Le quatrième jeudi du mois de novembre est fêté Thanksgiving aux Etats-Unis. Le 28 novembre 2024 est un nouveau jour “d’action de grâce” qui permet à des millions de foyers américains de se réunir autour d’un chaleureux repas. Pourtant, le temps passe et cette célébration populaire perd de sa superbe. Basé sous le signe de la gratitude et de la reconnaissance, Thanksgiving rappelle une période sombre de l’histoire américaine et est l’occasion d’abus de consommation. La pilule passe mal ? La dinde aussi.
Thanksgiving : la partie émergée de l’iceberg
La face visible : L'histoire de Thanksgiving remonte à 1620, année où un groupe d'Anglais, appelé Père Pèlerins (Pilgrim Fathers), débarque dans la baie de Plymouth (Massachusetts) sur les terres de la tribu des Wampanoags. Leur colonie peine à s'établir et plusieurs membres périssent de maladie. La colonie de Plymouth voit ses chances de survie diminuer jour après jour. Ils trouvent leur salut lors d'une rencontre avec des autochtones de Wampanoags. Ces derniers offrent au groupe de la nourriture, leur apprennent à pêcher, à chasser et à cultiver du maïs.
L’année suivante, pour célébrer les premières récoltes, les Anglais organisent un banquet où sont conviés les membres de la tribu, afin de célébrer l'entente entre les deux peuples et de remercier Dieu de leur avoir permis de survivre. Cette fête est répétée chaque année, évoluant en fonction des périodes. En 1789, le premier Thanksgiving Day est déclaré au niveau national et est décrété par George Washington, le premier président des Etats-Unis. En 1863, il devient un jour férié sous Abraham Lincoln et la genèse coloniale de l’événement s’efface encore plus.
For many Indigenous People Thanksgiving marks genocidal colonization including the ban of sacred plant medicines.
— World Psychedelics Day (@PsychedelicsDay) November 25, 2021
“We Are Not Vanishing. We Are Not Conquered. We Are As Strong As Ever.” A message from the United American Indians of New England
cc: UAINE Fall 2021 Fundraiser pic.twitter.com/G4QYNgU7eE
Ne pas célébrer Thanksgiving car il honore le massacre des Amérindiens
Après plus de 400 ans, ce mythe fondateur des Etats-Unis a acquis une mauvaise réputation. L'événement est historique et pourtant, son récit est chaque année contesté par des peuples indigènes amérindiens. Depuis 1970, l’organisation United American Indians of New England (UAINE) crie sa colère contre Thanksgiving, lors d’une « journée nationale du deuil » au pied de la statue du chef Massasoit qui trône sur la colline de Plymouth.
La face cachée, celle qui n’est pas enseignée à l’école : les Wampanoags ont accueilli et sauvé les pèlerins de la famine. En échange de leur gentillesse, ils ont subi peu à peu une invasion silencieuse de leurs terres par les colons anglais ainsi que plusieurs conflits armés.
Les historiens s’accordent à dire qu’après quelques années de paix, un premier conflit oppose de 1636 à 1637 des colons anglais à des Amérindiens Pequots, avant que la « guerre du Roi Philip » en 1675-76 décime une partie des Wampanoags. Par la suite, le développement des colonies européennes inaugure une lutte des territoires qui va s’étendre sur trois siècles, jusqu’à ce que les Indiens soient soumis et conquis.
Malgré ce contexte, durant des siècles et aujourd’hui encore, des Amérindiens célèbrent Thanksgiving avec la même intensité et les mêmes traditions que n’importe quel Américain. Sean Sherman, un chef cuisinier sioux et spécialiste en cuisine indigène, avait échangé au Time en 2019 son impression sur Thanksgiving. Il racontait que depuis le décès de ses grands-parents, son point de vue sur Thanksgiving avait changé et parlé d'un “sentiment d'amertume face à l'histoire réelle” de la célébration. Pour fêter Thanksgiving, il évoquait plutôt l’importance d’utiliser des produits locaux, ceux “poussant naturellement sur une terre initialement amérindienne”. Un geste éco-responsable qui permettrait de rendre hommage aux cultivateurs amérindiens.
Ne pas célébrer Thanksgiving car le dîner pollue
Thanksgiving ne rime pas avec régime. Située entre les caries d’Halloween et la calorie de Noël, cette tradition se déroule autour d’un repas très (trop) copieux et il n’y a pas que l’estomac qui en prend pour son grade. Il est venu le moment d’évoquer un certain gallinacé…
À Thanksgiving, chaque année, ce sont 46 millions de dinde d’environ 7 kilos qui sont abattues et consommées dans tout le pays. En plus de la maltraitance animalière qui est à son paroxysme pour fêter une soirée dans l’année, cuire la bête morte est très énergivore.
Pour ingérer la dinde de 7 kilos, il faut la faire rôtir au four un peu moins de 4h à 180°C avant de la déguster… Avec une puissance moyenne d’un four de 3.000 watts, la cuisson d’une dinde demandera une énergie d’environ 38 mégajoules (MJ). Si toutes les dindes étaient cuites en même temps - les Etats-Unis possèdent quatre fuseaux horaires différents - la puissance requise serait de 138 GW, une puissance supérieure à celle de l’ensemble du parc nucléaire américain (96 GW).
Malgré tout, ce ne sont pas la dinde, sa sauce aux canneberges et toute la nourriture qui polluent le plus lors de cette fête. Pour faire un repas, il faut des personnes réunies autour d’une table. Et plus particulièrement sa famille et ses proches qui doivent parfois traverser tout le pays pour prendre part à une nouvelle édition de Thanksgiving. Et l’empreinte carbone de ce chassé-croisé à l’échelle d’un continent est monumental.
Des chercheurs de l’Université de Carnegie Mellon, en Pennsylvanie, ont déterminé que le voyage en avion de quatre personnes sur 600 miles - soit 1.000 kilomètres produisait dix fois plus d'émissions que le repas très énergivore de Thanksgiving. Après cette lecture - si vous tenez encore à célébrer l’événement - préférez des aliments locaux pour votre repas et organisez des regroupements avec votre famille proche géographiquement. La planète vous en remerciera.
Ne pas célébrer Thanksgiving car la fête incite à consommer
Cela ne s’entend pas au son mais le Black Friday rime bien avec surconsommation. En voilà un scoop ! Initié depuis les années 1950 aux Etats-Unis, le Vendredi Noir a traversé l’Atlantique. À un mois de Noël, les enseignes sont censées “casser” leur prix pour permettre aux consommateurs de faire des économies. D’année en année, le Black Friday est hautement critiqué, notamment par les associations écologistes pour la démarche anti-éthique qui s’accompagne de l’événement. En 2016, en France, l’Union fédérale des consommateurs Que Choisir avait même publié une étude révélant que les réductions effectives sur chaque article est inférieure à 2 %, soit extrêmement dérisoires par rapport aux tarifs pratiqués les semaines qui précèdent le Black Friday.
Mais pourquoi associer le Black Friday au Jour de l’Action de grâce… car il tient son origine à Thanksgiving. Aux Etats-Unis, le lendemain de Thanksgiving est un jour férié qui lance le top départ des fêtes de fin d’année. Aussitôt la tarte aux noix de pécans digérée, les Américains profitent de ce jour pour se ruer dans les magasins. Désormais, le Black Friday s’étend sur une semaine, celle de Thanksgiving. Avant de donner, il faut d’abord acheter.