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"La réciprocité du permis de conduire pour faciliter l'intégration"

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Ministère de l'Intérieur
Écrit par Naïla Derroisné
Publié le 17 février 2021, mis à jour le 18 février 2021

Bernard Garcia Larrain s’attelle, encore aujourd’hui, à faire reconnaître le permis chilien en France et inversement. Il nous explique dans cet entretien quels sont les enjeux que soulève cette question de la réciprocité du permis de conduire.

Bernard Garcia Larrain ou l’homme qui "mène une croisade", comme il le dit lui-même, pour faire aboutir l’accord de réciprocité du permis de conduire entre le Chili et la France. Chilien d’origine, naturalisé Français, Bernard vit à Paris depuis 11 ans. Aujourd’hui juriste, il est arrivé en France lorsqu’il avait 19 ans pour étudier le droit.

Comment vous êtes-vous retrouvé à défendre l’accord de réciprocité du permis de conduire entre la France et le Chili ?

Je suis arrivé en France à l'âge de 19 ans, et ai obtenu un titre de séjour étudiant. Il faut savoir qu’avec ce statut, on a le droit de conduire avec son permis d’origine. J’ai obtenu mon permis de conduire au Chili, et une fois installé en France, j'ai donc pu conduire sans problème. C’est plus tard, lorsque j’ai changé de statut pour avoir un contrat de travail, que je me suis de nouveau posé la question du permis de conduire. Un jour, je suis entré dans une auto-école pour me renseigner. Je leur ai expliqué que j’avais un permis chilien, et je leur ai demandé quelle était la démarche à suivre pour pouvoir conduire légalement sur le territoire français. On m’a expliqué que le Chili n’était pas sur la liste des pays qui possèdent un accord de réciprocité du permis de conduire avec la France. J’ai été étonné, car il y a beaucoup de pays, dans le monde entier, qui ont signé cet accord. Y compris des pays d’Amérique Latine comme le Paraguay, le Salvador, le Brésil, le Panama, le Nicaragua, le Costa Rica... Mais pas le Chili ! On m’a alors gentiment expliqué que pour conduire en France, je devrais repasser tous les examens du permis de conduire français. C’est alors ce que j’ai fait car je ne pouvais pas attendre qu’un accord soit signé. Mais je continuerai de travailler sur ce sujet jusqu'à ce que l'accord de réciprocité existe.

Pourquoi est-ce important que cet accord soit signé entre les deux pays ?

Pour les Chiliens et les Chiliennes qui vivent en France, la question du permis de conduire est assez problématique. Si cela fait plus d’un an qu’ils habitent sur le territoire, ils doivent repasser l’examen complet. L’examen du code est entièrement en français et ce n’est pas évident de l’avoir, même pour quelqu’un qui parle bien la langue. Et puis, il y a surtout la barrière économique. Le permis de conduire en France coûte extrêmement cher ! Je me souviens d’un message que j’avais reçu d’une femme chilienne qui m’expliquait qu’elle avait un enfant malade et devait l'amener tous les jours à l’hôpital. C’était compliqué pour elle d’obtenir un permis de conduire français. Et à chaque fois qu’elle prenait la route, elle avait la boule au ventre de croiser la police. La réciprocité du permis de conduire permettrait une meilleure intégration des Chiliens en France. Car on sait bien que l’administration française, c’est quelque chose ! Donc si on pouvait simplifier la tâche sur la question du permis de conduire ça aiderait beaucoup de monde.

Et pour les Français et les Françaises au Chili, est-ce aussi compliqué ?

Pour les Français et les Françaises qui vivent au Chili, oui, c’est aussi compliqué. Il faut repasser les épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire chilien. Sur le plan administratif, il faut également fournir un document qui atteste du niveau d’éducation. Ce document doit être apostillé ou légalisé. Chose qui n’est pas évidente à faire, surtout en temps de pandémie mondiale, où les priorités sont autres.  

Il existe aujourd’hui un accord politique sur la question de la réciprocité du permis de conduire entre la France et le Chili. Comment avez-vous obtenu cette garantie ?

