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Jean-Luc Henriot – 30 ans d'expérience dans le secteur du pétrole et du gaz

Jean-Luc HenriotJean-Luc Henriot
Écrit par Laurence Huret
Publié le 7 juin 2021, mis à jour le 8 juin 2021

Après des études de commerce à Rouen, puis un service national en CSNA à l’Ambassade de Varsovie, Jean Luc Henriot a débuté sa carrière dans le domaine du contrôle de gestion pour un grand groupe industriel du secteur parapétrolier à Paris, avec lequel il a fait plusieurs expatriations et missions à l’étranger : Tahiti en 1991, Singapour en 1992, Jakarta en 1996, Amsterdam en 1998 et de nouveau Singapour en 2003. Jean-Luc travaille aujourd’hui pour le projet d’extension d’une raffinerie à Tuas et gère en parallèle la librairie francophone en ligne  « Akaroa ». Il est Permanent Resident à Singapour et son partenaire est Malaisien.

 

Jean-Luc, quels souvenirs gardez-vous de Singapour dans les années 2000 ? Quels évènements vous ont le plus marqué ?

Mes premiers souvenirs de Singapour datent de 1992. J’étais alors un jeune cadre de 28 ans. Je découvrais le monde du parapétrolier offshore avec ses projets de plusieurs dizaines de millions de dollars. J’ai travaillé avec les chefs de projet charismatiques qu’il nous fallait pour la conduite de ces projets complexes dans des pays souvent exotiques et difficiles, comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où je fis un voyage mémorable.

J’ai d’abord été impressionné par la richesse de Singapour, avec notamment ses Ferrari et les Rolls Royce devant les hôtels, ainsi que par une certaine « classe » et un savoir vivre de sa communauté. Le nombre de cargos en mer devant le port m’a aussi impressionné. J’ai découvert une ville dont l’histoire et la richesse reposent plus sur le développement de ses échanges commerciaux, que sur l’exploitation d’un territoire.

Mais mon principal souvenir de Singapour est son côté pluriethnique et multiconfessionnel. Singapour a été une rencontre avec un vrai mélange harmonieux. Et je suis heureux que ce soit toujours le cas. Bien sûr, j’ai réalisé plus tard que cette harmonie est favorisée par deux facteurs que sont sa richesse et un haut degré de planification. C’est aussi à cette époque que j’ai assumé mon orientation sexuelle.

Pratiquement dix ans plus tard, ce même groupe industriel m’a proposé une nouvelle expatriation à Singapour, pour un mégaprojet, et avec plus de responsabilités. Dès mon arrivée, j’y ai vécu la crise du SARS de 2003. J’ai été le témoin de la confiance des Singapouriens dans leur gouvernement pour la gestion de cette crise. Ils se sentaient protégés.

Pour moi, Singapour au début des années 2000, c’est aussi une certaine liberté grâce au Premier ministre de l’époque. Les Nation Pride avaient lieu chaque année au même moment que le National Day. Mais en 2004, tout a changé. Les Nation Pride n’ont plus été autorisées. J’ai été déçu par la relative indifférence des Singapouriens. Il a fallu attendre 2009 pour que cet évènement soit remplacé par Pink Dot. C’est bien, mais c’est insuffisant. Les Singapouriens restent timorés sur ces sujets de la diversité. Ils n’osent pas abroger un article du Code Pénal datant de la Reine Victoria. C’est un des derniers pays dans le monde à pénaliser les relations homosexuelles.

 

Jean Luc Henriot

 

Quels ont été les challenges professionnels et personnels auxquels vous avez dû faire face ?

Je suis rentré en France en 2007 pour retrouver un groupe industriel changé et des perspectives de carrière amoindries. C’est à ce moment là que j’ai fait le grand saut. J’ai décidé de quitter l’entreprise pour revenir à Singapour, mais hélas au mauvais moment, car la crise de 2008 est arrivée. J’ai alors vécu une longue période de vaches maigres jusqu’à fin 2009. Mais je me suis accroché, en devenant simultanément agent immobilier et professeur de FLE (français langue étrangère). Je ne regrette rien de cette période.

