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Genèse d’ANGKOR, expo-événement, par la Présidente de Guimet

ANGKOR, art Khmer, Sophie MakariouANGKOR, art Khmer, Sophie Makariou
Accueil par une sculpture Avalokiteshvara, Mekong Delta, 7eme siècle-début 8ème siècle (c) ACM
Écrit par Clémentine de Beaupuy
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 18 avril 2018

 

ANGKOR à l’Asian Civilisations Museum jusqu’au 22 juillet rend compte de la splendeur de l’art Khmer, sa beauté, sa grandeur et ses influences. En filigrane de cette déambulation esthétique, se détachent des salles, le rôle des scientifiques et archéologues qui ont permis de révéler au public ce site et ont lutté par leur travail contre les « soubresauts » de l’histoire, les défis géopolitiques ou environnementaux. 

 

Des expéditions françaises du XIXème, en passant par l’Ecole Française d’Extrême Orient chargée de l’inventaire et de la préservation du site d’Angkor de 1907 à 1975, jusqu’aux chercheurs actuels, cette exposition rend hommage à ces passionnés, qui permettent la transmission plus de dix siècles après leur création d’une œuvre grandiose. 

Retour sur  la genèse cette exposition avec Sophie Makariou, Présidente du Musée national des arts asiatiques Guimet. 

 

 

Sophie Marakiou; Kennie Ting; Angkor wat

 

LPJ/singapour : Pouvez-vous nous éclairer sur l’origine de la collection de l’Art Khmer du Musée Guimet ? 

Sophie Makariou : Le Musée national des arts asiatiques Guimet, fondé en 1899, porte le nom de son fondateur, Emile Guimet, industriel lyonnais et passionné d’Art. Il n’a  jamais voyagé au Cambodge mais au Japon, en Inde, au Sri-Lanka, en Chine. Il a d’ailleurs réalisé sa première grande exposition à Paris sur l’art japonais. A la même période, Louis Delaporte, qui faisait parti de l’expédition sur le Mékong,  exposait également à Paris sa collection d’art khmer, montré pour la 1èrefois au public. Cette collection a été l’origine du « Musée Indochinois » dont le Musée Guimet a hérité en partie. 

La première mission au Cambodge a eu lieu en 1866 où le jeune Delaporte, doué en dessins et en aquarelle, était présent. L’idée était de représenter les temples tels qu’ils étaient, recouverts de végétation et ainsi protégés des aléas climatiques.  Reflétant sa fascination pour le site, ses dessins ainsi réalisés ont été très importants pour la connaissance et la conservation du site d’Angkor. 

Le début de cette exposition rend compte à la fois de cette redécouverte de l’Art Khmer, grâce aux chercheurs français, notamment à travers ces expéditions sur le Mékong et la création de l’Ecole Française d’Extrême Orient en 1899, et la manière dont cet art a été révélé au public. Tout au long de cette exposition, on se rend compte également des fortes relations entre la France, ses chercheurs  et le Cambodge. 

 

 Members of the 1866 Mekong Exploration;  Angkor Wat
De gauche à droite : Ernest Doudard de Lagrée (1823–1868), Louis-Marie de Carné (1844–1871), Clovis Thorel (1833–1911), Lucien Joubert (1832–1893), Louis Delaporte (1842–1925), Francis Garnier (1839–1873)

 

 

Une partie de cette collection d’art Khmer est donc aujourd’hui exposée à l’Asian Civilisations Museum. Comment s’est réalisé ce partenariat avec les 2 musées ?

 

Je connaissais déjà Kennie Ting qui était venu me rendre visite à Paris lors de sa prise de fonction. En 2013, une exposition sur l’art Khmer Angkor, naissance d’un mythe,  avait déjà été montée et nous avions le projet de faire une version de cette exposition pour l’étranger. En marge du voyage présidentiel à Singapour en mars 2017, j’ai rencontré de nouveau Kenneth pour lui présenter cette exposition. Par rapport à l’exposition parisienne, cette version a été reformatée pour répondre aux besoins du musée de Singapour. Elle contient également moins de moulages, dû à la fragilité de ces œuvres. Elle conserve cependant l’esprit de celle présentée à Paris, avec ce chapitre lié à la découverte du site.

Nous avons dans nos collections du Musée Guimet 600 moulages des reliefs d’Angkor dont beaucoup ont été dégradées par les aléas climatiques. Cela permet de placer Angkor non seulement dans l’histoire de sa découverte mais également de restituer le contexte architectural des sculptures. D’ailleurs, un programme réunissant des chercheurs internationaux a lancé l’idée de numériser ces moulages afin de les conserver. 

