Stephen Marchisio : "France-Singapour, une relation tournée vers l’avenir"

 

Au total, 31 accords ont été signés – 13 au niveau intergouvernemental, et une vingtaine entre entreprises et agences publiques

 

 

En mai 2025, Singapour et la France ont signé des accords couvrant notamment l'énergie ou la coopération en matière de défense. Pouvez-vous nous en dire plus sur les ambitions communes dans ces secteurs ?

La visite d’État du Président de la République a constitué le point d’orgue de l’année 2025, une année marquée par les 60 ans de relations diplomatiques entre la France et Singapour. Elle s’est déroulée dans un contexte international tendu, marqué par l’accélération de la rivalité sino-américaine, et visait à réaffirmer la solidité du partenariat entre la France et Singapour.

La relation franco-singapourienne se projette sur les années à venir. Au total, 31 accords ont été signés – 13 au niveau intergouvernemental, et une vingtaine entre entreprises et agences publiques. Ils couvrent la défense, l’IA, la culture, le transport, la recherche et bien sûr l’énergie. Le nucléaire civil est au cœur des discussions : Singapour, qui réfléchit à diversifier son mix énergétique, souhaite apprendre de l’expérience française, l’un des leaders mondiaux en la matière. En parallèle, les énergies renouvelables et bas carbone occupent une place majeure. Il y a des projets transfrontaliers, qui concernent notamment des entreprises françaises, pour importer de l’électricité verte depuis des pays voisins.

 

 

 

Dans le domaine de la défense, trois accords ont été signés par Sébastien Lecornu - à l’époque ministre des Armées - et son homologue singapourien. Dans le domaine de l’innovation, Clara Chappaz a signé 2 accords portant sur l’innovation et son volet IA. Mais ce qui compte, c’est surtout leur mise en œuvre. Dans l’IA, des acteurs français comme Mistral AI s’implantent ici, devenant des partenaires crédibles pour Singapour, qui cherche à travailler au-delà du duopole américano-chinois. La cybersécurité est également un axe fort : nos administrations et services compétents échangent sur des cas concrets. C’est une réalité aujourd’hui. Je suis heureux de voir d’autres collaborations très concrètes émerger. 

 

 

Fin octobre 2025 se tiendra la Singapore International Energy Week, et la France y jouera un rôle

 

 

 

Vous avez mentionné l’énergie comme l’un des secteurs clés de coopération. Quels projets concrets se profilent après la visite présidentielle ?

Un chantier majeur dans la région est celui de l’ASEAN Power Grid, un projet d’interconnexion électrique entre les États membres de l’ASEAN. L’idée est de permettre aux pays producteurs de faire circuler leur énergie au sein d’un réseau commun. Les discussions sont anciennes, certains projets bilatéraux sont à l’étude et avancent – comme celui entre l’Indonésie et Singapour – mais la réflexion stratégique sur la régulation, le financement et la gouvernance de ce futur réseau reste à structurer. Dans ce contexte, Singapour organise chaque année de grandes « Weeks » thématiques. Fin octobre 2025 se tiendra la Singapore International Energy Week, et la France y jouera un rôle :  l’ambassade de France co-organise un événement dédié spécifiquement à l’ASEAN Power Grid. La France apportera son expérience européenne en matière de marché de l’électricité et d’intégration des énergies renouvelables, en dialogue avec les acteurs d’Asie du Sud-Est. C’est une initiative inédite qui est intégrée au programme officiel singapourien, nous en sommes fiers. 

 

 

A Singapour, Emmanuel Macron prône une troisième voie pour un développement pacifique

 

 

la voix d’une Europe capable de proposer une « troisième voie ». Cette voie est une logique de souveraineté et de partenariats équilibrés

 

Le Président Macron a appelé, lors du Shangri-La Dialogue, à une « nouvelle alliance » Europe-Asie pour échapper à la rivalité sino-américaine. Quels rôles Singapour et la France joueront-ils ensemble dans cette dynamique ?

L’invitation faite au Président français d’ouvrir ce forum majeur de sécurité n’était pas anodine : il est le premier dirigeant européen et membre permanent du Conseil de sécurité à prononcer le discours d’ouverture. Cela reflète l’importance de la voix française, perçue ici comme la voix d’une Europe capable de proposer une « troisième voie ». Cette voie est une logique de souveraineté et de partenariats équilibrés. Singapour, attaché à son indépendance tout en entretenant des relations étroites avec la Chine et les États-Unis, partage largement cette approche. Ensemble, nous faisons entendre un message clair : coopérer entre partenaires de confiance sans tomber dans une forme de dépendance.

 

 

Entre Washington et Pékin, Singapour reste maître de son destin ?

 

 

 

 

Au-delà des signatures et discours officiels, la visite présidentielle a aussi été marquée par des moments plus symboliques, très relayés sur place…

Oui, et c’était essentiel. Dès son arrivée, Emmanuel Macron et Brigitte Macron ont retrouvé le Premier ministre singapourien et son épouse au cœur d’un hawker center, ces marchés alimentaires emblématiques de la vie locale !  La scène a surpris les habitués et amusé les Français présents par hasard sur place. Mais elle avait un sens profond : illustrer la proximité et l’amitié entre nos deux peuples.

Les selfies spontanés, les échanges avec les Singapouriens et la communauté française ont marqué les esprits. Cette séquence populaire a été suivie d’une visite culturelle forte avec une exposition de l’artiste singapourienne Mélissa Teo présentée sur le pont Anderson. Là encore, le symbole culturel comptait. 

