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Mais d’où vient donc le célèbre loukoum ?

Variétés de loukoums TurquieVariétés de loukoums Turquie
Écrit par Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 15 décembre 2022, mis à jour le 15 décembre 2022

Si l’origine exacte du loukoum dans l’Antiquité fait l’objet d’une multitude d’interprétations, son histoire officielle commence au XVe siècle, en Anatolie et dans les pays de l’Empire ottoman, où l’on confectionne un bonbon constitué d’un mélange de miel et de mélasse. Mais c’est au XVIIIe siècle, après la multiplication des raffineries de sucre, qu’apparaît le loukoum tel que nous le connaissons aujourd’hui.

des loukoums à la rose

Des

loukoums à la rose

 

Le loukoum créé par le confiseur Haci Bekir

En effet, en 1777, le jeune confiseur Ali Muhiddin Haci Bekir, quitte son village natal des environs de Kastamonu, pour venir ouvrir une petite échoppe à Istanbul. Il fabrique d’abord des berlingots puis, s’inspirant des nouvelles découvertes sur la transformation de l’amidon, crée, par adjonction de fécule, une confiserie que l’on nomme vite le "rahat loukoum", soit "l’apaise gorge" et que les dames de la haute société s’arrachent. C’est alors que le sultan Abdülhamid I, qui avait envie de sucreries "moelleuses", organise un concours de confiserie, et Haci Bekir remporte la compétition.

 

Ali Muhiddin Haci Bekir
Ali Muhiddin Haci Bekir

Le loukoum fait donc son entrée triomphale dans les cuisines impériales. Haci Bekir est ensuite proclamé "confiseur en chef" par le sultan Mahmud II et le palais se fournit désormais dans sa fabrique, dont les successeurs prendront la relève jusqu’à aujourd’hui. Sa célèbre boutique fait, d’ailleurs, l’objet d’un tableau d’Amadeo Preziosi qui se trouve actuellement au Louvre.

 

Le magasin d'Haci Bekir par Amadeo Preziosi
Le magasin d'Haci Bekir, Amadeo Preziosi

Peu à peu, le loukoum se démocratise et devient un incontournable auxiliaire du café turc, soutenu par la devise, "manger doux pour parler doux" !  

 

café turc
Des loukoums accempagnent le café turc

Il apparaît aussi comme la métaphore des affaires de cœur, car les femmes en offrent à leur amoureux dans de petites pochettes de tissu brodé. Plus tard, un voyageur anglais, habitué du magasin de Haci Bekir, ramène en Angleterre une grande quantité de loukoums et la confiserie va accéder à la renommée internationale sous le nom de "Turkish Delight". Le peintre et mosaïste français, Prétextat Lecomte, qui a vécu à Istanbul, publie ensuite en 1902, Les arts et métiers de la Turquie et de l’Orient, où il place l’art du loukoum dans la liste des plus célèbres spécialités turques.

Livre de Prétextat Lecomte
Livre de Prétextat Lecomte

 

Quant à la popularité de la famille Haci Bekir, elle ne cessera de croître de génération en génération. En 1873, le fils, Mehmet, remportera la médaille d’argent de l’Exposition internationale de Vienne, puis enchaînera les récompenses à Cologne, Chicago et Bruxelles, où il obtient la médaille d’or, en 1897. Entre temps, il a créé la première marque de loukoum ottoman ; son propre fils sera encore récompensé à Nice et à Paris. De nos jours, la firme possède plusieurs boutiques à Istanbul et Ankara.

  

La confiserie d'Haci Bekir au XIXe siècle
La confiserie d'Haci Bekir au XIXe siècle

logo hache bekir
Le logo d'Haci Bekir

 

Une multitude de marques de loukoums existe actuellement en Turquie, mais aussi de nombreuses spécialités régionales : par exemple, les loukoums au safran de Safranbolu, ceux d’Afyon à la crème de bufflonne, les loukoums au mastic de la mer Egée, ceux de Malatya à l’abricot et aux noix, ceux d’Adana à la pistache, ceux au beurre d’Aydin…

 

Loukoums de Safranbolu
Loukoums de Safranbolu

 

La confection du loukoum

Un livre de cuisine ottomane, publié en 1844, en donne la recette : le loukoum est essentiellement constitué d’eau, de sucre et de fécule que l’on fait bouillir pendant plus d’une heure à 115 degrés, en remuant sans cesse afin que le mélange ne brunisse pas. On y ajoutait à l’origine, au milieu de la cuisson, de l’eau de rose ou du jus de citron mais les parfums se sont multipliés au fil du temps, en particulier avec l’ajout de fruits secs, comme des pistaches, des amandes ou des noisettes. Actuellement, on adjoint à la pâte une pointe de bitartrate de potassium, la fameuse "crème de tartre" issue de la fermentation du raisin, pour en rendre la consistance plus élastique. On fait ensuite couler la préparation dans un plat où on la laisse durcir une journée, puis, on la débite en carrés que l’on roule, pour finir, dans un mélange de sucre glace et de fécule de maïs. Vous pouvez essayer de fabriquer vous-mêmes des loukoums en suivant l’un des nombreux tutoriels publiés sur Internet !

Le loukoum fait son entrée dans l’art et la littérature

C’est à la fin du XIXe siècle que le loukoum devient un motif littéraire ou artistique. Charles Dickens, dans son quinzième et dernier roman, Le Mystère d’Edwin Drood, met en scène l’héroïne, Rosa, se rendant dans un magasin de loukoums. On raconte que Picasso en raffolait et y trouvait même un appui à son inspiration. Plus tard, le loukoum a eu les honneurs de la littérature française avec Romain Gary, Jean-Paul Sartre ou Michel Tournier. Mais c’est le film tiré de la saga de C. S. Lewis, Le Monde de Narnia (2005), lorsqu’Edmund goûte aux loukoums de la sorcière blanche, qui a propulsé la friandise au rang de star incontestée, en augmentant ses ventes de 400% dans le monde…

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