C’est en 1977 que les Nations-Unies reconnaissent officiellement le 8 mars comme la Journée internationale du droit des femmes. Depuis quatre ans, Le Petit Journal New York étend cette journée dédiée aux femmes et aux droits de la femme sur tout le mois de mars. Cette année, notre nouvelle édition floridienne se joint à nous.
Ainsi, durant ce mois de mars 2022, de nombreuses femmes francophones de New York, de Floride et plus largement des États-Unis sont mises à l’honneur dans nos colonnes, avec le soutien du cabinet d’expertise comptable Orbiss, cofondé par une femme, Laurence Ruiz.
Nous partons à la rencontre d’Anne-Sophie Gueguen. Installée aux États-Unis depuis 23 ans, elle est la fondatrice et la cheffe d’établissement de la French American Academy, école bilingue du New Jersey. Portrait d’une femme qui a décidé de se vouer au bilinguisme à la naissance de son quatrième enfant.
Anne-Sophie Gueguen et la ministre Elisabeth Moreno
De l’Éthiopie aux États-Unis
Anne-Sophie Gueguen est née à Paris où elle grandit et poursuit ses études supérieures. Elle commence une carrière dans la communication corporate chez Usinor Sacilor, où elle rencontre Yves-Thibault de Silguy qui deviendra Commissaire européen à la monnaie unique. À ses côtés, plus tard, elle « représente la Commission européenne au sein du bureau de Paris. J’étais le lien avec les instances financières pour commencer à préparer les esprits financiers et le grand public sur l’euro », explique-t-elle.
Mais entre ces deux expériences professionnelles riches et intenses, il y a un moment déterminant dans la vie d’Anne-Sophie qui ne porte pas encore le patronyme Gueguen. C’est au cours d’un voyage en Éthiopie, en 1994, où elle rejoint celui qui n’était qu’un ami — et qui allait devenir son mari, et plus tard son associé — que la vie de la jeune femme connaît un événement qui va la souder à jamais à Jean-François Gueguen. À la nuit tombée, en plein coeur de la brousse, le duo a un accident de voiture dans lequel Anne-Sophie frôle la mort, « sa main me retenait à la vie, Jean-François est resté à mon chevet nuit et jour, cet événement nous a soudé à tout jamais. Nous avons sur notre chemin, des éléments et des histoires dont nous ne comprenons pas la signification, mais qui ont du sens plus tard ». Quelques semaines après, les deux jeunes gens se mettent en couple et Anne-Sophie Gueguen vit sa première expatriation. Elle reprend le chemin de l’Ethiopie où elle a failli trouver la mort, mais c’est finalement l’amour qui l’y ramène. Là, elle se forge une première expérience dans l’éducation. Elle enseigne en école primaire « ce qui a été très utile quand j’ai voulu créer la French American Academy ».
De retour en France, elle travaille à la Commission européenne pendant quelques années puis, suit son mari aux États-Unis, « ce qui n’a pas été simple pour moi parce que le poste que j’occupais était tant majeur pour moi qu’enthousiasmant » explique Anne-Sophie Gueguen. « Nous sommes partis en Floride avec notre premier enfant qui avait 18 mois, et c’est là que sont nés notre deuxième et notre troisième enfant ». Puis la carrière de son mari les amène dans le New Jersey. « La naissance de notre quatrième enfant n’était pas au programme, mais elle fut la lumière et la raison de ma nouvelle aventure professionnelle. C’est à l’annonce de son arrivée que j’ai décidé d’ouvrir une école. Les trois aînés étaient en école américaine et le niveau de français baissait. Nous avons beau être des parents français, ce n’est pas suffisant pour transmettre un bon niveau de la langue. Et puis, il y avait des éléments dans l’éducation américaine qui me heurtaient » précise-t-elle.
En novembre 2006, le projet est lancé, « je voulais dès le départ une école bilingue, ce qui n’était pas la tendance à l’époque. C’est la comparaison et le lien entre les deux cultures, les deux pédagogies qui allaient en être la force » détaille-t-elle. Le 14 juillet 2007, Anne-Sophie Gueguen ouvre un programme d’after-school, et l’année suivante, la maternelle. « Et à partir de là, chaque année, j’ai ouvert une classe supplémentaire. L’objectif était toujours d’être dans le bilinguisme, d’aller jusqu’à la classe de 4e. Le bilinguisme est une longue aventure, les enfants apprennent vite, mais oublient aussi très vite ».
