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HAYEZ - Le plus grand romantique italien

Écrit par Lepetitjournal Milan
Publié le 8 janvier 2016, mis à jour le 6 janvier 2018

Venez rencontrer l'un des pères fondateurs du romantisme. Hayez, très grand artiste peintre italien, est souvent méconnu. Ses amateurs parcourent le monde pour admirer l'une de ses toiles. Les Gallerie d'Italia lui consacre jusqu'au 21 février 2016, la plus grande et la plus complète exposition jamais réalisée. L'occasion de découvrir aussi l'histoire de Milan et de l'Italie, à travers les nombreux portraits de nobles, les scènes historiques et les tableaux de légende de l'artiste. Ainsi que son rapport affectif avec la France.


Maria Stuarda nel momento che sale al patibolo


« Hayez est le plus grand artiste italien du romantisme », souligne admiratif le Giovanni Morale, coordinateur. Il poursuit, « cette exposition est la plus grande jamais consacrée à Hayez ». C'est un véritable privilège qui vous attend derrière ces murs. Car ce que vous allez voir, peu de gens l'ont vu. 80% des pièces sont inédites et proviennent de collections privées. « Un bonheur ! Quand on aime Hayez, on tourne vite en rond, on se déplace d'un musée à l'autre pour finalement tomber sur trois toiles, et ce sont souvent les mêmes ! » s'exclame Rachel, 55 ans, qui se réjouit de cette exposition enfin complète. 110 tableaux au total, réunis par le commissaire Fernando Mazzocca
dans un ordre chronologique. Une ?uvre prolifique, Hayez peindra jusqu'à l'âge de 86 ans, qu'il faut apprivoiser à la lumière des attachements émotionnels de l'artiste. Découvrons donc Hayez à travers son lien avec la France, son lien avec les autres arts, son lien avec la société. Mais avant de « regarder le XIXe siècle avec un regard nouveau », comme le promet Giovanni Morale. Avant d'entamer cette imprégnation artistique, Anna Pericoli, guide aux Gallerie d'Italia, nous dévoile les marqueurs esthétiques de l'artiste, ou comment reconnaître un Hayez. « Il est l'expression du romantisme, Hayez est remarquable dans sa manière d'exhiber de façon picturale les sentiments, la tension d'un moment historique et dans l'incroyable rendu des tissus, des matières ».

La France : une muse historique

En plus d'avoir un père d'origine française, Hayez entretient avec la France un attachement à deux volets : artistique et historique. Le premier se vérifie dans ses influences picturales. Hayez s'est par exemple inspiré de Géricault et de son Radeau de la Méduse pour sa toile Barca di Greci fuggitivi. Mais c'est avec son ?uvre Maria Stuarda nel momento che sale al patibolo, en 1827, que son inspiration française, son admiration pour Delacroix, devient la plus évidente. Comme Delacroix, il a cette fascination pour les scènes historiques. L'?uvre comporte 200 personnages, dont les visages correspondent tous à des portraits de milanais réels vivant à son époque. A sa parution, le tableau a beaucoup surpris, notamment car les personnes s'y reconnaissaient. Cette toile montre aussi l'extraordinaire travail du peintre sur les costumes. La couleur du velours, le reflet argenté et la froideur du métal des armures.

Il Bacio

L'hommage le plus touchant d'Hayez à la France réside dans son ?uvre légendaire : Il Bacio. Les trois versions du Baiser d'Hayez sont exposées, les unes à côtés des autres, comme un triptyque qui raconte l'affecte blessé d'Hayez pour la France. La première version, de 1859, célèbre la libération du peuple italien de la domination autrichienne. Une victoire due à l'alliance politique entre Napoléon III et Vittorio Emanuele II. Hayez n'a pas choisi de représenter une scène de guerre exaltante mais le symbole d'une liberté profondément intime : un baiser. Ce « serment fait d'un peu plus près, une promesse (?) ce secret qui prend la bouche pour oreille, (?) Cette façon d'un peu se respirer le c?ur, Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme ! », comme l'écrit Edmond Rostand. Un baiser pour signaler l'union entre la France et l'Italie. Les couleurs des drapeaux français et italiens se lisent sur les vêtements des deux personnages.
Mais comme disait Aragon, « Il n'y a pas d'amour heureux ». Sur la deuxième version de 1861 est visible uniquement le tricolore italien. Hayez voulait exprimer son ressentiment face à la France, qui dans le pacte signé avec l'Italie avait exclu Venise, sa ville natale.
La troisième version semble être une réconciliation. Hayez l'a réalisée pour l'exposition universelle de Paris en 1867. Le tricolore français réapparaît plus voyant, accompagné d'un voile blanc posé sur le sol en signe de paix.


