A l’occasion du 80ème anniversaire de sa disparition, l’Alliance Française organise jusqu’au 31 juillet « When a Prince takes Flight », une exposition sur Antoine de Saint Exupéry retraçant les différentes facettes de sa vie à travers des photos, des documents, et des objets lui ayant appartenu, ainsi que des dessins et éditions originales de plusieurs de ses ouvrages.
Antoine de Saint Exupéry, un attrait précoce et irrésistible pour les avions
Il est né en 1900 à Lyon dans une famille de petite noblesse. Il a perdu son père à l’âge de quatre ans et a donc été élevé, ainsi que son frère et ses trois sœurs, par sa mère. Dans les châteaux qui étaient ses demeures, il jouissait d’une grande liberté.
Près du château de Saint-Maurice-de-Rémens, où il passa une partie de sa jeunesse, il y a le petit aérodrome d’Ambérieu-en-Bugey, où il partait à bicyclette dès qu’il le pouvait pour voir les avions s’envoler. Il fait son baptême de l’air à 12 ans, à une époque où l’aviation en était encore aux balbutiements, et il essaie de construire un avion en ajoutant des ailes et un moteur à sa bicyclette.
Lors de son service militaire comme soldat de deuxième classe au 2e Régiment d’aviation de chasse en Alsace, il prend des cours privés de pilotage. Il y passe son brevet de pilote puis est affecté au 37e régiment d’aviation à Casablanca.
Démobilisé après un accident d’avion en 1923 (le premier d’une longue série), il prit divers petits boulots avant de rejoindre en 1926 la compagnie de transport postal aérien Latécoère, qui deviendra la Compagnie Générale Aéropostale en 1927. Pendant cette période, il passera de longues heures en avion à une époque où c’était une aventure : les appareils n’étaient guère fiables et les instruments de navigation étaient rudimentaires. En 1927, il est nommé chef d’escale à Cap Juby, au Sud du Maroc, où l’une de ses principales tâches était de récupérer les aviateurs tombés aux mains des bédouins. En 1929, il est nommé directeur d’exploitation de l’Aeroposta Argentina à Buenos Aires avec pour mission de développer de nouvelles routes en Amérique du Sud. C’est pendant son séjour dans cette compagnie qu’il rencontrera deux autres pilotes, qui deviendront ses meilleurs amis et qui mourront comme lui aux commandes de leur avion : Jean Mermoz et Henri Guillaumet.
En 1933, l’Aéropostale donne naissance à Air France. Antoine de Saint Exupéry y exercera les fonctions de pilote d’essai et travaillera à son service de presse. En 1935, lors d’une tentative de rallier Paris à Saigon, son avion s’écrase dans le désert libyen, où il manque de mourir.
Antoine de Saint Exupéry, un écrivain né
Il a pris très tôt le virus de l’écriture : à 14 ans déjà, il reçoit le premier prix de narration française. L’amour de sa mère pour la littérature y est sans doute pour quelque chose. Il lit beaucoup. Encore adolescent, il écrit des poèmes et le livret d’un opéra. Il fait du théâtre, apprend le solfège, et joue du violon. A 18 ans, il fréquente des écrivains renommés, comme André Gide, au salon littéraire d’une cousine de sa mère. A 19 ans, il écrit un recueil de poèmes, L’Adieu, illustré de sa main.
Mais ce sont ses années dans l’aviation, civile, puis militaire, qui seront sa principale source d’inspiration. L’Aviateur, Courrier Sud, Vol de Nuit, pour lequel il recevra le prix Femina en 1931, ou Terre des Hommes, où il raconte son accident d’avion en Libye, en sont autant d’exemples.
Au-delà de ces livres, il a aussi écrit des nouvelles, des articles pour des journaux, et de nombreuses lettres, notamment à sa mère. Ses lettres, comme d’autres écrits, sont souvent illustrées de dessins de sa main. Cette association de l’écrit et du dessin, qui trouve son apogée dans Le Petit Prince, est aussi une des caractéristiques d’Antoine de Saint Exupéry.
Antoine de Saint Exupéry, un héros de la seconde guerre mondiale
Avant son service militaire, Antoine de Saint Exupéry avait tenté en vain de rentrer dans la marine nationale, montrant déjà son désir de servir son pays, sans doute dû à son ascendance aristocratique.
Quand la seconde guerre mondiale éclate, il met un point d’honneur à reprendre du service malgré son âge et sa santé précaire. Ne voulant pas tuer, il est intégré dans un groupe de reconnaissance, le II/33. Les missions n’en sont pas moins dangereuses : son avion est d’ailleurs mitraillé lors d’un vol au-dessus d’Arras, et il tirera de cette expérience Pilote de guerre.
