À l'occasion du « Black History Month », Le Petit Journal de Rome vous propose de revenir sur le parcours des personnalités noires qui ont fait l’Histoire de l’Italie. Ce portrait est consacré au premier diplomate africain du Vatican : l’ambassadeur du Royaume Kongo : Antonio Manuel Nsaku Ne Vunda.
Nsaku Ne Vunda choisit de devenir prêtre et prend le nom portugais de dom Antonio Manuel. Suite à sa récente ordination, il reçoit le 17 août 1604 du Mani Kongo Alvaro II – le monarque qui est également son cousin - des lettres de créance qu’il doit porter au Pape Paul V, afin de renforcer le catholicisme dans son pays.
Le Royaume du Kongo s’étire du nord de l’Angola, comprenant la République Démocratique du Congo, le Congo- Brazzaville, ou encore le Gabon. À cette époque, il est placé sous tutelle portugaise et pour s’opposer à la traite des esclaves, pour cela il tente un rapprochement avec le souverain pontife. En effet, depuis plus d’un siècle une partie de la population du royaume et la famille royale sont réceptives aux messages portés par les missionnaires portugais.
Le périple à travers les mers et continents
Quelques jours après avoir reçu sa mission, le prêtre prend la tête d’une délégation de 26 personnes et ils embarquent direction le Nouveau Monde. L’objectif de Nsaku Ne Vunda est simple : rejoindre le Portugal par la mer pour ensuite rejoindre Rome par la terre. La traversée n’est pas de tout repos, il doit échapper aux attaques des corsaires, mais aussi le prêtre découvre l’horreur de la Traite Négrière. L’écrivain congolais Wilfried N’Sondé, a consacré un ouvrage à l’incroyable périple du diplomate, qu’il décrit de la manière suivante :
« Pour quitter les côtes du royaume du Kongo, il embarque sur le seul galion disponible : un navire négrier qui, avant de rallier Lisbonne, va d’abord aller déposer sa sordide cargaison au Brésil. »
Nsaku Ne Vunda doit également faire face aux intimidations du Portugal qui refuse que le Kongo n’entretienne des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. C’est pourquoi, il exige que l’équipage du diplomate effectue un immense détour pour retarder son arrivée à Rome. Le Portugal ne reconnaît pas la souveraineté du Royaume du Kongo, il exige l’application du principe de la Padroada auprès de l’autorité papale. Cette prérogative stipule que les pays ayant procédés à l’évangélisation de population, possèdent le droit de les administrer.
Après un voyage éreintant, il atteint les côtes portugaises fin 1606. Le commandant de l’expédition est ensuite retenu en captivité à Lisbonne, puis Madrid. Durant sa séquestration, il échange sans cesse des lettres avec le Vatican qui décrète après plusieurs mois que :
« La Congrégation des rites du Vatican, ayant examiné la question, décide que l’envoyé du Mani Kongo peut être reçu aussi solennellement que les ambassadeurs des autres rois. »
Avec l’aide du Vatican, dom Antonio Manuel arrive finalement à Rome le jeudi 3 janvier 1608. Épuisée et fortement affaiblie après plusieurs années d’aventures, sa délégation ne compte plus que cinq membres. Le Pape lui envoie ses meilleurs médecins, puis se déplace personnellement pour le rencontrer. Harassé par son interminable voyage, Antoine Emmanuel Nsaku Ne Vunda meurt le 6 janvier 1608, jour de l’Épiphanie. Durant ses obsèques, le diplomate reçoit les derniers honneurs et est inhumé dans la basilique romane de Santa Maria-Maggiore.
Représentation dans les Arts
Après le décès du diplomate, le Pape Paul V demande au sculpteur Stefano Maderno de réaliser un buste en marbre à l’effigie du défunt. Un portrait est également exposé dans la « Sala dei Corazzieri », au palais Quirinal. Enfin une fresque est réalisée par Giovanni Battista Ricci en 1610 à l’intérieur de la Chapelle Paolina au Vatican. Elle représente les derniers instants d’Antonio Manuel avec le Pape à son chevet.
Pour en savoir plus sur Nsaku Ne Vunda, vous pouvez retrouver le roman de Wilfried N’Sondé, Un océan, deux mers, trois continents, publié aux éditions Actes Suds en 2018.