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Génération ERASMUS – Sandro Gozi, un ancien Erasmus devenu secrétaire d'Etat s'adresse à la nouvelle génération

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 18 juillet 2016, mis à jour le 18 juillet 2016

Début juillet, Sandro Gozi, secrétaire d'Etat italien chargé des affaires européennes, présentait son dernier ouvrage, Génération Erasmus : Ils sont déjà au pouvoir au Palais Farnese, siège de l'ambassade de France à Rome. A cette occasion, ce pionnier du programme Erasmus avait convié à la promotion de son livre la nouvelle génération d'Erasmus français venus étudier à Rome cette année. 

Sandro Gozi est un européen convaincu. En plus d'être chargé des affaires européennes pour le gouvernement de Renzi, il est l'actuel vice-président du laboratoire d'idées EuropaNova. Il se présente comme un membre de cette nouvelle classe dirigeante du parti démocrate italien engagée, motivée et désireuse de changements rapides et profonds. Il a notamment oeuvré à la présidence italienne de l'UE en 2014-2015 auprès de Matteo Renzi. Sandro Gozi a contracté le virus européen lors son échange Erasmus à la Sorbonne, alors qu'il était étudiant en droit à la fin des années 1980. Depuis lors, il n'a cessé de cultiver sa francophilie et c'est avec aisance et humour qu'il répond aux questions de la journaliste Virginie Riva, chargée de mener le débat avec le public.

 

Dans son essai, avant même les résultats du Brexit, Sandro Gozi écrit être conscient que « nous vivons une des moments les plus difficiles de l'Union Européenne ». Il revient sur les vingt dernières années de la politique européenne en tant qu'acteur politique qui a vécu de l'intérieur les décisions prises au sein des instances européennes. Il se montre très critique envers une Union Européenne qui aurait renoncé à sa dimension politique et cédé au programme économique de l'austérité. Il revient sur le défi démographique et migratoire auquel est confrontée l'UE tout comme sur la lutte indispensable contre le populisme. Son discours sans concessions ne l'empêche pas d'être toujours profondément pro-européen et de reconnaître à l'UE des avancées majeures pour les sociétés européennes dont il est lui-même le fruit.

 

La construction européenne : des camps d'extermination aux compagnies aériennes low-cost 

Sandro Gozi se considère redevable envers ceux qu'ils appellent les « grands visionnaires » de l'Europe tels que Adenauer ou De Gasperi. Ils ont eu le courage, cinq ans à peine après la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la découverte des camps d'extermination de lancer les prémisses de la construction européenne. Elle a commencé avec la mise en commun du marché du charbon et de l'acier. En 2017 nous fêterons les 50 ans du Traité de Rome qui instituait les bases de la Communauté Economique Européenne, ancêtre de l'UE. Tout au long de l'entretien, Sandro Gozi ne cesse de rappeler les avancées de la construction européenne qui permettent aux étudiants français d'aujourd'hui de venir étudier à Rome, « sans visa, sans permis de séjour » et de voyager à bas coût grâce aux « compagnies aériennes low-cost ». Plus sérieusement il dit avoir ressenti la nécessité de l'UE au moment de la guerre des Balkans à Sarajevo en 1995 : « J'ai vu ce que les Européens sont encore capables de se faire sans union ».

 

Comment réagir face à la décision des Britanniques de quitter l'UE ? 

« Je respecte la décision des Britanniques mais je ne la partage pas. » Le jugement de Sandro Gozi est sans appel. Pour autant, il se montre moins inquiet pour les Européens que pour le peuple britannique qui subiront selon lui bien davantage les conséquences négatives de leur sortie de l'UE que le reste des Européens. Cette constatation ne l'empêche pas de soutenir le point de vue des chefs de gouvernement français et italiens. L'UE n'aurait pas à attendre la réaction du gouvernement britannique. Il ne faut pas « se laisser traîner dans une période d'incertitude prolongée jusqu'en 2017 ». La séparation doit se faire rapidement. 

Pour Sandro Gozi, le Brexit comme la crise économique de 2008 sont autant de signaux d'alarme : « on ne peut pas continuer à faire jouer les démocraties nationales les unes contre les autres ». L'UE, un temps vue comme un « multiplicateur d'opportunités », apparaît désormais comme un « multiplicateur de contraintes ». Elle est désormais associée au « côté obscur de la globalisation ». Même si cela semble utopique aujourd'hui comme le lui fait remarquer Virginie Riva, Sandro Gozi pense qu'une révision des traités de l'UE doit permettre la création d'une Europe plus politique. Cette révision serait soumise à un referendum transnational qui aurait lieu dans tous les Etats-membres de l'UE le même jour. Ce « saut qualitatif européen » est indispensable selon Gozi.

