Alors que les témoignages de familles contraintes de quitter le Québec se multiplient dans les médias locaux, les élus français et consulaires intensifient leurs démarches pour obtenir des ajustements au nouveau Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ). Entre incompréhension, inquiétude et mobilisation, le dossier reste explosif.


Des parcours de vie brutalement fragilisés
Depuis plusieurs semaines, les récits se succèdent et dessinent une même réalité : celle de familles installées de longue date, désormais plongées dans une incertitude totale. Le Journal de Montréal relate l'histoire d'une pharmacienne française et sa famille, parfaitement intégrées, qui ont ainsi vu leur avenir basculer du jour au lendemain, malgré des années de travail et d’ancrage au Québec. Même situation pour une famille brésilienne, dont le départ forcé a été relayé par les médias anglophones.
Ces histoires ne sont pas des cas isolés. Elles illustrent l’impact humain de la suppression du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), longtemps perçu comme une voie claire et prévisible vers la résidence permanente. Comme le reconnaît Québec lui-même, l’abandon du PEQ entraîne des « impacts multiples », tant sur les personnes concernées que sur certains secteurs économiques déjà en tension.
Sur le terrain, les élus prennent le pouls de la colère
Face à cette montée de l’inquiétude, le député Christopher Weissberg et les élus consulaires ont engagé une série de rencontres à Montréal et à Québec. Près de cent Français à Montréal, puis une quarantaine à Québec, ont pu témoigner de leurs parcours, de leurs efforts d’intégration et de leur incompréhension face aux nouvelles règles.
« Derrière chaque dossier, il y a une famille, un emploi, un projet de vie », résume un participant. Tous pointent les mêmes failles du PSTQ : manque de lisibilité, difficulté à se projeter, sentiment que les règles changent en cours de route. Autant d’éléments qui nourrissent un profond sentiment d’insécurité.
Le PSTQ - Programme de sélection des travailleurs qualifiés - est le programme qui remplace le PEQ. De nombreuses zones d’ombres existent et les premières simulations faites par les personnes concernées montrent qu’il semble très difficile de se qualifier pour ce programme.
Des échanges avec le gouvernement, sans lever toutes les zones d’ombre
Ces remontées de terrain ont conduit à une rencontre lundi dernier entre le député Christopher Weissberg et le cabinet du ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge. Le gouvernement a tenu à préciser que le PSTQ ne fonctionne pas comme un tirage au sort généralisé et qu’il est appelé à « monter en puissance » pour atteindre, à terme, 25 000 admissions par an
Autre clarification importante : le baccalauréat français donne droit au maximum de points en matière de langue, sans test supplémentaire. Des ajustements pourraient également intervenir pour les personnes établies hors de la Communauté métropolitaine de Montréal. Des annonces jugées utiles, mais encore insuffisantes pour rassurer les personnes déjà engagées dans un parcours de vie au Québec.
Une mobilisation désormais relayée au plus haut niveau parlementaire
La mobilisation autour de l’abandon du PEQ a franchi une nouvelle étape. Aux démarches déjà engagées par le député Weissberg, s’est ajoutée une intervention venant du Sénat français. Le sénateur Yan Chantrel a officiellement saisi le ministre québécois de l’Immigration, Jean-François Roberge, pour attirer son attention sur la situation jugée « préoccupante » de ressortissants français installés durablement au Québec, mais désormais privés de perspectives claires depuis la suppression du PEQ
Dans ce courrier daté du 2 décembre 2025, l’élu rappelle que ces familles ont construit leur projet de vie sur la base de règles alors en vigueur et souligne l’absence de dispositif transitoire, avec des conséquences lourdes sur les plans professionnel et familial. Cette démarche parlementaire supplémentaire confirme que le dossier du PEQ ne relève plus d’un simple débat administratif, mais d’un enjeu suivi à plusieurs niveaux institutionnels, y compris dans le cadre des relations franco-québécoises.
Une mobilisation ancrée sur le terrain et portée en ligne
La mobilisation s’appuie également sur la présence active d’élus consulaires lors des rencontres publiques organisées par le collectif Le Québec c’est nous aussi. Des conseillers des Français de l’étranger, dont Florent Pigeyre, sont régulièrement présents tant dans la rue que dans les salles, à l’écoute des témoignages et engagés dans un travail de relais politique auprès des autorités. Leur implication contribue à structurer une contestation qui a clairement changé d’échelle.
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui un levier central du combat mené par Le Québec c’est nous aussi. Ils permettent de documenter les incohérences de l’abandon du PEQ, de rendre visibles les parcours fragilisés, d’interpeller les médias et de coordonner les actions. Témoignages, extraits d’articles, annonces de réunions et prises de position d’élus y circulent en continu, donnant à la mobilisation une résonance bien au-delà du terrain local. À mesure que la couverture médiatique s’intensifie, cette présence numérique renforce la pression et installe durablement le dossier du PEQ au cœur du débat public.
La fin du PEQ, un enjeu qui dépasse l’immigration
Entre ajustements techniques et détresse humaine, le dossier du PEQ reste loin d’être refermé. Alors que les échanges institutionnels se poursuivent et que la mobilisation citoyenne s’intensifie, une question demeure : le Québec saura-t-il concilier ses objectifs migratoires avec la réalité de celles et ceux qui ont déjà fait le choix de s’y construire une vie ?
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