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Décrocher l’or : Journée mondiale de la propriété intellectuelle

Denis Croze OMPI Singapour Denis Croze OMPI Singapour
Denis Croze @ OMPI
Écrit par Catherine Soulas Baron
Publié le 25 avril 2019, mis à jour le 19 juin 2019

Le 26 avril célèbre la Journée mondiale de la propriété intellectuelle qui, cette année s’intéresse au monde du sport avec le thème « Décrocher l’or ». Le terme de propriété intellectuelle désigne « les œuvres dites de l’esprit » comme les inventions, les œuvres littéraires et artistiques, les dessins et modèles, les noms et images utilisés dans le commerce. Un Français, Denis Croze, dirige avec maestria, le bureau de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) pour la région Asean à Singapour. Il répond aux questions du Petit Journal.

 

Lepetitjournal.com: Quel est le rôle de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ?
Denis Croze :
L’OMPI est la seule instance mondiale chargée de gérer à la fois des services, des politiques, de l'information et de la coopération en matière de propriété intellectuelle, communément appelée PI. Institution des Nations Unies, elle comprend 192 États membres. Sa mission consiste à promouvoir l’élaboration d’un système international de propriété intellectuelle équilibré et efficace qui favorise l’innovation et la créativité dans l’intérêt de la société. Pour cela, elle a à la fois des fonctions normatives (élaborer des traités) et de coopération technique (aider les pays en développement à mettre en place un système de propriété intellectuelle efficace et adapté). Mais sa particularité est aussi d’avoir une vocation économique à destination des entreprises, qui lui permet d’être financièrement autonome. Elle gère des services d’enregistrement international des brevets (PCT), des marques (Madrid), des dessins et des modèles industriels (La Haye) qui permettent de protéger ces droits dans la plupart des pays par le biais d’une procédure d’enregistrement unique. Elle offre également les services d’un Centre d’arbitrage et de médiation des litiges en matière de PI et propose diverses plateformes en ligne de partenariat dans le domaine de la santé ou de l’environnement. Enfin, l’OMPI met gratuitement en ligne, à disposition du public, ses bases de données qui constituent un indispensable outil d’intelligence économique pour le secteur privé.

Pour quelles raisons est-elle installée à Singapour ?
Récemment, le centre de gravité de la PI s’est déplacé de l’Europe et de l’Amérique du Nord vers l’Asie. En 2017, 65,1 % des demandes de brevets étaient déposées en Asie (49.7 % en 2007) contre 20.3 % en Amérique du Nord (26 % en 2007) et 11.2 % en Europe (18.1 % en 2007). La Chine est le pays qui connaît aujourd’hui le plus fort volume de demandes au monde de brevets (1.38 million), de marques et de dessins et modèles (628 658). L’OMPI dispose de 6 bureaux extérieurs, établis à Pékin, Tokyo, Moscou, Rio de Janeiro, Alger et Singapour. Seul ce dernier est de nature régionale et couvre les 10 pays de l’ASEAN. Compte tenu de la croissance économique des pays d’Asie, il était logique que l’OMPI soit présente à Singapour, au centre de la communauté économique de l’ASEAN, pour assurer son rôle de « Service Center » pour les entreprises de la région et notamment les PME.

OMPI 26 avril 2019 journée mondiale de la propriété intellectuelle
@OMPI


Le 26 avril est la Journée mondiale de la propriété intellectuelle. Que célèbre cette journée ? Quels en sont les objectifs ?
Le 26 avril de chaque année, la Journée mondiale de la propriété intellectuelle souligne le rôle que joue la PI en contribuant à faire prospérer les innovations et les créations, en veillant à ce que les inventeurs et les créateurs obtiennent une rémunération équitable pour leur travail et puissent en vivre, en protégeant l’image associée à une marque. Cette année, elle s’intéresse au monde du sport avec le thème "Décrocher l’Or".  L’idée est de démontrer la façon dont les droits de propriété intellectuelle en encourageant et protégeant l’innovation et la créativité favorisent le développement du sport et de sa pratique dans le monde entier. En effet le sport est devenu une industrie mondiale pesant plusieurs milliards de dollars. Les entreprises du secteur sportif utilisent les brevets et les dessins et modèles pour protéger le développement de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux, de nouveaux types d’entraînement et de nouveaux équipements sportifs afin d’améliorer les performances physiques et d’attirer les fans du monde entier. Les marques et l’image de marque optimisent les recettes commerciales provenant du parrainage, du merchandising et des contrats de licence. Ces recettes couvrent le coût de l’organisation d’événements de classe mondiale, tels que les Jeux olympiques et les Coupes du monde, et permettent de préserver la valeur et l’intégrité de ces événements exceptionnels.

Quelle est la définition de la propriété intellectuelle ? Y a-t-il une différence avec la propriété industrielle ?
La propriété intellectuelle a deux volets : la propriété industrielle d’une part, qui comprend les inventions, les marques, les dessins et modèles industriels et les indications géographiques, et la propriété littéraire et artistique d’autre part - généralement qualifiée de droit d’auteur - qui s’applique aux œuvres littéraires (romans, pièces de théâtre, poèmes, etc.), aux films, aux œuvres musicales et artistiques (dessins, peintures, photographies, sculptures) mais aussi aux droits des artistes interprètes, exécutants, producteurs de phonogrammes, etc. Les droits de PI sont des droits de propriété comme les autres qui permettent au créateur ou au propriétaire d’un brevet, d’une marque ou d’une œuvre protégée par le droit d’auteur de tirer un avantage financier de son invention ou de sa création et de l’investissement qu’il a effectué. Le système de la PI repose sur cet équilibre entre le monopole temporaire donné au titulaire du droit - qui protège les intérêts des innovateurs et des créateurs - et le retour du droit dans le domaine public à l’issue d’un temps déterminé.

