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De Bouddha au Petit Prince, Arnaud Nazare-Aga, la poursuite du bonheur

Arnaud Nazare-Aga Petit Prince SingapourArnaud Nazare-Aga Petit Prince Singapour
Écrit par Laurence Huret
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 26 juin 2018

Artiste plasticien français basé à Bangkok, Arnaud Nazare-Aga, à travers ses sculptures colorées,transmet sa philosophie de vie positive, héritée de son enseignement bouddhiste. Ses sculptures du Petit Prince sont exposées au Singapore Philatelic Museum, à l’occasion des 75 ans de ce chef d’œuvre de la littérature française.

www.lepetitjournal.com/singapour - Passionné d’art depuis votre enfance, votre démarche a d’abord été spirituelle. A l’âge de 14 ans, vous intégrez un centre bouddhiste tibétain en Bourgogne.

Arnaud Nazare-Aga - Adolescent, je me posais beaucoup de questions. J’ai eu une péritonite aigüe qui s’est mal passée, j’ai été déclaré cliniquement mort.  En me réveillant, je me suis dit que j’avais besoin d’une expérience forte, une expérience spirituelle. La première option qui m’a traversé l’esprit a été d’essayer les hallucinogènes... Plus sérieusement, à cette époque ma mère suivait un stage sur le livre des morts tibétains dans le temple bouddhiste de la Boulaye en Bourgogne, un des premiers créés en France. Elle était psycho-thérapeute et suivait des patients en soins palliatifs. En convalescence à la maison, je me suis retrouvé par hasard, si hasard il y a,  à lire les notes qu’elle ramenait tous les jours, impatient de lire la suite.

Je me suis rendu au temple bouddhiste et là, ça a été une révélation. J’y ai vécu de 14 à 28 ans, recevant les enseignements de ma lignée et participant aux activités de la vie en communauté. Je me suis tourné vers les arts. A 18 ans, je suis allé à Paris apprendre à décorer le temple. Durant six ans j’y ai travaillé la sculpture et la technique du staff, matériau fait d’un mélange de plâtre et de fibres. J’ai participé à la construction de bouddhas monumentaux, sous la direction de grands artistes venus du Bhoutan. Et en 1988, après l’inauguration du temple, je suis parti vivre en Asie.

Artiste plasticien, vous combinez différentes techniques de peinture, de sculpture, mêlant couleurs dynamiques et graphisme énergique. Quel est le fil conducteur de vos oeuvres?

- Je réalise des sculptures en résine et fibre de verre, colorées à la peinture acrylique. La colorisation des sculptures est courante dans la pratique tibétaine. J’ai grandi dans cette profusion de couleurs que l’on retrouve dans les temples, sur les sculptures, j’en suis complètement imprégné. Chaque couleur a sa propre énergie. Elle interagit directement sur notre tempérament, notre humeur. Tant qu’on garde leur brillance, leur éclat, mes sculptures diffusent une énergie positive. Mon objectif est d’apporter de la joie, du bonheur à travers des sculptures sympathiques.

Je n’ai pas fait d’école d’art, comme Niki de Saint Phalle, une artiste qui m’a beaucoup inspiré. Mes maitres bouddhistes m’ont enseigné les techniques, des professionnels français m’ont appris le moulage et j’ai rencontré beaucoup d’artistes.

Arnaud Nazare-Aga

Votre atelier PAJ’Art studio se situe à Bangkok. Etre basé en Thaïlande vous a-t-il aidé à évoluer, en terme de créativité et de business ?

- En Thaïlande, j’ai la liberté de travailler pour moi, de créer mes propres pièces. Il y a une grande créativité de la part des thais, une grande adresse dans le travail. Très minutieux, ils savent reproduire les mêmes gestes, avec une précision identique. J’ai 25 employés que j’ai formés. La réalisation des pièces est très longue : 5 semaines pour les petites pièces, 3 mois pour les grosses, avec beaucoup de gestes répétitifs, 35 couches de matériaux, avant d’obtenir une pièce qui va ressembler à de la porcelaine, du verre soufflé. La liberté d’espace est aussi très importante. Mon studio fait 1000 m2.

Je ne vends pas énormément à Bangkok, par contre c’est un hub extraordinaire pour expédier partout dans le monde et c’est très facile pour moi de me déplacer sur les salons. Bangkok se trouve à proximité de Hong Kong et Singapour, deux places du marché de l’art importantes en Asie, et pas très loin du Moyen Orient qui est en train d’exploser. Comparé à l’Europe, le potentiel en Asie est beaucoup plus important en terme de croissance.

