Originaire de région parisienne, diplômée de l’école de commerce SKEMA, Anissa Bouderraoui est arrivée à New York il y a un peu plus de dix ans. Frustrée par la lenteur d’évolution de carrière dans l’Hexagone, la jeune femme a traversé l’Atlantique en quête d’une aventure professionnelle plus intense et stimulante. Placée sous le signe du mérite et non du plafond de verre. C’est sa propre maternité qui lui a donné l’impulsion entrepreneuriale. Au pays des possibles, et en pleine pandémie, Anissa Bouderraoui a ouvert Bilingual Bébé, une école maternelle bilingue en ligne, à New York. Portrait de cette femme leader.
Originaire des Yvelines, un bac scientifique en poche, la brillante Anissa Bouderraoui est acceptée en classe préparatoire HEC, puis à la très courtisée SKEMA business school. Elle commence sa carrière dans le contrôle de gestion. D’abord chez Habitat, la célèbre et chic enseigne française de meubles design puis, chez Orangina Schweppes. Ces cinq années de vie professionnelle lui font prendre conscience de la lenteur d’évolution de carrière à laquelle elle va être confrontée en France. Être une femme en entreprise n’est pas non plus chose aisée. Le fameux plafond de verre... Aventurière, volontaire, passionnée, elle décide de choisir un monde professionnel qui lui semble meilleur. Basé sur le mérite et non sur de savants tableaux propres aux Ressources Humaines en France. « J’avais envie de dynamisme et j’avais aussi très envie de venir aux États-Unis. Je voulais venir ici faire de grandes choses » explique la jeune femme. Et de rajouter « je suis arrivée à New York en 2010, avec un visa J1 et un stage ». Cadre en France, elle accepte un retour en arrière tant de statut que de salaire. Au pays du rêve américain, il faut savoir commencer en bas de l ‘échelle. « Je me suis donnée six mois pour trouver autre chose » explique Anissa. Pari tenu !
Très vite, elle met un pied dans le monde start up « j’ai été fascinée par la culture et le dynamisme de cette industrie. On y apprécie les différences et on « think outside the box ». La jeune femme est comme un poisson dans l’eau, elle vient de décrocher son visa H1B et un poste de contrôleur financier dans une maison de disques. « Ça a été une période très excitante de ma carrière ». L’industrie de la musique est alors en pleine mutation et Anissa se retrouve dans la frénésie de nouveaux projets. Puis elle passe CFO, dans une filiale de l’entreprise qui l’emploie. Au milieu des chiffres, son élément, elle se retrouve à faire de la stratégie, des fusions-acquisitions. Elle accède rapidement à ce qui lui aurait pris encore des années en France, des responsabilités et un spectre très large de son métier. Elle est épanouie dans une entreprise du monde de la culture. Anissa, un pied dans les chiffres, l’autre sur Broadway. « Mon entreprise vendait des produits dérivés de shows de Broadway ».
En 2017, elle donne naissance à son premier enfant. Elle se passionne alors pour l’éducation infantile « j’ai commencé à m’intéresser à l’éducation, à beaucoup lire sur le sujet. J’ai réalisé que les cinq premières années sont une période essentielle pour le développement de l’enfant et j’ai voulu accompagner mon enfant dans ses premières années » explique la jeune maman. Éducation, méthode Montessori, positive parenting... Anissa s’intéresse à tout, cherche le meilleur pour l’épanouissement et l’apprentissage de son enfant. Avec une question centrale pour une maman new-yorkaise : comment donner du temps à son enfant ? Parallèlement, Anissa est confrontée à un autre dilemme, celui d’un parent francophone expatrié : comment faire parler français un enfant qui baigne dans un environnement anglophone ?
À cela, s’ajoute un constat « il y a un manque de daycare de qualité à Brooklyn. Ce qui est frustrant ». Dans une ville peuplée de petites écoles et autres crèches de qualité médiocre — et plus qu’onéreuses — Anissa décide de lancer sa propre école maternelle, bilingue. « Ce qui compte dans l’enseignement, c’est la qualité des professeurs » Aussi décide-t-elle de ne recruter exclusivement que des professeurs francophones diplômés de l’Éducation nationale en France et forts d’une belle expérience d’enseignement.
Quelques jours avant que le Covid ne paralyse New York, en mars dernier, Anissa Bouderraoui allait signer le contrat de location de sa future école maternelle, à Brooklyn. Si le projet de la jeune maman a été stoppé net par la pandémie, sa volonté est restée intacte, sinon affirmée. Avec le confinement et l’enseignement à distance, son projet de maternelle bilingue évolue. Il se transforme et s’adapte à une nouvelle ère. Il faut dire que les mentalités ont épousé, ces derniers mois, le tout en ligne, pour les grands comme pour les petits. Au fur et à mesure des semaines passées, Anissa transforme son projet et l’adapte à cette nouvelle norme online. Et loin des idées reçues, cette dernière fonctionne avec les tous petits. « La sélection des enseignants est plus drastique. Face au challenge de l’éducation en ligne, il faut avoir le talent d’interagir avec les enfants » explique la fondatrice de Bilingual Bébé. Elle le concède, certains enseignants peuvent être de très bons professeurs en classe, mais se révéler de piètres enseignants derrière un écran.
« Il faut perpétuellement capter l’attention des enfants. Être capable d’enseigner en s’amusant, et ce durant 45 minutes ». 45 minutes, le temps d’une cession chez Bilingual Bébé. Plus qu’une école, Bilingual Bébé est un concept novateur qui aide les parents. L’inscription est possible à tout moment de l’année. Un véritable programme d’immersion en français ou un cursus bilingue anglais-français, à la carte, selon l’emploi du temps des petits et des parents. Anissa a tout simplement créer ce qu’elle cherchait en tant que maman exigeante, active et francophone.
« Je ne pense pas que nous allons retourner à la même vie et au même rythme qu’avant le covid, » explique Anissa « cela fait presque un an que nous travaillons tous à la maison, un changement s’est opéré et nous avons besoin de flexibilité ». Travailler de chez soi, apprendre depuis sa chambre, mais aussi pratiquer certaines activités périscolaires depuis son appartement. Certes, les enfants auront toujours besoin d’aller sur un terrain de foot, de basket ou de baseball pour se défouler, pour sociabiliser, pour grandir, mais il est vrai que l’apprentissage d’une langue peut se faire depuis un écran, en interaction avec un professeur. À la condition siné qua non que ce dernier soit talentueux et passionné. Force est de constater que c’est un autre pari brillamment relevé par Anissa Bouderraoui.
Après 10 ans de vie new-yorkaise, Anissa, l’aventurière et la passionnée, est toujours aussi prête à relever des défis dans une ville qui ne se laisse jamais abattre. « Mon rapport à New York est moins naïf que quand je suis arrivée. Mais une chose est toujours-là, malgré la pandémie, New York est une belle pleine d’énergie où la créativité est visible ». Par contre, la maman le concède, « quand on devient parent, on se rend compte de ce que l’on a en France et pas ici »...
Mais qu’importe, Anissa la maman, l’entrepreneure, continue son aventure avec passion, coeur et sourires.
Par Rachel Brunet, rédactrice en chef du Petit Journal New York
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