De nombreux rassemblements de cyclistes ont eu lieu ces derniers jours à Santiago. Des associations de cyclistes dénoncent des conditions de circulation dangereuses après la mort de plusieurs d’entre eux ces dernières semaines dans la région métropolitaine. Les Français qui vivent à Santiago sont, eux aussi, de grands utilisateurs de ce moyen de transport.
En l’espace de 15 jours, trois cyclistes sont morts en région métropolitaine, selon le Ministère des Transports. Ce qui porte aujourd’hui à plus de 85 le nombre de personnes à vélo qui ont perdu la vie depuis le début de l'année, à cause d’accidents de la route. Un chiffre en augmentation.
Vincent est français, installé à Santiago dans la commune de Providencia, depuis deux ans. Le vélo c’est son principal moyen de transport: "Je le prend pour aller au travail, faire mes courses, rejoindre des amis. Je fais des sorties vélo aussi", raconte-t-il. Selon lui, qui connaît bien la ville, "elle n’a pas du tout été pensée pour les vélos, même s’il y a des pistes cyclables." Et d’ajouter : "Un des gros problème c’est que parfois ces pistes cyclables s’arrêtent d’un coup, en plein milieu d’une grande avenue. C’est parce-qu’on passe d’une commune à une autre. Et ce sont les communes qui gèrent ces infrastructures. Il n’y a pas du tout de coordination entre elles et de continuité entre les pistes cyclables."
Jennifer fait la même observation. Mère de deux enfants, elle est arrivée au Chili en 2012. Elle vit dans la commune de Nuñoa. Dès qu’elle s’installe, elle achète immédiatement un vélo car "dans toutes les villes où j’ai vécu, dit-elle, j'ai fait du vélo." Paris, Lyon, Montpellier, Montréal ou encore l’Italie, puis Santiago. "Quand j’ai commencé à rouler à Santiago il n’y avait que très peu de cyclistes. La culture du vélo n’existait quasiment pas. Et le peu de cyclistes qu’il y avait roulaient sur les trottoirs. Moi sur la route je me faisais klaxonner car les automobilistes n’étaient pas habitués. Il n’y avait pas de pistes cyclables à l'époque", se souvient-elle. Et de continuer : "Aujourd’hui, certes, ça s’est amélioré mais même s’il y a plus de pistes cyclables, elles sont en très mauvais état. Et le plus dangereux ce sont les bouches d’égout avec des énormes grilles dans lesquelles les roues peuvent se coincer." Vincent, lui aussi, à horreur de ces bouches d’égoût, "je me suis déjà cassé la figure deux fois. C’est super dangereux", s’exclame-t-il.
Manque de considération de la part des automobilistes
Au début Jennifer a opté pour un vélo avec un large guidon. "C’était pour inciter les voitures à faire un écart plus grand lorsqu’elles me dépassaient. Car vraiment elles me frôlaient. Aujourd’hui les conducteurs font quand même plus attention", avoue-t-elle. Vincent ce sont les bus qu'il redoute le plus. "Par moment, ça arrive qu’on se retrouve sur une voie de bus car il n’y a plus de pistes cyclables et sur le trottoir c’est dangereux pour les piétons. Les bus ne font presque pas d’écart et parfois pour atteindre leur arrêt ils coupent la route ou ne font pas attention lorsqu’ils tournent."
Les bus sont, en effet, très souvent responsables d’accidents de la route impliquant des cyclistes. Mais le danger se trouve également dans le manque de considération des automobilistes envers les vélos. C'est ce que dénoncent de nombreuses associations de cyclistes et également Jennifer et Vincent : "À certains endroits les voitures sont carrément stationnées, ou en double file, sur les pistes cyclables. Ce qui oblige les vélos à faire un écart sur la route", se désole Vincent.
De plus en plus de cyclistes sur la route
Le nombre important d’accidents avec des vélos peut également s’attribuer au fait que la quantité de cyclistes sur la route a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie et aussi de ces derniers mois. "C’est peu après mon arrivée que le vélo a commencé à se démocratisé, se souvient Jennifer. Et ça a d’abord été un peu comme un effet de mode. Tout le monde voulait avoir un vélo fixie." La crise sociale d’octobre 2019 a aussi joué un rôle en ce sens. Pendant de nombreux mois, plusieurs stations de métro ont été fermées puisqu’elles avaient été brûlées lors de manifestations. Les habitants de Santiago ont alors commencé à se rendre au travail à vélo. Est ensuite arrivée la pandémie de coronavirus. Le nombre de livreurs à vélo a explosé. La peur des transports en commun, où les passagers sont collés les uns aux autres, est également un facteur qui a accru la quantité de cyclistes sur la route.
Le vélo comme signe de fracture sociale
À Santiago tous les cyclistes ne sont pas égaux face à la pratique du vélo. Car, en effet, ce sont les communes qui s'occupent et construisent les pistes cyclables. Et il existe de grandes disparités dans les finances de chacune d'entre elles puique leurs budgets dépendent, en partie, des taxes qu’elles prélèvent à leurs habitants. Ces inégalités sont bien visibles explique Vincent : "Selon les pistes cyclables ça se voit que l’entretien n’est pas le même. Et ça peut changer d’une rue à l’autre." Les communes situées dans le nord-est de Santiago ont un niveau de vie plus élevé et donc des pistes cyclables mieux entretenues.
Malgré tout, Jennifer comme Vincent aiment faire du vélo à Santiago. "On prend l’air et on gagne du temps", dit Jennifer. "On évite les embouteillages", ajoute Vincent. Même si cela paraît évident, Jennifer tient à le rappeler "le port du casque c’est super important !" Et de compléter : "Il faut essayer au maximum de rester sur les pistes cyclables, même si on doit faire un détour." Vincent, quant à lui, recommande l’application Maps.me : "C’est l’une des seules applications qui propose des itinéraires avec des pistes cyclables à Santigo", conseille-t-il.