Milan est connue dans le monde entier comme étant le temple de la mode, dite à italienne. Mais si Bulgari, Valentino, Gucci ou encore Versace existent, c’est grâce aux savoir-faire traditionnels de tout un écosystème, venant de tout le Bel Paese. Frappé durement lors de la première vague de l’épidémie, l’industrie de la mode, qui représente 1,5 % du PIB italien, a vu son monde bouleversé par la crise sanitaire.
Exportateur mondial de textile et de maroquinerie, leader dans l’univers du luxe et de la mode, le « Made in Italy, » est une marque internationale et un gage de qualité, qui lui vaut d’être le deuxième secteur d’activité le plus lucratif d’Italie. Employant environ 575 000 personnes dans toute la botte, son chiffre d’affaires avoisinait les 95 milliards d’euros par an, avant de se heurter violemment au coronavirus. Relégué au rang d’activité non-essentielle pendant le premier confinement ce ne sont pas moins de 3,5 milliards d’euros qui ont été perdus, selon Sistema Moda Italia (SMI). Et si le gouvernement italien a mis en place un certain nombre d’aides comme le chômage partiel, afin d’endiguer une possible vague de licenciement dans les entreprises, il n’en demeure pas moins qu’elles n’ont pas toutes été affectées de la même manière.
En raison de la fermeture des ateliers de confection et de textile, 49% des entreprises sondées ont vu leurs commandes chuter de 20 à 50 % en comparaison à l’année précédente. Inquiet des conséquences de la Covid-19 sur le long terme, le président de Confindustria Moda, Claudio Marenzi, avouait redouter que les grandes marques ne se tournent vers d’autres chaînes de production. « En Italie, le secteur est principalement composé de petites entreprises, » explique-t-il. « Et lorsque l’une d’entre elles ferme, on perd un savoir-faire que l’on ne retrouve jamais. »
Sans innovations technologiques, le « Made in Italy » se retrouve confronté à un possible déclassement de son industrie. Mais c’est sans compter sur la créativité et la rapide capacité d’adaptation des Italiens. Élément essentiel du kit de survie post-confinement, le développement du numérique (communication, e-commerce, télétravail, etc.) est la porte de salut de ce fleuron de l’économie italienne. D’autant plus que comme la France, la péninsule a accumulé beaucoup de retard dans ce domaine.
Lors de la première vague, les Italiens qui préfèrent habituellement la vente physique ont vu leurs habitudes de consommation contrariées par le confinement, puis par les mesures plus ou moins restrictives pendant l’entre-deux-vagues. Et si cela a bénéficié au géant Amazon ainsi qu’à de nombreuses enseignes de prêt-à-porter (Mango, Zara, H&M, etc.), beaucoup de marques locales ont durement payé leur manque de numérisation. D’autant plus que les services de vente digitale étaient déterminés par les conditions sanitaires de travail de leurs salariés.
Pour remédier à cela, l’agence publique Italian Trade Agency (ITA) qui soutient les PME italiennes capables d’allier innovation et tradition, ainsi que les entreprises familiales offrant des produits démontrant un savoir-faire de haute qualité, mais ayant des capacités de production réduites, a par exemple mis à disposition de l’industrie une plateforme digitale permettant aux marques de faciliter leurs échanges commerciaux avec leurs clients (particuliers et entreprises).
« La mode est une industrie saisonnière, et certaines dates ne sont pas négociables, » a très justement relevé Carlo Capasa, le président la Chambre Nationale de la Mode Italienne. Or, en raison des mesures restrictives, les salons, fashion week, showrooms et autres évènements rythmant l’univers de la mode, se sont retrouvés paralysés pendant plusieurs semaines, avant de pouvoir investir dans l’alternative numérique. Lancé le 24 septembre 2020, le site EXTRAITASTYLE offre par exemple à près de 80 marques présélectionnées par l’ITA, une plateforme digitale pour présenter leurs collections de manière originale, tout en interagissant avec leurs clients.
Loin d’être en reste, la célèbre Fashion Week de Milan, malgré des annulations successives a fini par digitaliser ses défilés de mode, avant d’opter pour une option phygitale à la fin de mois de septembre. Résultat 64 défilés ont pu se dérouler, dont 23 en présentiel, non pas sans essuyer quelques critiques. Ainsi Etro, Sportmax, Max Mara et bien d’autres se sont vu reprocher leur manque de précautions, ainsi qu’une certaine légèreté quant à l’approche imminente de la seconde vague, dans la mesure où, contrairement aux designers et aux invités, les modèles ne portaient pas de masques durant les défilés. Pour les 41 autres défilés, le génie et la créativité étaient le mot d’ordre, afin de rendre l’expérience de la Fashion Week en ligne inoubliable.