Vous exposez à nouveau vos sculptures du Petit Prince, au Singapore Philatelic Museum, à l’occasion des 75 ans de ce chef d’œuvre de la littérature française. Pouvez-vous nous en dire plus ?

- Curieusement j’ai beaucoup lu sur Saint-Exupéry étant enfant, j’étais fasciné par son expérience de vie au travers de ses voyages, ses rencontres avec les gens. J’avais entre douze et quatorze, je voulais devenir pilote. Mon beau-père était colonel et aurait eu la possibilité de me faire rentrer dans l’armée de l’air. Il s’est avéré que j’ai un œil aveugle de 80%,… fin de l’aventure.

En 2015, dans le cadre du festival Voilah!, l’Alliance française de Singapour a exposé mes sculptures du petit Prince, réalisées à la demande de la Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la jeunesse. Grand succès, 8000 visiteurs en 7 semaines ! Cette exposition a été un véritable tournant pour moi, un challenge inimaginable. Il fallait que l’on puisse retrouver l’émotion du livre et des dessins au travers de sculptures. Tout le monde connaît le Petit Prince. Il ne s’agissait pas de refaire les dessins de Saint-Exupéry, il y a des photocopieuses pour ça. Quand j’ai créé l’exposition, l’objectif était de permettre à des non-voyants ou mal-voyants de toucher les dessins d’Antoine de Saint-Exupéry, avec des sculptures blanches, vernies. Souhaitant transmettre au public les sensations des aveugles, l’idée de départ a évolué vers une présentation de sculptures blanches, fluorescentes, comme suspendues dans l’espace sous un dôme de lumière violette. Une prouesse technique qui a nécessité plusieurs mois de travail. L’exposition a par la suite connu le même succès à Hong Kong et en Corée du Sud.

« On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. » Le Renard, dans Le Petit Prince

Comment voyez-vous l’évolution de votre relation avec la fondation Saint-Exupéry ?

- Je travaille actuellement sur une œuvre pour le Raid Latécoère, épreuve sportive et aéronautique de passionnés qui décollent chaque année de Toulouse, jusque Saint-Louis du Sénégal, et suivent ainsi les traces de Jean Mermoz, Henri Guillaumet et Antoine de Saint-Exupéry. L’édition 2018 coïncide avec le centenaire de la ligne Toulouse-Barcelone et la fondation Saint-Exupery m’a demandé de faire une sculpture qui devrait être placée dans les villes étapes.

Nous préparons aussi une exposition sur Paris. Pas de date, ni de lieu pour l’instant. Pas contre, le curateur, commissaire de l’exposition,  est déjà nommé, il s’agit de Jean-Pierre Guéno, écrivain, historien. Personnage brillant, qui a écrit trois livres sur Saint-Exupéry.

Parallèlement à l’exposition du Petit Prince, continuez-vous à développer vos propres œuvres ?

Arnaud Nazare Aga Totem
- En effet, après les baleines, les hippos, les sumos,… je viens de créer ma dernière collection d’ours pop’art. Seul, je ne suis plus associé à mon ex-femme Adeline. Je prépare une grosse exposition d’ours qui devrait être présentée à Singapour en septembre, juste avant le grand prix de Formule 1. L’ours Trump, exposé à Art Stage Singapour cette année (Art Porters Gallery), est à ce jour ma seule œuvre politique. L’idée m’en est venue quand Trump est sorti des Accords de Paris. Je l’ai représenté à cheval sur un ours fondant sur la banquise. Dans cette sculpture, il y a un symbole fort du monde vers lequel on dérive. J’en ferai peut-être d’autres.

J’ai également exposé à Art Stage une sculpture monumentale, un assemblage de trois sumos. Il représente un peu ma philosophie de vie. Le premier sumo qui porte les deux autres est très stable, ancré dans le sol, les deux mains sur les genoux. Il représente la connaissance de soi, des autres, de l’environnement. Un second sumo se tient sur les épaules du premier, les bras ouverts, il représente une ouverture aux autres, au monde. Il a confiance dans ce premier sumo. Il regarde au loin. Enfin, celui qui se dresse au dessus sur une seule jambe représente celui qui va s’engager dans une voie peut-être périlleuse, mais où il va s’accomplir. Il voit plus loin que les autres, il a confiance dans ce qu’il fait, tout en ayant le fun de faire un peu l’équilibriste…

 

The Little Prince: Behind the Story L’exposition consacrée au conte Le Petit Prince se tiendra jusqu’au 17 mars 2019 au musée philatélique de Singapour.

 

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