Partir à la conquête de l’écosystème tech new-yorkais peut être un véritable défi pour les entrepreneurs français. Expatriée depuis 20 ans aux Etats-Unis, Caroline Faucher-Winter est actuellement co-présidente de la French Tech de New York. Dotée d’un intense parcours professionnel, elle accompagne les starts-ups françaises qui souhaitent s’implanter sur le sol américain.
La French Tech de New York rassemble une importante communauté d’entrepreneurs français, pour la plupart expatriés de longue date aux États-Unis. Mais au-delà de cela, elle est aussi le point de rencontre des Français dans la technologie et de la communauté tech locale. Véritable « productrice de licornes », comme elle aime appeler la French Tech, Caroline Faucher-Winter partage son expérience professionnelle et personnelle et offre un précieux aperçu de la diversité et de la qualité des projets entrepreneuriaux français dans le monde de la tech américaine.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel ?
J’ai débuté dans le domaine de la communication après avoir terminé des études en sciences à Paris, qui ne me plaisaient pas vraiment. À l’époque, je travaillais notamment pour les laboratoires FORMA. Le monde des start-ups et de la technologie s’est dévoilé à moi lorsque qu’à l’aube de 2010, j’intègre l’équipe de Tocamek, à une époque où les réseaux sociaux et internet sont en pleine émergence. En 2005, je suis partie vivre à Washington avec mon mari entrepreneur tech et mon bébé. Malgré mon manque de maîtrise de l’anglais, j’ai rapidement trouvé ma place dans le milieu professionnel américain - même s’il ne s’agissait pas de communication au début. J’ai commencé par travailler pour la Commission européenne ainsi que pour la banque européenne. Par la suite, je suis retournée à mes premiers amours professionnels en travaillant pour des entreprises américaines cherchant à s’établir en France. Mon parcours a pris une nouvelle direction lorsque j’ai été embauchée par Business France en tant que responsable de l’image économique de la France, ce qui m’a permis de m’impliquer activement dans la French Tech dès sa création, en 2015.
En parallèle à la French Tech de New York, je gère également une communauté d’entrepreneurs basés aux États-Unis ou investissant sur le sol américain, au sein de la start-up Six Heures, dont je suis la fondatrice. En 2022, je commence aussi à travailler avec l’agence de communication Kalamari, qui me permet de répondre aux besoins des entreprises technologiques sur les deux continents. Mon objectif principal est de promouvoir le développement des start-ups sur le sol américain.
Les États-Unis sont la première puissance économique du monde, et 50 % des entrepreneurs français qui pensent à l’international vont le faire par les États-Unis.
En tant que co-présidente de la French Tech New York, quelles sont vos principales responsabilités et objectifs ?
En tant que co-présidente de la French Tech New York depuis janvier 2021, mes responsabilités principales, partagées avec Nicolas Girard, impliquent la supervision et la coordination des activités de notre organisation. Ma nomination à ce poste a été validée par Maëlle Gavet, CEO de Techstars, ce qui est pour moi une profonde fierté.
La French Tech à New York rassemble une communauté d’environ 300 entrepreneurs français. À l’exception de Benjamin Fabre, fondateur de Datadome, ces membres sont des résidents aux États-Unis depuis depuis 15 à 20 ans et ont peu de liens avec la France. Ce constat est d’ailleurs très intéressant : il met en lumière la particularité des communautés French Tech aux États-Unis, où une importante population d’entrepreneurs, chercheurs et ingénieurs français s’est expatriée il y a plusieurs années. À l’époque, l’écosystème professionnel en France ne favorise pas leur épanouissement. Beaucoup ont donc choisi de s’installer aux États-Unis, où ils sont restés. Aujourd’hui, après avoir fondé avec succès de nombreuses entreprises, ils ressentent le désir de contribuer à la France. Ce sentiment de « giveback » s’est amplifié avec la création de la French Tech, les incitant à réaliser qu’ils ont beaucoup à offrir à l’entreprenariat français.
Les États-Unis offrent-ils davantage d'opportunités aux jeunes entrepreneurs que la France ?