Mon autre challenge aura été d’ouvrir la librairie francophone en ligne « Akaroa », puis de trouver suffisamment de temps de libre - tout en travaillant - pour la gérer. Nous avons ouvert cette librairie avec Danièle Weiler, ancienne documentaliste au Lycée Français en 2014. Mais l’idée avait germé en moi en 2006 lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande, et plus précisément lors de ma visite à… Akaroa ! Cette librairie reste un défi de tous les jours avec l’essor des nouveaux media de l’internet. Mais c’est pour moi un projet tellement passionnant et motivant, que je me débrouille toujours pour organiser un événement littéraire. Même pendant cette période de crise Covid-19, nous avons réussi à organiser un évènement pour le lancement du second roman d’Olivier Castaignède, Secrète Lalibela, le 2 avril dernier. Le précédent était avec Rémi De Gaulle, lors de son passage à Singapour dans le cadre de son livre sur son grand-oncle.

 

Jean Luc Henriot
Librairie Akaroa

 

Quel appui vous ont apporté les différentes institutions françaises ?

Dans le cadre de mon activité professionnelle dans le secteur parapétrolier, j’ai eu peu de liens avec ces institutions. Les choses ont bien sûr changé avec le lancement de la librairie francophone. Nos événements littéraires, 24 à ce jour, ont donné lieu à de belles collaborations avec l’Institut Français, le Lycée Français, l’Alliance Française et LePetitJournal.com.

Par ailleurs, je suis toujours resté très attaché à mon école, NEOMA, née de la fusion des écoles de commerce de Rouen et de Reims. Dès mon arrivée à Singapour en 2003, j’ai pris la charge d’animer le réseau des diplômés. Ça vaut beaucoup de belles rencontres, et parfois ça aide aussi.

 

Jean Luc Henriot
Avec le physicien Thibault Damour

 

Comment voyez-vous la situation actuelle à Singapour dans le contexte de la pandémie ? Sur le plan professionnel et personnel ?

Le projet d’extension de la raffinerie étant jugé essentiel à l’économie, le gouvernement a autorisé la remobilisation des équipes. Comme beaucoup d’expatriés n’ont pu ou voulu revenir, cela a créé des opportunités d’embauche dont j’ai profité en tant que Résident Permanent. Tout va donc pour le mieux du coté professionnel.

Mais sur les plans personnel et familial, cette période est plus difficile, avec les restrictions imposées pour sortir entre amis, et les difficultés pour rentrer plus souvent en France où mes parents prennent de l’âge. Cette pandémie est également un frein à l’organisation d’activités promotionnelles et de partage pour notre librairie francophone. Heureusement, nous organisons des e-Apéro sur Zoom avec nos amis de tous horizons, américains, européens, britanniques et asiatiques !

 

Comment envisagez-vous votre avenir ?

C’est la question à mille francs ! Je ne vous surprendrai pas en disant qu’il est difficile de vraiment connaitre les Singapouriens, même après tant d’années. Nous sommes des « Ang Moh ». Nos amis singapouriens sont ceux qui ont voyagé et ont été exposés à différentes cultures. De fait, nos amis sont surtout internationaux, et sans surprise, beaucoup ont quitté Singapour… et d’autres sont arrivés.

Qu’en sera-t-il pour moi ? Avec mon partenaire Malaisien, mon statut de PR, mes activités, le futur proche reste Singapour. Ensuite, je ne sais pas. Un très bon ami vient récemment de rendre son passeport allemand pour prendre la citoyenneté singapourienne. Il parie que je resterai à Singapour aussi. Peut-être aura-t-il raison ?

 

20 ans lepetitjournal.com

Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de lepetitjournal.com, l’édition de Singapour a souhaité donner la parole et mettre en lumière des Français et francophones résidant à Singapour depuis une vingtaine d’années.

 

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