Dans un écosystème américain complexe, Polina Bogdanovitch, Directrice Générale de la French-American Chamber of Commerce (FACC) à New York, relève le défi de diriger une équipe réduite tout en servant une communauté de 750 membres, sans soutien public. Elle affirme : « Notre véritable force réside dans notre équipe, et notre mission est de créer des connexions significatives entre les entreprises françaises et américaines. » À l'approche des 130 ans de la FACC, Polina s'engage à renforcer les relations bilatérales, à promouvoir la diversité et à faciliter l'intégration des talents franco-américains.


Quels sont les défis aujourd’hui pour vous dans votre rôle de Directrice Générale de la FACC ?
La French-American Chamber of Commerce est une petite structure qui, bien qu'assez importante pour ce type d’organisation, n’a que 16 employés. Nous sommes entièrement autofinancés, sans aucun soutien public, ce qui signifie que nous dépendons entièrement de nos propres services pour fonctionner.
Au cours des dernières années, nous avons évolué dans un contexte économique très volatile, marqué par une augmentation constante des coûts. Cela représente un défi permanent pour nous. Notre principal objectif est de continuer à grandir tout en répondant au mieux aux besoins de notre communauté. Cependant, nous sommes confrontés à des ressources de plus en plus limitées.

Il est également essentiel pour nous de maintenir une bonne rémunération de notre équipe, car elle constitue notre véritable force. Nous nous efforçons de conserver nos talents et d'apporter une qualité toujours plus visible à nos membres et à nos clients, malgré nos limitations de ressources.
Un autre défi est le manque de clarté concernant notre mission et notre rôle, surtout dans un environnement où de nombreux acteurs, tant privés que publics, interviennent. Nous collaborons étroitement avec Business France et d'autres partenaires de la Team France pour promouvoir notre place dans l'écosystème, clarifier les rôles de chacun et renforcer nos synergies.
La valeur ajoutée de la chambre est bien reconnue dans la communauté locale à New York. En revanche, en France, nous n'avons pas de salariés ni de bureaux de représentation, ce qui entraîne une certaine incompréhension sur nos fonctions. Les personnes ne savent pas toujours à qui s'adresser pour des questions spécifiques et ne réalisent pas que nous sommes un acteur privé.
Notre première mission est de favoriser la connexion entre entreprises et professionnels français et américains
Quelles sont les missions de la French American Chamber of Commerce dans le contexte actuel des relations franco-américaines ?
Il est important de préciser que nous ne sommes pas une organisation de lobbying. Nous souhaitons créer un environnement constructif où les professionnels et entreprises françaises et américaines peuvent se rencontrer et échanger librement sur des problématiques commerciales. Nos échanges sont orientés vers le partage d'idées et d'expériences, et nous opérons sans aucune dimension politique, dans un esprit d'ouverture et de coopération.
Notre première mission est de favoriser la connexion entre entreprises et professionnels français et américains. La deuxième partie de notre rôle consiste à fournir des informations fiables. Actuellement, il y a une surabondance d’informations, parfois contradictoires, provenant d'annonces faites par des autorités publiques françaises ou américaines. Il est donc essentiel pour nous d'aider notre communauté à y voir plus clair et à rester informée de manière objective.
Nous avons la chance de compter au sein de notre réseau de nombreux experts et dirigeants qui peuvent partager leurs analyses sur des sujets clés. Cette année, nous avons notamment réalisé de nombreuses analyses sur des thèmes comme les politiques commerciales, les tarifs douaniers et l'immigration. Ces sujets évoluent souvent rapidement, et nous transmettons ces informations à travers divers événements et articles destinés à notre communauté.
En somme, nous nous positionnons comme un lieu d'information, de dialogue et d'échange où Français et Américains peuvent bâtir des relations, au-delà des clivages politiques.

