Youssef Elabdi, 32 ans, a quitté le Maroc pour venir vivre en Roumanie et y travailler comme coordinateur pédagogique au sein de l'école maternelle, Le Carrousel. Nous sommes allés à sa rencontre pour l'interroger sur sa décision de venir s'installer en Roumanie, mais également sur ses projets au sein du Carrousel.
Lepetitjournal.com/Bucarest: Pourquoi avoir choisi la Roumanie comme nouveau lieu de travail ?
Youssef Elabdi: J'ai quitté le Maroc pour Bucarest afin de réaliser un rêve que je souhaitais concrétiser depuis ma plus tendre enfance. J'étais jeune à l'époque et j'avais vu un documentaire sur la Transylvanie et le château de Dracula. Dans ma tête, tout est devenu très clair : je devais venir en Roumanie et si possible y vivre. Dans mon parcours, j'ai d'ailleurs beaucoup travaillé sur les folklores du monde entier, et le folklore roumain m'a particulièrement touché. Cela n'a fait que confirmer mon rêve qui était de venir travailler ici, et c'est un réel accomplissement pour moi.
Comment s'est passée votre intégration ?
Mon adaptation s'est faite au préalable. Cela fait presque un an que les premiers contacts avec le carrousel ont eu lieu et ils m'ont beaucoup aidé. Je me suis également beaucoup préparé psychologiquement à ce départ. Si mon corps était physiquement au Maroc, mon esprit lui, était déjà en Roumanie. Je suis de nature très ouverte, l'intégration a été facile. La langue est le vecteur le plus important pour la communication, mais depuis mon arrivée, j'ai déjà appris beaucoup de vocabulaire roumain. Dans l'ensemble, j'ai été très chouchouté.
Avez-vous constaté des divergences entre les méthodes pédagogiques qui existent au Maroc et celles que vous appliquez au Carrousel ?
Dans les grandes lignes, on peut dire que c'est similaire, mais il y a malgré tout une nuance importante sur l'ouverture d'esprit des enfants. Ici au Carrousel, on donne une importance toute particulière à la découverte du monde. Au Maroc, l'accent était mis sur l'aspect local et on s'ouvrait seulement ensuite aux autres cultures. Mais cela ne se faisait que lors de certains événements, comme les jours de fête nationale par exemple. Tout ceci ne concerne que la structure dans laquelle j'ai exercé, mais au Carrousel, l'ouverture est au centre du système pédagogique.
Avez-vous de nouvelles idées afin de mieux encadrer les enfants ?
Le programme est déjà établi mais il faut bien sur innover car nous ne pouvons pas rester dans un cocon, on se doit de sortir de notre zone de confort pour proposer ce qu'il y a de mieux pour les enfants. Ici, au Carrousel, on accompagne les enfants pour qu'ils puissent s'épanouir et devenir les adultes de demain. Chaque activité a un sens et une finalité pour l'enfant. Si on fait du théâtre, c'est pour lui donner confiance en soi, le chant, c'est pour l'expression artistique et corporelle. On construit un individu sûr de lui et qui, par la suite, sera capable de parler et de défendre ses idées devant un auditoire.
Quels sont vos projets pour l'avenir ?
J'espère développer le programme de l'école. Je compte m'appuyer au maximum sur l'aspect théâtral avec le mime notamment. Je me demande également si la création d'une troupe de choristes est envisageable. Cela pourrait permettre de fédérer les enfants autour de ce groupe et surtout de pouvoir les suivre une fois qu'ils auront intégré le système scolaire classique. C'est un projet qui est envisageable sur le long terme. Enfin, je songe sérieusement à faire un atelier de création de contes roumains en langue française. Cela permettrait d'étoffer la connaissance des jeunes sur le folklore roumain et d'affiner leur pratique du français. Dans la finalité, je souhaiterais que le carrousel soit le berceau de la langue française.
Ce n'est pas très fréquent pour un homme de travailler dans une maternelle. Avez-vous rencontré des difficultés ?
Je me suis longtemps posé la question. C'est sûr qu'être un homme, d'origine arabe et qui de plus est musulman, ça change, mais cela peut aider les enfants à s'ouvrir très jeunes sur les autres. La différence peut-être ainsi une force. Je pense qu'il est indispensable d'ouvrir les enfants aux autres cultures car cela peut aider à changer les mentalités, ou tout du moins, les faire évoluer. Ma seule priorité était et est toujours de me comporter en professionnel, et au final, certains parents ont même appelé la directrice pour que leurs enfants intègrent mon groupe. Ils font preuve d'ouverture. Cela permet aussi d'aborder une transition avec l'arrivée future des enfants dans le système classique où il y aura aussi bien des enseignants que des enseignantes. C'est une bonne chose que les mentalités évoluent.
Adrien Le Noël (www.lepetitjournal.com/Bucarest) - Mercredi 2 août 2017
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