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Maurizio De Giovanni : Quand le crime passionnel laisse son empreinte

De GiovanniDe Giovanni
Les "Gialli" ont pris leur place dans les librairies françaises au cours de cette dernière décennie
Écrit par Olivia Audin
Publié le 18 avril 2019, mis à jour le 18 avril 2019

A l’approche de la parution de son dernier ouvrage, retour sur l’univers et les romans noirs de Maurizio de Giovanni, l’écrivain italien dont les ventes grimpent en flèche en France.

Depuis quelques décennies, la littérature policière italienne s’est nettement installée sur les étagères des librairies françaises. Les gialli (nom dérivé de la couleur de la couverture des romans policiers à l’époque) écrits par Macchiavelli, Camilleri ou Scerbanenko  mettent au centre de la narration l’Italie urbaine et ses fantasmes. Mais l’un des maîtres du genre est Maurizio de Giovanni, qui laisse, roman après roman, une trace noire et profonde dans la littérature.

Né en 1958 à Naples, De Giovanni a choisi sa ville d’origine pour y faire vivre ses personnages. La série des Commissaire Riccardi compte une dizaine de titres dont L’hiver, le printemps, l’été, l’automne du commissaire Ricciardi. Sous sa plume, la Naples des années 30 est bien différente de celle d’aujourd’hui. Les femmes trop belles, comme la superbe Filomena, doivent se marier vite sous peine de devenir des proies faciles et peu crédibles pour les médisants. Les ragots des vieilles femmes, dans le basso, le quartier pauvre, courent plus vite que les policiers qui ne peuvent arriver sur le lieu d’un crime qu’en marchant. Le divisionnaire, dans les petits papiers de Mussolini, le Mascellone, cherche plus à s’élever socialement qu’à rendre la justice, et il exècre son subordonné, le commissaire Ricciardi, trop droit, dont l’attitude rebelle le pousse même, comble du mauvais goût, à ne pas porter de chapeau. Et pourtant la fureur et les passions sont identiques à celle d’aujourd’hui. Au centre de ce bouillonnement humain vit le héros, le commissaire Ricciardi, solitaire et charismatique : à lui de dénouer le fil des affaires criminelles de la ville. Sa rage et sa détermination à démêler l’écheveau mène toujours le coupable à l’échafaud. Car une chose le hante et l’aide à la fois : il parvient depuis sa tendre enfance à voir l’empreinte de l’âme des  morts et à entendre, comme enregistrées sur une pellicule, leurs dernières paroles.

Assisté du policier Maione, fidèle à son chef depuis que celui-ci a trouvé l’identité de l’assassin de son fils, Ricciardi va devoir utiliser son don surnaturel, qui est aussi sa croix la plus lourde à porter, pour faire aboutir ses enquêtes. Et le processus est douloureux : avec ce don, la vie a décidé pour lui de son destin et l’oblige à apaiser l’âme des morts qui le hantent, en faisant la lumière sur la vérité.

Une peinture de Naples aux deux visages

Les personnages de De Giovanni sont attachants. Loin d’être parfaits, ils se montrent sous leur jour le plus réaliste. Et plus intéressante encore est la description de l’Italie fasciste symbolisée, selon Ricciardi, par le surrogato, ce faux café écœurant, aussi éloigné du vrai café que Mussolini ne l’est d’un vrai dirigeant. Plus vivante est la peinture de la Naples aux deux visages, de la recherche désespérée et impossible de l’amour, de la faim du peuple, origine de tout crime. Entre le fastueux théâtre San Carlo, où les dorures servent d’écrin aux bijoux de l’art lyrique, et le Paradiso, où les perles sont des prostituées de bas-étage, le commissaire voit tout de cette ville complexe, attirante et repoussante à la fois.
De Giovanni, qui partage encore son temps entre son métier de banquier et sa passion pour la littérature, a obtenu le prix Scerbanenko en 2012 pour La méthode du crocodile. Son écriture est douce et parfois poétique : le roman noir enrichit sa gamme de nouvelles couleurs.
A découvrir à partir du 5 juin prochain, L’Enfer du commissaire Ricciardi, le dernier livre d’une série de romans noirs.

 

Olivia KAJDAN AUDIN
Publié le 18 avril 2019, mis à jour le 18 avril 2019

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