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Pierre-Marie Delpu présente « L’affaire Poerio » à la Libreria Stendhal

carlo poeriocarlo poerio
Pierre-Marie Delpu, L’affaire Poerio : la fabrique d’un martyr révolutionnaire européen (1850-1860), CNRS éditions, Paris, 2021.
Écrit par Le Petit Journal de Rome
Publié le 12 février 2022, mis à jour le 12 février 2022

L’historien français, Pierre-Marie Delpu était présent à la librairie française mercredi 9 février pour parler de son ouvrage L'affaire Poerio : La fabrique d’un martyr révolutionnaire européen (1850-1860), qui retrace la médiatisation de l’emprisonnement du libéral napolitain Carlo Poerio.

 

Couverture de la biographie de Carlo Poerio

 

Spécialiste de l’histoire politique de l’Italie méridionale, Pierre-Marie Delpu est aussi spécialiste historien des révolutions sud-européennes du XIXème siècle, auteur d’une thèse sur les libéraux dans le royaume des Deux-Siciles avant le Risorgimento, et actuellement post-doctorant à Madrid. Prenant la forme d’une discussion avec l’historien Arthur Hérisson, cette rencontre littéraire à la librairie française de Rome fut un passionnant moment d’échange avec les auditeurs.

 

Un personnage secondaire de l’histoire italienne

L’attention excessive de la presse libérale au cas Poerio est d’autant plus intéressante que Carlo Poerio était un personnage plutôt secondaire de l’histoire italienne. Pierre-Marie Delpu explique notamment son succès par ses origines familiales – les Poerio étaient une famille de barons napolitaine. Carlo Poerio (1803-1867) était un modéré, et n’a jamais pris véritablement les armes. Il a principalement tenté d’unifier les opposants au roi Ferdinand II, et a été brièvement ministre de l’Instruction, avant d’être emprisonné peu après la révolution de 1848, pour « conspiration républicaine ».

 

Coupure de presse

 

La figure du digne bourgeois libéral contrastait avec son emprisonnement dans des conditions réputées insalubres, ce qui a pu toucher l’opinion publique européenne. Ce décalage est parfaitement illustré par la caricature d’Honoré Daumier présente sur la couverture de l’ouvrage. Carlo Poerio n’aurait peut-être pas connu un tel succès avec un autre nom de famille. En témoigne le cas de Luigi Settembrini, emprisonné avec Poerio, mais trop démocrate pour plaire aux conservateurs.

 

La « fabrique d’un martyr »

L’ouvrage de Delpu s’intéresse à la construction de l’image de Poerio par la presse libérale. L’homme politique en lui-même n’a pas de rôle, la presse va lui construire une qualité de martyr et de révolutionnaire. « L’affaire » à proprement parler début avec le voyage du futur Premier ministre britannique Gladstone à Naples en 1851, où il rend visite à Carlo Poerio. Il rédige alors des lettres ouvertes formant un pamphlet contre l’autoritarisme et la répression du royaume de Ferdinand II. Ses écrits sont rapidement traduits, et diffusés par la presse. Carlo Poerio devient donc connu dans la presse libérale, en particulier britannique, qui rend compte notamment de son état de santé presque quotidiennement. Le mot d’« affaire » choisi par l’historien vient ainsi de l’ampleur que prend le cas Poerio, et qui témoigne des débuts de la « diplomatie des peuples », où l’opinion publique, informée par la presse, commence a jouer un rôle dans les questions internationales.

 

Carlo Poerio sur le chemin de la prison
Carlo Poerio sur le chemin de la prison

 

Le terme religieux de martyr, utilisé par la presse libérale européenne, désigne d’abord ceux qui sont morts en souffrant pour leur foi. Or Carlo Poerio, en plus d’être un laïc, ne meurt pas au combat ou en prison. Mais la santé fragile du Napolitain, et sa souffrance en prison, font de lui un emblème d’une cause politique plus opposée à l’autoritarisme, et ce statut de victime exemplaire lui donne le caractère de martyr.

 

Une célébrité éphémère

En janvier 1959, à la suite d’une véhémente campagne de presse, Carlo Poerio est amnistié mais exilé aux États-Unis. Contractant une bronchite sur le trajet de l’exil, il est débarqué en Irlande, puis accueilli en triomphe à Londres, où il jouit de son statut de héros.

Ce statut est confirmé par deux anecdotes que l’auteur du livre évoque : un touriste britannique rapporte de Naples les chaînes de Poerio afin qu’elles soient exposées au British Museum, comme une relique à inscrire dans l’histoire nationale, et le musée de statues de cire de Madame Tussaud, qui consacre une exposition à la question italienne, présente en vedette une statue du Napolitain.

Mais cette célébrité décline rapidement, et, retournant en Italie où il mène jusqu’à la fin de sa vie une carrière secondaire de parlementaire, il meurt dans une quasi indifférence. Cette mort est toutefois mise en scène par la presse libérale italienne, qui l’élève une deuxième fois au rang de martyr en mettant en scène sa souffrance, seul dans ses combats parlementaires, comme l’opposition à la peine de mort. Dans l’imaginaire européen, il a été vite remplacé par des figures plus charismatiques de l’Unité italienne, notamment Garibaldi.

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