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Raconte-moi Singapour en un objet… Un coq dans la ville

Dans cette série, Lepetitjournal.com vous invite à dessiner un portrait de Singapour à travers des objets emblématiques qui racontent l’histoire de la cité-état autant que le quotidien de ses habitants. Pour célébrer les 60 ans des relations diplomatiques entre Singapour et la France, laissez-vous surprendre par ces objets qui ont tant à nous dire sur Singapour…

Un coq sauvage de Singapour reconnaissable à ses pattes grises et son plumage luisantUn coq sauvage de Singapour reconnaissable à ses pattes grises et son plumage luisant
Un coq sauvage de Singapour reconnaissable à ses pattes grises et son plumage luisant
Écrit par Marie-Aude Brochec
Publié le 11 septembre 2025, mis à jour le 12 septembre 2025

 

“Oh, regarde, il y a même des poussins!” Vous les avez forcément remarqués en vous promenant à Singapour. Dans un parc ou, plus insolite, sur le terre-plein d’un carrefour vers Cantonment Road? Ils surgissent d’un buisson sans s’annoncer, parfois accompagnés d’un magnifique “Cocoricooooooo!”, seuls ou en famille pour le bonheur des petits et des grands. Lepetitjournal.com vous dit tout sur des coqs pas comme les autres. 

 

Gallus gallus: qui es-tu?

Les coqs et poules que vous voyez à Singapour sont des Gallus gallus, ou coqs dorés. Vivant traditionnellement à l’état sauvage dans les forêts d’Asie du Sud-Est. Cette espèce est domestiquée en -6000 avant notre ère pour sa chair et ses œufs. Elle est introduite en Europe des millénaires plus tard, vers le VIIème siècle avant notre ère, en Grèce et en Italie, via l’Asie Mineure. Au risque de briser un mythe, le coq n’a historiquement rien de gaulois

Difficile de quantifier la population de gallinacés à Singapour mais une chose est sûre: elle est en augmentation. La ville devient de plus en plus verte créant un habitat de plus en plus attractif pour les coqs et poules. Vous pouvez les voir picorer notamment autour d’Everton Park. Ce qui a inspiré à l’artiste Divaagar un projet  très original à l’initiative du Singapore Art Museum: “The Everfowl Estate”, en 2023: des poulaillers aux couleurs pop reprenant la structure architecturale des HDB ou “shophouse” emblématiques de la Cité-Etat ont été installés dans le quartier de Tanjong Pagar. Cette installation pleine d’humour vise à sensibiliser les habitants de Singapour aux questions du développement urbain et de la nature, de la nécessité d’une coexistence harmonieuse entre l’humain et l’animal dans un habitat respectueux pour tous, même pour les poules!

 

“The Everfowl Estate” de l’artiste Divaagar. Photo: Zoe Ern Yap, 2023.
“The Everfowl Estate” de l’artiste Divaagar. Photo: Zoe Ern Yap, 2023.

 

“Je t’aime, moi non plus” : une cohabitation complexe…

Quand la nature s’invite dans des zones urbaines ou habitées par l’homme, la cohabitation avec les animaux peut devenir problématique. Il suffit de penser aux singes de Lopburi en Thaïlande, aux chats sauvages de l’île de Molène en Bretagne ou aux renards de Londres.  Le fantasme d’une nature toute puissante qui reprendrait ses droits et se débarasserait de facto des humains reste un scénario catastrophe latent. Heureusement, Singapour est bien loin d’un scénario de ce type. Pourtant les coqs et poules se retrouvent  souvent au cœur de faits divers et de polémiques. Mais que leur est-il reproché précisément? 

Difficile de contrôler leur nombre et les naissances de poussins générant une surpopulation dans certaines zones.  Leur liberté totale de mouvement, y compris sur des artères et à des carrefours très empruntés, cause des accidents de la route. 

Les rivalités entre coqs amènent parfois à des combats impressionnants. Le 3 mars dernier, une jeune femme s’est retrouvée au milieu d’un combat de coqs en pleine rue, dans le CBD!

Ils peuvent être porteurs de maladies. En 2017, l’Agri-Food and Veterinary Authority of Singapore (AVA) a annoncé avoir abattu 24 gallinacés vers Thomson View et les Blocks 452 et 454 de Sin Ming Avenue. Ils étaient potentiellement exposés au virus de la grippe aviaire.

Mais ce qui leur est le plus reproché, comme sur l’Ile d’Oléron, c’est leur chant. Ce fameux “Cocorico” (ou “uh-uh-uh-ooooooooooooh!”ou “咕咕咕!” (ger ger ger) ou “kukuruyuk”...) qui résonne tôt, voire très tôt, et avec une intensité sonore qui réveillerait un HDB entier.

 

Le chant du coq peut atteindre 130 décibels ce qui équivaut à se tenir à 15 mètres d'un avion au décollage. Les coqs chantent jusqu'à 20 fois par jour et sont connus pour commencer (ou terminer) leur journée à 2 heures du matin… Alors, compatible avec un environnement urbain?

 

Le voilà, le cœur du problème. Des habitants de quartiers comme Jalan Bukit Merah décrivent l’enfer de nuits sans sommeil à cause d’un coq  qui “chante” de 3h à 6h du matin…Les autorités locales reçoivent plusieurs centaines de signalements par an à ce sujet. Comme souvent, seul un travail raisonné avec le National Parks Board peut permettre de trouver des solutions acceptables pour une cohabitation sereine.

 

Singapour et ses gallinacés: “Je t’aime, moi non plus”. Illustration : Rafa Estrada
Singapour et ses gallinacés: “Je t’aime, moi non plus”. Illustration : Rafa Estrada

 

Les recommandations du National Parks Board 

En vivant à Singapour, vous êtes amenés à rencontrer des animaux de toutes sortes. Voilà les conseils du National Parks Board (et les amendes qui vont avec si vous ne les respectez pas!)

N’approchez pas, ne touchez pas, ne tentez pas de capturer un animal (même blessé).  En cas d’urgence, contacter le ACRES Wildlife Rescue Centre au 9783 7782 (de 7h à 13h). Toute capture et/ou transport non autorisé d’espèces domestiques ou sauvages pourra être assimilé à du trafic d’animaux et vous expose à des amendes et des peines d’emprisonnement. Ne jamais nourrir les animaux.  Le faire vous expose à une amende d’un montant maximal de 10.000 SGD. 

Vous ne pouvez pas tuer et consommer un coq puisque vous n’avez déjà pas le droit de le toucher. Et si vous le faites, vous serez activement recherché comme cet homme filmé en train, semble-t-il, de plumer un coq sauvage à Pasir Ris Park selon un article du Straits Times

Toujours veiller à bien fermer les sacs de déchets ou de nourriture et les entreposer dans des contenants rigides impossibles à percer pour les animaux. 

Singapour et la nature c’est une grande histoire d’amour. La Cité-Etat veut devenir une “ville dans la nature” et nous mesurons déjà les effets positifs de ce projet dans notre quotidien. Ces poules et coqs qui picorent librement au milieu des passants sont le signe d’une nature retrouvée mais ils racontent aussi autre chose. Ils sont une image qui rappelle la vie simple du kampung, la vie d’avant la réussite économique et le progrès. Une vie dont Singapour chérira toujours le souvenir avec tendresse et nostalgie pour ne jamais oublier d’où elle vient et où tout a commencé. 

 

 

Une question au sujet d’un animal : joindre le Animal Response Centre  au 1800 476 1600 (24h/24)

Le guide : “Living in nature in our city in the nature” (2024)

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