 

 

 

 

La France a brillé aux Championnats du monde de natation 2025 à Singapour avec plusieurs médailles. Quel rôle le sport et les grands événements sportifs jouent-ils dans le rapprochement entre Singapour et la France ?

Le sport est un formidable levier de rayonnement. À Singapour, voir Léon Marchand ou Hector Denayer (NDLR : médaille d’or au 100 m brasse des championnats para-natation) encouragés par le public local montre à quel point nos athlètes sont connus et respectés. Au-delà de l’impact médiatique, ces événements sont des moments fédérateurs pour la communauté française. Ils créent des occasions de se rassembler et de partager une fierté commune.Ils participent à la diplomatie sportive, désormais pilier de notre action extérieure.

 

 

Les Trophées organisés par lepetitjournal.com permettent de mettre en valeur des parcours inspirants, de renforcer la visibilité des initiatives françaises et de consolider le sentiment d’appartenance

 

 

 

 

Nous avons l'honneur d'organiser les Trophées des Français de l'ASEAN à la Résidence de France pour la 7ème année consécutive. En quoi un tel événement est-il essentiel pour la communauté française en Asie-Pacifique ?

C’est un moment très attendu. La communauté française à Singapour est l’une des plus importantes de la région. De nombreux Français ne font malheureusement pas la démarche nécessaire pour s’enregistrer auprès du consulat, mais on estime cette communauté à presque 25.000 personnes. Les Trophées organisés par lepetitjournal.com permettent de mettre en valeur des parcours inspirants, de renforcer la visibilité des initiatives françaises et de consolider le sentiment d’appartenance. La résidence de France est fière d’accueillir cet événement, qui illustre la vitalité des Français d’Asie. Nous sommes convaincus que ces histoires individuelles nourrissent aussi le rayonnement collectif de la France dans la région.

 

 

Quelle relation entretenez-vous avec les représentants des autres communautés francophones à Singapour ? 

Il existe un groupe d’ambassadeurs francophones à Singapour, que nous animons collectivement. Ce n’est pas uniquement l’ambassade de France qui en a la charge, mais un effort partagé qui prend tout son sens lors de la Semaine de la francophonie en mars 2026. D’ailleurs, cette dynamique sera encore renforcée en 2026 avec la tenue du Sommet de la Francophonie dans la région, au Cambodge. De nombreux collègues ambassadeurs issus de pays francophones ou simplement francophiles participent activement à ce réseau. C’est un cercle vivant, qui permet d’animer des initiatives conjointes.

 

 

Plus de 250 jeunes Français et Françaises sont actuellement en mission ici. C’est considérable, peu de pays affichent de tels chiffres

 

À côté de cette dimension diplomatique, il y a bien sûr les Singapouriens francophones. Beaucoup d’entre eux ont étudié en France non seulement à Paris mais aussi à Bordeaux, Lyon ou ailleurs. Ils connaissent la France dans ses nuances, ses subtilités, parfois même mieux que certains Français. Quand ils me croisent et qu’ils apprennent que je suis ambassadeur, ils me parlent spontanément en français. La francophonie est donc bien présente à Singapour et elle s’appuie sur un tissu humain solide. 

 

 

 

 

La communauté française de Singapour compte également de nombreux jeunes en Volontariat International en Entreprise (V.I.E). Quel rôle jouent-ils dans la relation franco-singapourienne ?

Vous avez raison, Singapour accueille une communauté de V.I.E parmi les plus importantes au monde. Plus de 250 jeunes Français et Françaises sont actuellement en mission ici. C’est considérable, peu de pays affichent de tels chiffres. Ces jeunes découvrent à la fois Singapour, un environnement de travail exigeant, et les entreprises dans un contexte et un environnement différent de ce qu’ils connaissaient en France. C’est une expérience formatrice, qui joue un rôle clé dans notre présence économique. Pour l’ambassade, c’est aussi une richesse humaine et un relais d’influence précieux. Business France est présente pour les accueillir et les accompagner tout au long de leur mission. 

 

 

Welcome to Singapore, le rendez-vous où la communauté d’affaires française se tisse

 

 

De nouveaux Français arrivent chaque année à Singapour. Quel message souhaitez-vous leur adresser ?

D’abord, un mot simple mais essentiel : bienvenue ! J’espère que tous trouveront ici un cadre de vie épanouissant, car Singapour est un pays où les Français sont véritablement les bienvenus et appréciés, notamment pour leur contribution professionnelle. 

 

Les Français que je croise ici me disent tous à quel point ils sont heureux de vivre à Singapour.

 

Nous estimons à près de 1.000 entreprises françaises présentes dans la Cité-État : une densité qui fait de notre communauté un acteur économique et culturel reconnu par les autorités singapouriennes. Le ministre des Affaires étrangères, par exemple, souligne régulièrement l’importance de notre présence. Je tiens à ajouter que les nouveaux arrivants peuvent s’appuyer sur de nombreux relais comme la chambre de commerce (FCCS). Et ils arrivent à un moment particulièrement favorable, dans le sillage de la visite présidentielle et d’une relation bilatérale qui n’a jamais été aussi riche. Bien sûr, tous les Français ici ne travaillent pas dans des entreprises françaises – certains évoluent dans des groupes internationaux – mais chacun contribue, à sa manière, au rayonnement de notre pays. 

Les Français que je croise ici me disent tous à quel point ils sont heureux de vivre à Singapour. Je n’ai aucun doute que les nouveaux venus rejoindront bientôt cette même catégorie : celle des expatriés épanouis, bien intégrés et fiers de représenter un peu de France à Singapour… et qu’ils viendront s’enregistrer au consulat.