En 2011, son mari la rejoint et prend en charge la partie financière et business de l’école, permettant à Anne-Sophie de se consacrer à la pédagogie, son cheval de bataille. « Est-ce que c’est facile, au début, de travailler avec son mari ? », plaisante Anne-Sophie, « la réponse est non, mais nous avons passé le cap, et aujourd’hui tout fonctionne plutôt efficacement et harmonieusement. » Le premier campus de French American Academy voit le jour, en 2007 dans le Bergen County, pour des raisons géographiques. Puis en 2012, la French American Academy ouvre un second campus à Jersey City, à la demande de familles françaises. « Aujourd’hui, nous sommes encore sur d’autres projets de développement. Jean-François s’attache à développer notre programme de franchises qui est un modèle de pédagogie spécifique sur le bilinguisme. De mon côté, je m’attache à travailler sur un centre de formation. Le Covid a aidé à nourrir et mûrir ces projets. » Avec un peu moins de 300 élèves et un staff de 70 personnes dont un peu plus de 50 enseignants, la French American Academy ouvre à la rentrée de septembre 2022 un nouveau campus à Hoboken.
« Je voulais une école qui soit dans l’inclusion. Nous avons des programmes d’aides pour les familles. Nous avons le Gouvernement français qui nous aide terriblement, c’est le seul Gouvernement au monde qui aide autant les écoles et les familles à l’étranger à conserver leur culture et leurs racines à travers la langue française, » explique la cheffe d’établissement. Mais si la langue française est chère au coeur d’Anne-Sophie Gueguen et au coeur de l’enseignement dispensé dans son école, les deux langues — française et anglaise — sont équivalentes. « Je voulais être dans ce monde de comparaison où la langue française et la langue anglaise ont le même statut, il n’y en pas une qui est plus importante que l’autre, il n’y a pas un devoir plus important que l’autre. Il faut aussi apprendre aux enseignants à travailler ensemble, pour qu’ils soient des modèles auprès des élèves, et leur apportent un modèle de pensée. »
Enseigner l’égalité dès le plus jeune âge
« Il y a quatre éléments importants pour arriver à une équité et une inclusion sur tous les domaines, » explique Anne-Sophie Gueguen, « c’est un travail sur les émotions, sur les biais et les stéréotypes, sur l’identité et sur le pouvoir. Savoir mettre des mots sur ces domaines n’est pas simple, ni pour les enfants ni pour les adultes. Nous travaillons avec un consultant pour explorer la pensée que la diversité ne vise pas que les minorités, mais accepter que nous sommes tous différents. » Un travail intellectuel, de prise de conscience qui passe d’abord par les enseignants pour qu’ils puissent le retransmettre aux élèves. Dès le début de l’aventure, la French American Academy s’assure de la diversité, jusqu’aux poupées qui reflètent alors toutes les identités des élèves.
« J’ai eu l’occasion de rencontrer Elisabeth Moreno lors de sa visite à New York, il y a quelques jours, c’est une femme pimpante, vive, passionnée par ce qu’elle défend et c’est ce que nous voulons que les filles deviennent, des femmes qui poussent les limites ‘the sky is the limit’ ». La société contemporaine est toujours empreinte de préjugés. Un exemple souvent vécu par Anne-Sophie Gueguen « lorsque nous entrons dans une assemblée avec mon mari, bien que je sois la cheffe d’établissement et la fondatrice de l’école, les gens se tournent toujours vers mon mari. Il y a un travail énorme qu’il faut continuer d’accomplir. Il n’y a pas de fatalités, il n’y a pas de chemin déjà tracé » se réjouit Anne-Sophie Gueguen.
Une femme passionnée, qui a à coeur l’enseignement, le bilinguisme, la volonté de faire la balance du meilleur entre les deux éducations, française et américaine. La soif de transmission. « Je n’ai jamais vu la French American Academy comme un travail, mais comme une passion, c’est ce qui me fait me lever le matin avec le sourire, » conclut la fondatrice de la French American Academy.
Par Rachel Brunet
Pour en découvrir davantage sur The French American Academy
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