Michel Beaugier, Président du comité des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE) de Singapour depuis 2016, chef d'entreprise, a connu un bouleversement personnel lorsqu'il est parti en Asie pour y travailler.Converti au bouddhisme, il essaie d'appliquer ces principes dans ses différentes activités professionnelles et personnelles, d'autant plus sincèrement que sa conversion a été le fruit d'un long cheminement, de recherche de bonheur et d'harmonie. Entretien intime sur les motivations d'un homme d'aujourd'hui.
www.lepetitjournal.com/singapour : Avant de vous convertir au Bouddhisme, avez-vous eu un parcours religieux ?
Michel Beaugier : Je dirais plutôt que j'avais un parcours intellectuel. J'ai fait des études d'histoire de la pensée économique avant de m'orienter vers un parcours plus classique de commerce. Je lisais beaucoup, dans tous les domaines. Incontestablement, j'avais une soif de connaissance, de recherche intellectuelle. Je suis originaire des quartiers Nord de Marseille, d'une famille d'ouvriers dans un quartier dur, imprégné déjà de racisme. J'ai été baptisé par coutume familiale. J'avais des parents que je pourrais qualifier de pratiquants culturels. Jeune adulte, je me suis posé des questions sur la religion et j'ai fait des efforts pour savoir, pour comprendre. Je me suis intéressée aux grandes questions qui traversent cette religion. J'ai fait plusieurs voyages à Jérusalem et rencontré un prêtre, proche du Jean-Paul II. Pendant 4 ans, j'ai échangé avec lui. Nos discussions, qui m'apportaient beaucoup intellectuellement se sont conclues, pour faire simple : que je ne croyais pas. Le symbolique de la religion catholique n'évoquait rien pour moi : une église est triste, il y a des morts partout, Jésus crucifié avec sa couronne d'aubépines m'apparaissait comme une image terrifiante. J'ai accepté de me définir comme non croyant.
Vous vous définissiez donc comme non-croyant, mais cette recherche intellectuelle n'est-elle pas un besoin de spiritualité malgré tout ?
Non, je ne le crois pas. Je ne prends rien pour acquis, c'est tout. Je voulais savoir et comprendre le monde qui m'entoure.
Et, puis, il y a plus de 20 ans, j'arrive en Asie à Singapour puis au Japon. Le cheminement commence. Je m'ouvre à d'autres cultures.Ai-je un Karma Asie ? Je le crois. Ma première petite copine à Marseille était asiatique, mon premier travail important dans une entreprise était tourné vers l'Asie, ma première expatriation également. Et puis mes lectures m'ont guidé. Je pense sincèrement que certains philosophes m'ont amené au bouddhisme sans l'être eux-mêmes. Par exemple, Michel Foucault dans les mots et les choses qui écrit rien d'autre que de mettre en phase ce que l'on dit et ce que l'on fait. Aussi Pascal Bruckner, qui m'influence beaucoup, et notamment par sa théorie de la repentance, si je peux résumer ainsi ces écrits. Pour faire simple, il écrit qu'il arrêter avec la culpabilité des peuples judéo-chrétiens qui se martyrisent pour ce qu'on fait les hommes par le passé.
Comme d'autres, notamment Luc ferry ou Alain Finkielkraut, ces philosophes ont une lecture de la réalité sans dogmatisme et croyance.Et puis, il y a eu ma rencontre intellectuelle avec Matthieu Ricard puis les écrits du Dalaï-Lama. Petit à petit, mon cheminement s'est consolidé.
Comment passe t'on d'une quête spirituelle à une pratique plus quotidienne jusqu'à se convertir ?
Dans le bouddhisme, ce ne sont pas les temples qui m'attirent mais les hommes qui les fréquentent. Oui, j'ai pris refuge : ce que me semblait en accord avec mes principes. C'était pour moi un signe de respect envers toutes les personnes qui m'ont guidé, notamment mon guru le Lama Rinpoche. Cette concession à la pratique religieuse, je l'ai faite avec intérêt et enthousiasme. J'ai un grand intérêt pour ces enseignements plus qu'une pratique religieuse au temple. J'ai adoré le Dharma teaching sorte du cours de philosophie, pratique, sur notre vie.
Par contre j'ai franchi une étape dans la croyance: ce n'est plus du domaine de l'intellect ; Oui je crois au Karma et à la réincarnation. Ma vie actuelle est le résultat de ma vie précédente. Je pense avoir un Karma Asie qui est qui a commencé jeune. Je crois que j'ai rencontré des personnes dans mes vies précédentes que je croise aujourd'hui et ceux sont des sentiments très forts. J'ai assisté également à un certain nombre de phénomènes que je ne peux pas raconter et qui ne sont pas explicables.
Comment les enseignements du Bouddhisme ont- ils influencé votre vie ?
Je pense que l'élément déclencheur, pour moi, a été la recherche et la compréhension du bonheur. En fait, je suis quelqu'un dans l'instant. Ce qui me plait est ma vie maintenant, ici. La conscience de l'instant présent est aussi une conscience des autres. Dans chaque groupe social dans lequel je me trouve, famille, travail, amis, j'essaie d'obtenir une harmonie. Selon moi, dans les enseignements bouddhistes, il y a 2 mots clefs : bonheur et harmonie. On n' y arrive pas toujours, ce n'est pas le monde des «bisounours » ce n'est pas évident, mais c'est une recherche sincère. Et cette recherche a changé ma vie.
Cette recherche dont vous parlez est-elle possible dans le monde économique aujourd'hui ? En résumé, votre pratique professionnelle, est-elle « bouddhiste compatible » ?
J'essaie de faire passer dans ma pratique professionnelle comme président des CCE et chef d'entreprise notamment, l'idée que l'intégration d'éléments bouddhistes et chinois dans nos pratiques peuvent être garant de succès. Quand on est chef d'entreprise, patron d'une banque, responsable d'une unité de production en Asie, quand nos décisions influencent le travail des autres, il faut être capable selon moi de rechercher cette harmonie, enseignée par le Bouddha.
Il y a 2 ans j'ai fait une conférence avec le Lama sur le Business éthique avec le CCE. Le sens de cette conférence était de passer plusieurs messages. D'abord, sur le Busines éthique, thème à la mode de nos jours. Pour résumer, nous leur disons : « vous, hommes et femmes de pouvoir, ayez le sens de l'harmonie et essayer de diffuser le bien être et le bonheur par les décisions que vous prenez ». De plus, nous sommes en Asie, et il faut prendre en compte les enseignements du Guanxi, terme chinois qui renvoie à une dynamique importante de recherche de l'harmonie sociale. Un chef d'entreprise qui intégre ces principes sera plus performant que celui qui ne le fait pas ; Je pourrais diviser les grandes sociétés installées en Asie entre celles qui appliquent ces principes et celles qui ne le font pas.
Et c'est le lien que j'ai trouvé entre ma pratique professionnelle et ma pratique spirituelle.
Propos recueillis par Clémentine de Beaupuy, www.lepetitjournal.com/singapour, le mercredi 21 juin 17
Pour suivre notre série sur le Bouddhisme :
Réécouter le reportage audio réalisé au sein du temple de Stéphanie, Thekchen Choling dans le quartier de Little India ICI
Interview de Stéphanie Trémeaud : pour le lire ICI
Notre article synthèse dans le Mag 9 ICI
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