 

Angkor wat; Louis Delaporte; asian civilisations; art khmer

 

 

La fin de l’exposition est consacrée aux découvertes scientifiques actuelles ? Que découvre t’on encore ? 

Les découvertes sont permises par un travail scientifique et des avancées technologiques qui n’étaient pas possibles il y a quelques années. Grâce à la technologie, des archéologues français et cambodgiens  ont mis en évidence un site, datant du IXème siècle (préangkorien) dans le parc national de Phnom Kulen, situé dans une chaîne de montagnes à environ 40 km au nord d'Angkor Wat. En 2012, des recherches LIDAR, sorte de radars aéroportés permettant de détecter les constructions disparues, y compris celles en bois, a révélé ce site : une complexité urbaine de la ville d’Angkor plus étendue qu’on le pensait et une autre ville ancienne Mahendravarpata, qui se trouvait sous le plateau couvert de jungle.

 

 

Est-ce que cette exposition marque le début d’une collaboration de long terme entre le Musée Guimet et l’Asian Civilisations Museum de Singapour ? 

C’est une première collaboration . Le Musée Guimet a de très belles collections d’art asiatique, notamment d’art chinois. Cela peut effectivement constituer un axe d’une future collaboration, nous nous en réjouirions. 

 

 

angkor exhibition singapour

 

Angkor,Exploring Cambodia’s Sacred City Masterpieces of the Musée national des arts asiatique Guimet présente plus de 140 sculptures, aquarelles, dessins et souvenirs historiques. 

 

 

 

La 1èrepartie de l’expositionest consacrée aux photographies, aux aquarelles, aux gravures, des dessins architecturaux, des moulures de façades de temples réalisées par Louis Delaporte et du photographe Emile Gsell. 

L'un des moulages  présenté lors de l'exposition est le seul vestige d'une scène de bas-relief détruite lors de l'effondrement d'un mur dans les années 1940 dans le temple d’Angkor. 

En plus des dessins et des photographies, les français ont aussi réalisé des impressions avec du papier humide et encre,  notamment pour les inscriptions et les  bas-reliefs. Cette méthode  peu coûteuse, facilement transportable est très précise et constitue un témoignage unique des fresques au moment de leur découverte. 

Rubbing_Detail of the “Royal Procession” bas-relief at Angkor Wat
détail du bas-relief de la "Procession Royale" à Angkor Vat dans la troisième enceinte de la galerie au premier niveau de la pyramide, face sud, côté ouest Siem Reap.

 

Par ailleurs, quelques documents, dont LE PETIT JOURNAL (rien à voir à votre édition actuelle !) et photographies relatent la perception du public sur la découverte de cet art Khmer délicat et grandiose. 

 

Le petit journal; exposition coloniale

La 2ndepartie de l'exposition présente des chefs-d'œuvre de l'art khmer. Plus de 50 sculptures donnent un aperçu de la progression de l'art khmer, illustrant l'habileté des artistes à transformer la pierre brute en sculptures qui capturent les traits du visage, les draperies et le réalisme d’un corps. 

Les visiteurs pourront examiner de près des pièces étonnantes qui représentent les différentes divinités du panthéon hindou et bouddhiste d'Angkor et appréciait le mélange des divinités sur ce site. Ils pourront admirer la sculpture de Avalokiteshvara personnifiant la compassion de Bouddha (milieu du VIIe ou début du VIIIe siècle (période pré-Angkor, style Phnom Da) Grès)  ou celle de Vishnu

 

angkor vat déesse; exposition à Singapour

 

Au milieu de ces chefs d’œuvres, une statue de Déesse (- photo ci-dessus - province de Siem Reap, temple de Bakong (Roluos), dernier quart du 9ème siècle)a connu une histoire singulière comme le précise Pierre Baptiste, conservateur Asie du Sud-Est du Musée Guimet. 

Le musée possédait depuis longtemps le corps de la statue, donné par l'École française d'Extrême-Orient en 1936. L’ambassadeur des États-Unis au Cambodge (1974-75), John Gunther-Dean possédait lui la tête et la montrait au spécialiste du Musée, les deux éléments concordaient parfaitement. En 2006, l’ancien ambassadeur en a donc fait cadeau au Musée Guimet.  « En 2006, le corps et la tête ont été réunis ! C’est un événement unique dans la vie d’un chercheur » concluait Pierre Baptiste.

 

 

 

 

 

clémentine de beaupuy
Publié le 18 avril 2018, mis à jour le 18 avril 2018

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