage suédois ?
L’occupation suédoise n’a pas eu énormément d’influence sur Saint Barthélémy et il est évident qu’elle est avant tout une île française. Pour autant on y retrouve quelques traces.
Gustavia a gardé son statut de port franc et les commerces en “duty free” sont une des clefs de la popularité de l’île. Certains bâtiments présentent toujours une architecture de l’époque gustavienne et sur les bâtiments officiels flottent côte à côte drapeaux français et suédois.
Grâce à St Barthélemysällskapet, association suédoise des amis de saint Barthélemy créée en 1964 qui défend l’héritage suédois sur l’île, certaines rues affichent les noms des rues de l’époque suédoise à côté des noms français. On peut ainsi voir Kungsgatan renommée en français rue du Roi Oscar II. Ou bien la rue du Général de Gaulle, ancienne rue Östra Strandgatan.
On retrouve un cimetière suédois et plusieurs ruines de forts de l’époque de Gustav III. Par ailleurs, le blason de l’île présente la fleur de lys française mais également les trois couronnes suédoises. En novembre se coure “Gustavialoppet” une course qui célèbre les relation entre l’île et la Suède. Enfin depuis 1977, Piteå, ville du nord de la Suède, et Saint Barth sont des villes jumelées.
A près de 8.000 kilomètres de Stockholm, la petite île de l’océan atlantique bien connue des milliardaires du monde entier continue de faire exister l'héritage suédois qui lui reste.