Tel maître, tel chien : prêt-à-parader

Il est dix heures quarante-sept. Ethan sort de son deux-pièces à SoHo : parquet brut, verrière, fleurs fraîches livrées tous les lundis. 

Il a passé vingt minutes à choisir entre deux manteaux longs noirs identiques, l’un en laine vierge, l’autre « déconstruit ». Il a pris le second, bien sûr. Avec un foulard vieux rose « juste pour casser l’ensemble ». Un statement discret et pensé.

Babka porte un harnais assorti. Elle trotte, chic, à ses côtés. Comme un sac Jacquemus en édition limitée.  À chaque pas, son collier tinte : léger, discret, presque volontaire. Elle sait marcher à droite, à gauche, et ralentir dans les zones photo friendly. Elle est la mascotte de son monde. Sa touche de douceur, sa petite brioche. Son accessoire de vie conscientisé, sa dissonance parfaitement harmonisée. Son brief le mieux exécuté, sans doute.

Ethan parle. Tout le temps, à voix haute. Il « brainstorme », il « enregistre des notes vocales pour un projet », il commente les passants. Il a des opinions sur la coupe des jeans cargo, le retour du brun chocolat. Et la frange de Dakota Johnson, bien sûr.

Ethan est « consultant créatif ». Il produit des idées comme il compose ses silhouettes : subtiles, énigmatiques parfois, chères souvent. Il a un œil, beaucoup d’intuitions et aucun patron. Il gagne sa vie en étant au courant. En disant "non" très vite à ce qui n’est pas encore "oui". En repérant les tendances avant qu’elles existent, en les remettant en jeu avant qu’elles fatiguent.

Babka, elle, suit Ethan, comme un danseur, son chorégraphe.

Ils marchent pour être regardés. Pas par les passants, non. Par un regard invisible, potentiellement utile. Un contact à activer plus tard.

À onze heures trente-cinq, ils seront chez Sant Ambroeus. Ethan dira « ce croissant est presque mangeable », Babka recevra deux likes en terrasse.

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