Après l’armistice de 1940, il part aux Etats-Unis avec le but d’inciter les Américains à combattre l’Allemagne Nazie.
Lorsque l’Afrique du Nord est libérée en 1943, il souhaite de nouveau faire son devoir et doit intervenir auprès de nombreux responsables pour être autorisé à reprendre les commandes d’un avion militaire. Il effectuera de nombreuses missions de reconnaissance avant de disparaitre le 31 juillet 1944, lors d’une mission de reconnaissance en Savoie, au départ de Borgo, en Corse. Il reçut pour cela la croix de guerre avec palme à titre posthume.
Sa disparition restera un mystère jusqu’en 1998, quand un pêcheur prend dans ses filets une gourmette marquée à son nom au large de Marseille. La gourmette conduira à la découverte de l’épave de son avion deux ans plus tard.
Le Petit Prince, le testament d’Antoine de Saint Exupéry
Le Petit Prince est le dernier livre d’Antoine de Saint Exupéry paru de son vivant. Il a été écrit à New-York où l’aviateur s’était exilé en 1940 avec l’ambition d’amener les États-Unis à s’engager dans la guerre contre les Nazis. La première version a d’ailleurs été éditée en anglais ; il a fallu attendre 1945, un an après la disparition de son auteur, pour que la version française soit éditée. Ce livre est réputé être le document le plus traduit (600 langues et dialectes) et publié au plus grand nombre d’exemplaires après la Bible.
Il semble que le projet du livre soit né lors d’un diner à New-York avec ses éditeurs. Il dessinait sur la nappe en papier de la table un personnage d’enfant et une des convives lui suggéra d’écrire un conte pour enfant. Mais il semble que l’idée soit plus ancienne, car il existe des croquis bien antérieurs de petits garçons qui ressemblent étrangement au personnage du livre.
La crinière blonde de Jean Mermoz pourrait être à l’origine de la chevelure du Petit Prince. Mais plus généralement, Le Petit Prince révèle une profonde nostalgie de l’enfance, sachant qu’Antoine de Saint Exupéry n’a jamais été à l’aise dans le monde des adultes. La mort précoce de son frère cadet, auquel il était très attaché, à l’âge de 15 ans, l’a profondément marqué.
Le Petit Prince fourmille de références à la vie d’Antoine de Saint Exupéry. Le narrateur est un aviateur qui s’écrase dans le Sahara, comme lui en 1935. Mais le Petit Prince est aussi l’auteur retournant à l’innocence de l’enfance. Le renard qui apparait pour donner une leçon d’amitié, est en fait un fennec, un renard du désert, que l’auteur a rencontré dans ses pérégrinations au Maroc. La rose pourrait symboliser Consuelo, l’épouse d’Antoine de Saint Exupéry, avec laquelle il a entretenu une relation compliquée. Mais ce pourrait être aussi la France, alors menacée, comme la rose par les baobabs. Il est clair que l’époque de guerre pendant laquelle ce livre a été écrit a influencé son contenu. Mettant en évidence toutes les perversions de l’époque moderne, c’est un hymne à la paix.
Une exposition réalisée en collaboration avec la Fondation Antoine de Saint Exupéry pour la Jeunesse
L’exposition a été conçue en collaboration avec Alexandre Tanase, responsable des archives de la Fondation, qui a fourni la plupart des objets exposés. Créée en 2019 par la famille d’Antoine de Saint Exupéry et ses admirateurs du monde aéronautique et littéraire, cette institution mène diverses actions à travers le monde afin d’améliorer le quotidien de la jeunesse et l’aider à mieux appréhender son futur. Olivier d’Agay, secrétaire général de la Fondation et petit-neveu d’Antoine de Saint Exupéry, était présent au vernissage de l’exposition.
2024 est aussi le 80ème anniversaire de la libération de la France et cette exposition a reçu le label de Mission Libération, organisme national chargé d’organiser un cycle commémoratif couvrant les années 2024 et 2025 et visant à honorer « ceux qui se sont levés, ceux qui ont souffert, et ceux quoi ont combattu et libéré ».
L’exposition, gratuite, dont les photos illustrant cet article sont issues, est ouverte du mardi au vendredi de 13h à 19h30 et le samedi de 9h00 à 17h30 à la galerie du 2ème étage de l’Alliance Française. Vous pouvez également vous inscrire pour des visites guidées en français ou en anglais, certaines étant spécialement destinées aux familles.