Aux États-Unis, il est rare d’entendre des gens dire « ce n’est pas possible, ne le fais pas, tu n’y arriveras pas ». La propension à prendre des risques est plus marquée dans la mentalité française, il est vrai. Cependant, je pense que cela dépend principalement de qui vous rencontrez, du produit que vous proposez et de sa pertinence par rapport aux besoins du marché américain ou français, par exemple. Les obstacles peuvent également provenir du fait que le projet n’a pas été présenté aux bons investisseurs ; en réalité, de nombreux facteurs entrent en jeu.
Aux États-Unis, seulement 2 % des start-ups tech sont fondées par des femmes.
Quels sont les défis que vous avez rencontrés en tant que femme évoluant dans le domaine de la technologie et de l'innovation, tant aux États-Unis qu'en France ?
Il est encore difficile d’évoluer dans l’entreprenariat quand on est une femme, d’autant plus quand il s’agit de technologie. Aux États-Unis, seulement 2 % des start-ups tech sont fondées par des femmes - un chiffre qui reste relativement similaire à l’échelle internationale. Ces 2 % se traduisent par seulement 1 % des capitaux investis : ce qui signifie qu’en tant que femme, vous avez potentiellement la moitié moins de financement disponible sur le marché par rapport à un homme. Ces statistiques stagnent depuis 2015, ce qui témoigne des obstacles persistants pour les femmes dans ce secteur. Malgré les initiatives et les mouvements visant à changer les choses, les fonds d’investissement restent largement dirigés par des hommes. Je pense sincèrement que de moins en moins de femmes osent se lancer dans l’entrepreneuriat, surtout dans des domaines comme la technologie, en raison de ces disparités qui rendent ces secteurs moins attrayants pour elles.
Il existe une relation historique et économique entre la France et les États-Unis.
Comment percevez-vous le paysage actuel de la French Tech à New York et quelles sont ses perspectives d'avenir ?
Il existe une relation historique et économique entre la France et les États-Unis. Peu importe les changements politiques de part et d’autre, ces relations économiques demeurent stables depuis des années. Les États-Unis restent un lieu attractif pour les start-ups, et l’image des Français s’est considérablement améliorée. Avec l’arrivée de nombreuses entreprises et start-ups sur le sol américain, la qualité des projets et la préparation des entrepreneurs pour faire face aux investisseurs et aux partenaires commerciaux américains ont nettement augmenté. Cette évolution représente un changement significatif par rapport aux dernières années. La France commence également à gagner en visibilité sur la scène internationale, ce qui n’était pas toujours le cas par le passé.
Aux États-Unis, des centaines de milliers de start-ups voient le jour chaque année, et le nombre de « licornes » issues de la Silicon Valley de New York est impressionnant. En comparaison, la France compte une trentaine de licornes. Ce que je remarque avec la French Tech, c’est que trop souvent, la principale motivation des entrepreneurs français est de se faire racheter, une approche qui contraste avec la mentalité américaine axée sur la croissance et l’expansion à long terme.
Quelles sont, selon vous, les « clefs du succès » pour les entrepreneurs français souhaitant s'implanter et réussir dans l'écosystème tech de New York ?
Je ne prétends pas détenir les clefs du succès, mais en me basant sur ma propre expérience, notamment en tant que conjointe d’un entrepreneur, je dirais qu’il est essentiel de bien préparer son expatriation. Lorsque vous partez en famille, il est crucial que chacun soit impliqué dans le projet, que les règles soient claires et que tous les membres de la famille soient alignés. J’ai observé de nombreux couples rencontrer des difficultés parce que le rythme de développement sur le marché américain est très différent de celui de Paris, ce qui peut provoquer des tensions à la maison et nuire à la progression du projet.
Ensuite, d’un point de vue professionnel, je soulignerais l’importance de l’expression « Know before you go » - comme les panneaux dans les rues des États-Unis. Il faut comprendre ce dans quoi vous vous engagez. Avant de vous rendre aux États-Unis, de rencontrer des investisseurs et d’élaborer votre stratégie marketing, il est essentiel de vous renseigner sur des aspects tels que la fiscalité, la composition du conseil d’administration, la communication ou le marketing. Cette préparation préalable permet d’éviter de devoir tout modifier par la suite, ce qui peut entraîner une perte de temps, d’énergie et d’argent. Il est donc conseillé de consulter des avocats, des professionnels et des experts-comptables le plus tôt possible.
