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Pour Marianne Scordel « imiter un homme, c’est manquer d’ambition »

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Marianne Scordel recevant le prix « 40 under 40 »
Écrit par Femmes Leaders - avec le soutien de Ortoli Rosenstadt LLP
Publié le 12 février 2020, mis à jour le 12 février 2020

Le Petit Journal New York part, en 2020, à la rencontre de femmes francophones des États-Unis, qui ont brisé le fameux plafond de verre imposé par un modèle sociétal quelque peu archaïque. Des femmes leaders... Aujourd’hui, nous vous présentons Marianne Scordel qui, après des années de carrière dans la finance à Londres, a créé sa société Bougeville Consulting laquel vient en appui aux hedge funds.

 

De la City à New York

La notion de “plafond de verre” est apparue en 1986 dans un article du Wall Street Journal où elle était définie comme un ensemble de barrières invisibles bloquant les possibilités de promotion des femmes dans les fonctions de management et limitant leur mobilité verticale au-delà de l’encadrement moyen. Aux Etats-Unis, une commission spéciale (Glass Ceiling Commission) composée de 21 membres et présidée par le ministre du travail de l’époque a alors été mise en place pour identifier les blocages et élargir les possibilités de carrière des femmes et des minorités. Il s’agissait de supprimer des barrières invisibles et artificielles empêchant des personnes qualifiées de progresser dans leur organisation et de réaliser pleinement leur potentiel . Si le plafond de verre peut exister à différents niveaux, le terme est habituellement utilisé pour évoquer une barrière à l’accès aux plus hautes fonctions de management. Certaines femmes l’ont brisé, Marianne Scordel en fait partie.

Son bac en poche, Marianne Scordel quitte son Var natal pour rejoindre Paris et intégrer une des plus préstigieuses écoles françaises, Sciences Po. Diplômée, elle choisit de ne pas présenter l’ENA, trop bureaucratique, elle préfère le hors-cadre, où elle se sent tant plus à l’aise que plus efficace. Direction l’Outre-Manche où elle entre à Oxford. Elle en ressort diplômée d’un Master en Relations Internationales et arrive sur le marché du travail à une période où le monde de la finance recrute des profils venant d’horizons différents, alors sensible aux différences culturelles. C’est sa thèse sur le Moyen Orient, mais aussi sa curiosité pour les industries complexes qui sont son sésame d’entrée dans l’univers de la finance, à une époque où le monde de la banque avait une dimension entrepreneuriale et d’ouverture. Elle débute chez Barclays Capital au « Public Policy Department ». Dans un univers résolument masculin, elle se retrouve à faire le lien entre les gouvernements et les autorités de la Banque Centrale.

Après plusieurs années chez Barclays Capital, Marianne Scordel entre chez Nomura où elle s’occupe du financement des hegde funds. Dans ces deux banques, elle tisse un réseau professionnel et relationnel institutionnel mais aussi financier, composé essentiellement de traders, dont certains deviennent, par la suite, ses clients quand elle créé, en 2012 Bougeville Consulting. « Mes clients sont des hedge funds. Ils savent gérer de l’argent mais ne savent pas forcément, ou n’ont pas le temps, de faire tourner leur entreprise, et c’est là que j’interviens ». Avec une approche opérationnelle et institutionnelle, elle endosse le rôle d’un Chief Operating Officer et accompagne les managers de hedge funds, dont elle connait parfaitement le langage, les codes et les problèmatiques, à résoudre leurs challenges. Avec une parfaite connaissance des marchés américains, anglais et français, ses clients sont principalement de l’une de ces trois nationalités et ont pour mission de développer leur business dans l’un de ces trois pays ou de faire le pont entre deux pays.