Comment se coordonnent les différentes FACC aux Etats-Unis ?
Il est important de rappeler l'historique de notre réseau, qui a été établi à New York il y a presque 130 ans. Jusqu'aux années 1980, New York a véritablement servi de siège et de point central pour l'ensemble du réseau national, avec des filiales opérant dans diverses régions. Au fil du temps, les communautés d'affaires locales, que ce soit à Miami, Chicago, San Francisco ou au Texas, se sont considérablement développées. Il est donc devenu logique que chaque région dispose de sa propre chambre autonome, dédiée au service de sa communauté locale, ce qui reste la vocation première d'une chambre de commerce.
Aujourd'hui, notre réseau se compose de 17 chapitres indépendants à travers le pays. Bien qu'ils soient autonomes, ils sont coordonnés par un conseil national qui veille à la cohérence des bonnes pratiques, à l'éthique et à la protection de l'image de notre marque commune.
Chaque chambre a ses spécificités, notamment en termes de secteur d'activité. Par exemple, New York ne couvre presque pas les secteurs industriels et énergétiques, car ces entreprises ne sont pas fortement représentées localement, contrairement au Texas. À l'inverse, le luxe, qui est propre à New York, ne sera pas nécessairement représenté dans des chambres comme celle de Boston.
Nous avons des échanges réguliers, souvent quotidiens, avec les différentes chambres. Une fois par an, nous tenons une réunion nationale en octobre, réunissant l'ensemble du réseau FACC. Nous nous rencontrons également à Paris au moins une fois par an pour la reunion mondiale CCIFI.
Notre collaboration repose sur l'échange de bonnes pratiques, ainsi que sur la recommandation mutuelle de membres ou de clients disposant de bureaux dans plusieurs villes du pays.
De plus, nous offrons des avantages concrets aux adhérents qui se déplacent dans d'autres territoires. Par exemple, un membre de la chambre de San Francisco ayant un séjour d'une semaine à New York bénéficiera d'un accompagnement privilégié sans avoir besoin d'être membre chez nous, en profitant de mises en relation et d'accès à nos événements.
L'intérêt des entreprises françaises sur le marché américain demeure fort
Avez-vous constaté une approche différente des entreprises françaises aux Etats-Unis depuis les différentes mesures prises par l’administration Trump ?
Il est difficile de se prononcer sur la situation actuelle, car je pense qu'il est encore trop tôt pour le savoir. Les entreprises restent généralement très discrètes concernant leurs changements stratégiques, notamment par rapport à leurs concurrents.
Néanmoins, nous constatons une réflexion accrue sur les chaînes d'approvisionnement. La question des tarifs douaniers et l'augmentation des droits de douane préoccupent de nombreuses entreprises. Elles se demandent si elles devraient commencer à produire localement, importer ou délocaliser depuis des pays comme la Chine vers le Mexique. Il est donc trop tôt pour identifier de véritables tendances structurantes.
Cela dit, l'intérêt des entreprises françaises sur le marché américain demeure fort. Nous évoluons dans un environnement très pro-business, riche en opportunités. Pour une entreprise bien préparée, qui a défini sa stratégie commerciale et identifié des opportunités de marché, les perspectives sont prometteuses.
Les entreprises ayant les ressources financières adéquates, ainsi qu'une stratégie d'immigration bien établie pour leurs ressources humaines, peuvent trouver de nombreuses opportunités intéressantes.

Quelle impulsion donnez-vous à la FACC pour qu’elle continue à se développer ?
La chambre de commerce fêtera ses 130 ans en 2026, un héritage que je considère comme très précieux. Je suis déterminé à continuer à faire vivre cet héritage qu'est la FACC tout en évoluant avec les besoins de notre communauté.
Cela fait maintenant cinq ans que je suis au sein de la chambre, dont trois ans à la direction générale. Je suis très fière de la diversification et de la modernisation que nous avons réalisées au cours de ces dernières années, en collaboration avec notre équipe.
Mon ambition est que la FACC soit un lieu où chaque professionnel et chaque entreprise de la communauté franco-américaine puisse trouver sa place. Nous voulons vraiment servir la communauté dans toute sa diversité, qu'il s'agisse de Français, d'Américains, de grandes entreprises ou de startups, dans tous les secteurs représentés localement et à tous les niveaux de carrière.
Il existe de nombreuses communautés actives pour les dirigeants, les responsables RH, les fondateurs, mais il n'y avait pas de lieu qui rassemble l’ensemble de la communauté business franco-américaine. C'est cet objectif que nous visons à développer.
Nous mettons un point d'honneur à promouvoir la représentation et la diversité à tous les niveaux. Au sein de notre équipe, la répartition est presque égale entre Français et Américains, ce qui enrichit nos perspectives grâce à des parcours et des niveaux de séniorité variés.
Concernant notre conseil d'administration, renouvelé tous les deux ans, nous comptons 25 membres. Il est crucial pour moi et mon président d'avoir une représentation équilibrée des entreprises françaises et américaines, qu'il s'agisse de PME ou de grands groupes. Actuellement, nous tendons vers la parité, avec 40 % de femmes sur le conseil, ce dont nous sommes fiers, surtout comparé à la situation d'il y a dix ou vingt ans.
Nous appliquons la même logique à nos comités sectoriels, qui sont au nombre de huit. Ces comités nous aident à construire nos programmes et nos événements dans des secteurs spécifiques, qu'il s'agisse du luxe ou de la finance. Avoir différentes perspectives et une diversité de profils est essentiel.
Le défi qui en découle est de continuer à proposer des opportunités et des actions pertinentes pour tous, que ce soit pour de jeunes professionnels, des dirigeants, ou des entreprises issues de divers secteurs comme l'agroalimentaire, le luxe, la banque ou le conseil. C'est pourquoi notre agenda est si chargé ; nous avons d'ailleurs prévu de clore l'année avec 35 événements.