 

« On ne fait pas de la politique en étant désespéré donc, non, je ne suis pas désespéré » 

Virginie Riva lui rappelle que durant le semestre de présidence de l'Italie, la crise migratoire et la politique de croissance ont été au centre de l'agenda politique. Or, aujourd'hui, les divisions au sein de l'UE sur l'accueil des migrants et la persistance de la politique d'austérité parlent contre la politique de Gozi. N'y aurait-il pas quelque raison de désespérer ? A cela, Gozi répond avec bonhommie : « On ne fait pas de la politique en étant désespéré donc non je ne suis pas désespéré. » Il garde dans son bureau le gilet de sauvetage d'une Somalienne qui a traversé la Méditerranée pour rappeler aux délégations d'autres Etats-membres l'urgence de la situation. Selon lui, un « pacte Europe-Afrique », déjà évoqué par Robert Schuman dans les années 1960 mais jamais véritablement appliqué est nécessaire. Il convient aussi de penser un système d'asile européen commun et une gestion commune des frontières extérieures de l'UE. Le traité de Schengen a apporté une formidable liberté de circulation aux Européens qu'il serait aberrant de supprimer.

 

« Il faut expliquer à nos amis allemands... » 

Sandro Gozi défend une politique de relance, du type keynésien. En d'autres termes il s'oppose à la politique de rigueur défendue par l'UE depuis la crise de 2008. Cette politique pose en priorité la résorption des dettes publiques alors que selon Sandro Gozi la priorité devrait être la lutte contre le chômage et contre la déflation. Il rappelle une anecdote glaçante à ce sujet. Lorsque Sandro Gozi a demandé aux responsables du plan de sauvetage de la Grèce, qui étaient notamment gouverneurs de la Banque d'Italie, quelles seraient l'impact social des mesures d'austérité, ces derniers lui auraient répondu : « Ceci ne rentre pas dans nos compétences ». Il dément vouloir leur jeter la pierre et accable plutôt les dirigeants politiques qui refuseraient de penser une Union Européenne politique sur le long terme.

 

Plus de démocratie pour un citoyen européen mieux informé 

L'Union Européenne politique sur le long terme rêvée par Gozi, c'est celle de la construction d'un véritable espace politique européen avec des « meetings et surtout de véritables leaders politiques transnationaux ». Il convient de sortir de la logique des « confédérations de partis nationaux » au sein du Parlement européen. L'UE doit défendre ses propres partis politiques qui ne seraient pas une simple somme des partis politiques nationaux. Par conséquent Sandro Gozi défend le système des têtes de liste inauguré lors des dernières élections européennes qui a permis l'élection de Jean-Claude Juncker. 

Pour lutter contre le fantôme populiste, Sandro Gozi fait sien l'aphorisme de Luigi Einaudi, second président de la République italienne : « conoscere per deliberare » que l'on pourrait traduire par « connaître pour délibérer ». Or, Sandro Gozi déplore la qualité des talk-shows italiens qui « ne pensent qu'à l'audience et pas au service public ». Education et pédagogie sont les maîtres mots du secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, le problème n'est plus l'accès à l'information mais le « trop-plein » d'informations. Il faudrait donner les outils au citoyen pour qu'il sache faire le tri entre information et information, véhiculée en majorité par internet, espace virtuel où se forgent des opinions bien réelles.

 

L'avis des jeunes Erasmus sur Sandro Gozi 

Le débat se clôt rapidement, le public d'étudiants Erasmus restant plutôt sur la réserve. Sandro Gozi sert les mains avec chaleur avant de disparaître en un éclair. Les langues se délient lors de l'apéritif servi après la présentation sur la terrasse de l'ambassade. Etudiants français en droit, histoire de l'art ou lettres, ils se montrent plutôt enthousiasmés par le discours de Gozi : « pour une fois, j'ai écouté un politique qui parlait franchement et clairement, c'est rare ». Le revers de la médaille est moins heureux. Les étudiants interrogés se montrent plus que sceptiques sur la sphère politique et médiatique française et en grande partie désabusés: « On ne comprend pas les hommes politiques, ils font toujours des discours avec des mots trop compliqués, comme s'ils le faisaient exprès ». Espérons que Sandro Gozi leur aura redonné un peu de ferveur et d'intérêt pour la politique dans le futur.  

 

Louise Cognard (Lepetitjournal.com de Rome- Mardi 19 juillet 2016

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Publié le 18 juillet 2016, mis à jour le 18 juillet 2016

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