En mai 2018, j’ai lancé une pétition sur Internet qui compte aujourd’hui plus de 1 300 signatures. J’ai aussi rencontré beaucoup de monde ces dernières années. Du côté chilien, j’ai insisté pour que soit envoyée une note au gouvernement français à ce sujet. Courant 2019, nous avons pu poser une question parlementaire à ce sujet, par l’intermédiaire de la sénatrice française Evelyne Renaud-Garabedian. Nous avons eu un retour positif du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères : "La France considère le Chili comme un partenaire potentiel pour la conclusion d’un tel accord [...] Ce dossier reste étroitement suivi par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères." Plus récemment, en décembre 2020, le ministre chilien des Affaires étrangères, Andrés Allamand, est venu à Paris et s’est entretenu avec Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères. Ensemble, ils ont parlé de l’accord de réciprocité. Sur le plan politique, la machine était lancée. La semaine suivante, le Quai d’Orsay a envoyé une note aux autorités chiliennes pour les informer qu’un protocole d’accord était en préparation. Il aurait dû être prêt en janvier dernier, mais nous n’avons toujours pas de nouvelles...

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Georg Arthur Pflueger - Source : unsplash.com

Quand espérez-vous que cet accord sera signé ?

La députée des Français d’Amérique Latine, Paula Forteza a récemment précisé dans vos colonnes, que cela se ferait dans le courant de l’année 2021. Mais il n’y a pas encore de date précise, puisque l’accord doit être complètement rédigé, et ensuite ratifié par les deux pays. Tout cela est en bonne voie, mais je pense que nous devrons prendre notre mal en patience, car la validation d’accords par les autorités peut prendre beaucoup de temps, surtout dans le contexte de la pandémie qui bouscule les agendas parlementaires...

Quels pourraient être les obstacles à la signature de cet accord ?

Il y a, en effet, une question à laquelle il va falloir répondre. Il s’agit de la rétroactivité de cette mesure. À l’heure actuelle, il existe une circulaire qui date de 2012, et qui dit que la rétroactivité se limite à un an. Par exemple, un Chilien qui serait arrivé en France en 2017, avec un titre de séjour en règle et son permis de conduire chilien en règle, ne pourrait pas bénéficier de cet accord. Évidemment, nous souhaiterions que cette circulaire soit modifiée.

Au niveau des exigences en termes de sécurité routière, le Chili et la France sont-ils des pays compatibles ?

Le Chili possède un accord de réciprocité du permis de conduire avec l’Espagne. Alors effectivement, les liens entre l’Espagne et le Chili sont sûrement plus forts que ceux entre la France et le Chili. Mais l’Espagne a presque le même niveau d’exigences par rapport au permis conduire et la sécurité routière, que la France. De plus, l’Espagne faisant partie de l’Union européenne, n’aurait pas signé cet accord avec le Chili si ce dernier ne remplissait pas un minimum de conditions en ce qui concerne la sécurité routière. Par ailleurs, cette année, le Chili va commencer à mettre en place un système de permis de conduire digital pour éviter sa falsification. Le pays est également en train d’augmenter ses exigences en ce qui concerne l’obtention du permis de conduire, et plus largement au niveau de la sécurité routière. Cela prendra quelques années, mais il est important d’accompagner le Chili dans ces démarches. C'est d'ailleurs ce que fait l’ingénieur français Axel Rimbaud, à travers son association Movimiento contra el Exceso de velocidad Letal Chile. Enfin, je trouve aussi qu’il y a quelque chose d’absurde dans le système actuel. En France, une personne étudiante a le droit de conduire sans problème, et c’est très bien ! Mais quand elle changera de statut, elle perdra ce droit... C’est un peu paradoxale. Au-delà de tout ça, il faut aussi raisonner en termes de responsabilité. Ce n’est pas parce qu’il y a un accord qu’on va se dire "tout le monde va conduire parfaitement". La responsabilité de chacun, c'est de ne pas boire, de ne pas fumer, d’éteindre son portable, de ne pas rouler trop vite, etc., quand on prend le volant. Tout ça va plus loin qu’un simple accord.

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