Quels seront justement les grands rendez-vous de la FACC en 2026 ?
Nous sommes encore en cours de préparation pour nos événements à venir, et je n'ai pas de date précise à annoncer pour le moment. Cependant, nous avons plusieurs initiatives en projet, dont un événement phare pour célébrer nos 130 ans. Cet événement sera organisé en partenariat avec nos adhérents et nos partenaires institutionnels locaux. Notre programmation évolue chaque année en fonction des problématiques et des besoins de nos membres, ainsi que des sujets économiques et politiques d'actualité.
Parmi nos temps forts annuels, nous avons prévu une soirée du Nouvel An le 22 janvier, ainsi qu'un événement majeur dans le Food and Beverage intitulé "Germinators" qui aura lieu à la fin juin. Nous organiserons également une soirée de rentrée, que nous appelons le "summer social", à la fin de l'été. Enfin, nous avons prévu notre gala annuel, qui se tiendra en novembre.

Pouvez-vous nous parler de l’action de la Fondation FACC ?
La fondation a été créée il y a 13 ans avec pour mission de soutenir la mobilité internationale des jeunes talents entre la France et les États-Unis. Chaque année, nous finançons des bourses universitaires de niveau Master ou MBA pour des étudiants français souhaitant poursuivre des études supérieures aux États-Unis, ainsi que pour des étudiants américains souhaitant étudier en France, principalement dans de grandes écoles.
Ces bourses, appelées "Serge Bellanger Scholarships", sont nommées en hommage à Serge Bellanger, un ancien président qui a longtemps siégé à la chambre de commerce. Elles représentent un soutien financier et un symbole fort de notre engagement en faveur de l'éducation, de la diversité, de l'échange culturel et du développement des futurs leaders. Les lauréats deviennent ainsi des ambassadeurs des relations économiques franco-américaines.
Depuis sa création, la fondation a attribué des bourses à plus de 120 lauréats, leur permettant de réaliser des projets académiques et professionnels à l'international, avec plus d'un million de dollars répartis. Cela revêt une importance particulière dans le contexte actuel, où la mobilité des étudiants est confrontée à de nombreux obstacles, tant au niveau politique que sur les questions d’immigration, ainsi qu'à l'augmentation du coût des études supérieures.
Il est à noter que la fondation est une entité distincte de la chambre de commerce et est entièrement financée grâce à la générosité de nos donateurs, dont beaucoup sont des membres de la chambre. Nous levons des fonds principalement par le biais de notre gala annuel, qui a eu lieu récemment. Cet événement rassemble tous nos partenaires institutionnels locaux, tels que le consulat, Business France, l'ambassade, et bien sûr, les principaux acteurs économiques.
Concernant les anciens lauréats, il a été primordial de faire un suivi sur leur parcours afin de voir ce qu'ils deviennent. Nous avons développé une série d'articles, intitulée "Laureate Lens", pour mettre en avant ces parcours et partager leurs expériences. Beaucoup d'entre eux sont restés connectés à notre communauté. Les lauréats sont souvent intégrés dans de grands groupes, qu'ils soient français aux États-Unis ou américains en France, et ils se répartissent sur l'ensemble du territoire américain, pas uniquement à New York.
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