« Avec la crise de 2008, et même un peu avant, les hedge funds sont devenus le nouveau noyau entrepreneurial. Les très bons traders qui travaillaient en banque n’ont plus eu la même marge de manœuvre par rapport aux nouvelles régulations imposées à cette période » explique Marianne Scordel. « Ces traders ont crée leurs propres hedge funds, sauf qu’avant, dans la banque, tout le monde s’occupait d’eux. Et sans l’infrastructure bancaire, c’est ma société qui les a pris en charge ».

 

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Marianne Scordel

 

Une femme dans un monde d’hommes

Sur le plan personnel, et avec du recul, Marianne Scordel s’accorde à dire qu’il est compliqué d’avoir une vie personnelle et de mener à la fois sa carrière. Ce modèle mposé par la société, où la femme doit avoir plus de disponibilité pour gérer son univers familial est certe en pleine évolution mais toutefois encore ancré dans les schémas de pensée.

En 2012, 2013, 2014, Marianne Scordel fait partie des « 40 under 40 » prix lancé par le Financial News, journal financier britannique. Il récompense 40 personnes ayant moins de 40 ans, de toute l’Europe et entreprenant des initiatives à suivre dans le monde de la finance. Preuve du déséquilibre du genre, sur les 40 personnalités du monde de la finance récompensées, Marianne Scordel fait partie des rares femmes à avoir reçu le prix. « Les trois années où j’ai été récompénsée, sur les 40 lauréats, il y avait seulement deux ou trois femmes ». Milieu intense, qui peut se montrer très agressif, si moins de femmes sont récompensées, c’est tout simplement qu’elles sont largement moins nombreuses.

Être une femme dans un monde d’hommes est une singularité à laquelle Marianne Scordel ne prête plus guère d’attention. « Avec plus de 20 ans d’expérience et de carrière, j’ai l’habitude. Aujourd’hui, avec mes clients, j’ai une relation business, certes, mais j’ai aussi une relation humaine. Les clients de Bougeville Consulting sont des hommes, mais je rencontre très très vite leur épouse. C’est si je ne les rencontre pas que je m’inquiète » plaisante l’entrepreneure. Pour elle, le leadership, qu’il  soit porté par un homme ou par une femme, est finalement identique. Mais être une femme dans le monde du business, peut être, à tort, perçu comme une faiblesse sinon une forme de fragilité. « J’ai rencontré quelques fois des situations, très vite résolues, où dans un contexte professionnel, des hommes ont essayé de prendre l’ascendant sur moi, me croyant peut être plus fragile, parce que je suis une femme ». Et de rajouter « je pense que la fermeté finit par imposer une forme de respect ».

Pour Marianne Scordel, sur le long terme, l’éthique impose le respect autour de soi et envers soi ; et c’est l’attitude que chacune arbore qui est le reflet des relations qu’elle entretient avec ses paires. Pour finalité, une fois le respect imposé, être une femme ne compte finalement plus énormément. Seules prévalent les compétences professionnelles. Comme beaucoup de femmes, elle a subi, dans un contexte professionnel, des réflexions sexistes et déplacées « je suis toujours passée outre, et j’ai appris à réagir en conséquence ou parfois, à ne pas réagir face à ce genre de choses. Ça serait bien si cela n’existait pas mais la réalité est que ça existe. C’est peut-être entrain de changer et c’est tant mieux. Mais il faut apprendre à gérer ça et il y a des façons de le gérer ».

Marianne Scordel conclu « une femme qui veut imiter un homme manque beaucoup d’ambition ». Pourquoi vouloir être l’égale d’un homme, il suffit de poursuivre son chemin, avec son éthique et son ambition. Les choix, qu’ils soit professionnels ou personnels, doivent être faits pour soi et non par compétition envers les autres, ou dans une simple guerre de genre. Telle est la recette d’une femme qui mène sa carrière en toute indépendance, avec éthique et respect, des autres et d’elle-même...

 

Merci, chère Marianne, de faire partie des « Femmes Leaders » de notre édition.

 

Article rédigé par Rachel Brunet - Rédactrice en chef du Petit Journal New York