Quels sont les pays les plus avancés dans la protection intellectuelle ? Quels pays n’ont pas encore de protection ?
Les 192 pays membres de l’OMPI doivent respecter un minimum de règles adoptées au niveau international à la fin du XIXe siècle. Sur la base de ces traités, l’accord mondial sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) a été conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce en 1995 et lie aujourd’hui ses 165 États membres. Cet accord fixe des normes de protection minimum pour tous les pays membres. On parle donc moins aujourd’hui de protection - même si une harmonisation supplémentaire des règles serait souhaitable -  et plus de capacité d’innovation. À cet égard, l’OMPI publie chaque année, en collaboration avec l’INSEAD et l’université de Cornell, l’indice mondial de l’Innovation, un outil quantitatif détaillé destiné à aider les décideurs du monde entier à mieux comprendre comment stimuler l’activité inventive, moteur de la croissance économique et du développement humain.

En 2018, parmi les 10 pays les plus innovants au monde, on trouve la Suisse (1ere), suivie des Pays-Bas, de la Suède, du Royaume-Uni et de Singapour. La France est 16e. À noter que la Chine a fait pour la première fois en 2018 son entrée parmi les 20 premiers pays à la 17e place. Elle s’est d’ailleurs dotée de juridictions spécialisées en PI. On constate en tout état de cause une très nette amélioration dans certains pays connus pour leurs contrefaçons.

De nombreuses personnes et entreprises n’ont pas conscience de l’importance de la PI. Quelles sont les actions menées par l’OMPI pour y remédier ?

La sensibilisation à la propriété intellectuelle est diverse. L’OMPI a par exemple contribué à créer des brochures orientant les chefs d’entreprise dans le dédale de la protection par brevet, des programmes de prix récompensant l’excellence des dessins et modèles industriels. Des messages publicitaires visent à combattre la piraterie et sont destinés à dissuader les consommateurs de copier de la musique ou d’acheter des marques de contrefaçon. Les bureaux de PI dans les différents pays ont désormais pris le relais de cette sensibilisation qui touche toutes les catégories de créateurs et d’innovateurs. Ils conduisent de nombreuses formations à la demande.

Pensez-vous qu’il faille en parler dans les écoles et lycées ?
Absolument. Et c’est d’ailleurs ce qui se fait dans de nombreux pays. Il est fondamental de sensibiliser les jeunes au problème de respect des droits de propriété intellectuelle dès leur plus jeune âge. Internet et les facilités de voyages ont facilité et multiplié les offres et les possibilités de télécharger illégalement des films, des musiques ou des séries télé, ou d’acheter des produits de contrefaçon. Mais il ne faut pas oublier que ces  atteintes portées à des entrepreneurs ou des créateurs ne concernent pas que des multinationales et mettent en danger de mort des start-up ou des artistes qui démarrent ! 

Quels sont les nouveaux traités qui ont récemment été adoptés au plan international ?
En dépit de la crise du multilatéralisme, l’OMPI a réussi à faire adopter un certain nombre de conventions internationales en matière de propriété intellectuelle : le Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées en 2013, le Traité de Pékin sur les interprétations et exécutions audiovisuelles ou l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques en 2015. Un certain nombre de projets de traités sont en discussion concernant la protection des radiodiffuseurs, le droit des dessins et modèles ou la protection des ressources génétiques, des savoirs traditionnels et du folklore.

Que conseillez-vous aux entreprises françaises sises à Singapour et de façon générale en Asie ?
Quelle que soit la nationalité de l’entreprise, ce qui est fondamental dans une économie mondialisée, est de protéger ses actifs sur les marchés extérieurs. Et ces actifs, en PI, ce sont les brevets, les marques ou les dessins et modèles. Par conséquent, le préalable à toute expansion à l’étranger, est d’assurer une protection de ses droits de PI dans les pays dans lesquels on veut s’implanter ou commercialiser ses produits. Beaucoup de petites et moyennes entreprises qui ont voulu faire cette économie se retrouvent dans des situations critiques. Les systèmes mondiaux d’enregistrement de l’OMPI facilitent cette protection, facilement, rapidement et à moindre coût ! 

Quels sont les métiers de la PI. Quelles sont les formations que vous conseillez aux jeunes qui s’y intéressent ?
Dans la mesure où la propriété intellectuelle touche désormais tous les domaines de l’économie, il est difficile de donner une réponse simple. Les domaines juridiques et d’ingénierie resteront les principaux métiers. Le CPI à l’université de Strasbourg est une excellente formation. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où nous sommes passés dans des sociétés largement fondées sur un capital immatériel (c’est à dire l’image de marque, les dessins et modèles et la technologie), les métiers de la propriété intellectuelle - qui est utilisée pour protéger ces actifs incorporels - ne peuvent que connaître un rôle croissant. Et ces métiers seront essentiels avec le développement de l’intelligence artificielle, le big data ou l’IoT.

 

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