

La romancière mauricienne Nathacha Appanah évoque avec Le dernier frère un point méconnu de l'histoire de son île, à travers les yeux d'un jeune enfant et de son amitié avec David, petit juif d'Europe central échoué dans la prison locale. Un drame pur, une grande sensibilité
Le nouveau livre de Nathacha Appanah se présente comme une remontée de la mémoire, un flash back, un retour à l'enfance. Elle est ici d'une grande dureté, dans le camp misérable de Mapou où vivent le petit Raj et sa famille, dans des conditions épouvantables, dans la poussière sèche ou sous les torrents de boue qui emportent un jour ses deux frères.
Accablé par la culpabilité du survivant, Raj suit ses parents pour s'installer à Beau Bassin, dans une maison mangée par la végétation tropicale. Là, son père trouve un travail de gardien de prison.
Nous sommes en 1943 et quelques centaines de juifs originaires d'Europe centrale et refoulés de Palestine, ont été incarcérés à Maurice, alors britannique. Raj remarque David, un enfant de son âge, blond, pâle, maladif. C'est une sorte de coup de foudre, de fascination innocente et intense qui les mène un peu trop loin.
Du yiddish dans la jungle
Le roman de Nathacha Appanah a la beauté forte du drame. L'enfance y est broyée de toute part. Par la guerre pour David, par la misère, le deuil et la violence quotidienne du père pour Raj. La nature même, où Raj est si habile à se déplacer, n'est qu'un immense organisme hostile, jusqu'au cyclone.
Dans ce chao, Raj s'accroche à David comme à sa seule chance, s'accapare l'enfant sans comprendre ce qui l'a conduit ici. Le choc des mondes est totale et semble à la fois naturel. Raj ignore tout de Prague, des juifs, de la guerre même. David, à bout de force, chante quelques notes en Yiddish et un viel homme se souvient. La voix de Raj enfant est complétée par celle du vieil homme qu'il est devenu, soudain tenaillé par la nécessité de raconter l'histoire enfouie de David, de la dire exactement.
Lauréat du prix du roman Fnac, Le dernier frère est un livre terriblement poignant.
Jean Marc JACOB. (www.lepetitjournal.com) jeudi 6 décembre 2007
Le dernier frère, Nathacha Appanah (Editions de l'Olivier), 112 pages, 18?
- Également en libraire :
La trempe, Magyd Cherfi (Actes Sud)
Après Livret de famille, Magyd Cherfi, membre éminent du groupe Zebda, reprend la plume pour raconter d'autres épisodes de sa vie, de son enfance dans les quartiers défavorisés de Toulouse. Si le premier des 8 récits qui composent le volume, dédié à des souvenirs de tournée, n'est pas absolument convainquant, la suite, consacrée à ses jeunes années, est pleine du charme de la sincérité. Le portrait qu'il fait de sa mère notamment, dévorante d'amour, est très touchant. Simple et juste. 164 pages, 15? (LPJ - 6 décembre 2007)
Songes de Mevlido, Antoine Volodine (Seuil)
Livre après livre, Antoine Volodine construit une ?uvre unique et plonge ses lecteurs dans un entre-deux mondes où l'Histoire, l'homme et l'animal, la vie et la mort n'ont plus de frontières définies. Dans une cité d'apocalypse pleine d'humidité et de puanteur, d'activistes politiques, d'enfants soldats et d'oiseaux inquiétants, Mevlido est un policier en fin de carrière, hanté par le souvenir de la femme qu'il aimait. Un roman d'une très grande densité, un conte noir impressionnant de maîtrise. 462 pages, 21,80? (LPJ - 6 décembre 2007)
Chroniques de l'asphalte 2/5, Samuel Benchetrit (Julliard)
Les premières Chroniques de l'asphalte évoquaient avec malice et vivacité une enfance en banlieue. Mais le petit Samuel a grandi et en s'attaquant à la capitale, perd un peu de son âme. A quelques exceptions près, l'esbroufe fait place à l'émotion et un certain goût du trash et de la provoc pas toujours efficace parasite le volume. A grand renfort d'onomatopées, Samuel Benchetrit donne dans la fast littérature branchée, joliment baroque par instant, mais souvent grasse et lourde. 242 pages, 18? (LPJ-6 décembre 2007)


