Le maître des arts

L'ultimo bacio dato a Giulietta da Romeo

La particularité d'Hayez est son inspiration multiple. Il entretient des rapports étroits avec les autres arts. Sa peinture est mêlée à la littérature, la musique, le théâtre, la sculpture et le cinéma.
Le théâtre est l'art le plus cher à son c?ur. Son oeuvre L'ultimo bacio dato a Giulietta da Romeo, de 1823, en est le plus bel exemple. Pour la première fois, Hayez donne à une pièce de théâtre, celle de Shakespeare, les dimensions immenses jusque là réservées aux thèmes classiques. Le tableau a provoqué une grande stupeur. Notamment car le baiser entre Roméo et Juliette n'est pas suggéré mais physiquement consommé. Juliette porte un déshabillé très révélateur et on reconnait sur son visage le modèle, Carolina Zucchi, une noble milanaise avec qui Hayez a eu une liaison passionnelle (qui lui inspirera des dessins érotiques). Son penchant pour le théâtre et son talent à peindre les tissus est tel qu'il finira par être consultant à La Scala pour les costumes.
L'autre art fondamental dans l'oeuvre d'Hayez est la sculpture. A son arrivée à Rome, Hayez rencontre Canova, qui assure sa formation artistique. A l'entrée de l'exposition vous verrez d'ailleurs cinq statues, qui incarnent les influences d'Hayez. Parmi elles figure une statue originale de Canova : la Maddalena penitente (Marie Madeleine). Hayez reprendra ce thème en hommage dans deux tableaux. La Maddalena d'Hayez possède une sensualité agressive et un regard timide. Une chevelure, une «toison » et des « boucles », au « parfum chargé de nonchaloir », que l'on voudrait, comme Baudelaire, « agiter dans l'air comme un mouchoir » afin d'y révéler « les souvenirs dormant ».


La Maddalena penitente

En parcourant l'exposition vous noterez également le lien avec la littérature par le biais d'un portrait du célèbre écrivain italien Manzoni. Assis sur une chaise, qui existe encore à la maison Manzoni, une boite de tabac à la main, l'écrivain est représenté de façon humaine.
Si Hayez s'est nourri de divers arts, il en a aussi influencé quelques-uns. Sa peinture I due Foscari, (tiré de la pièce de Byron), sera reprise en musique par Verdi.
Hayez est présent au sein même d'un art moderne : le cinéma. L'exposition projette des extraits de films en corrélation avec l'artiste. Dans Senso, on retrouve la scène du Baiser d'Hayez, dans Malombra le portrait de Manzoni et dans Noi Credevamo, Cristina Trivulzio Belgiojoso. Une scène du film reprend presque exactement le portrait fait par Hayez de cette figure féminine importante dans l'histoire de Milan. Elle y tenait un salon où artistes, poètes et politiques venaient débattre, Cristina Trivulzio Belgiojoso apportait aussi son soutient économique à la Carboneria, mouvement révolutionnaire qui a oeuvré pour l'unité italienne.  

La politique et les sentiments

Pietro Rossi

Hayez a souvent utilisé son art comme une tribune pour exprimer ses opinions politiques. Il souhaitait que le peuple prenne le pouvoir. Dans son tableau I due Apostoli Giacomo e Filippo, il prend un thème biblique comme prétexte pour promouvoir la Carboneria. Les deux apôtres ont pour visage les portraits de deux hommes politiques réels et leurs vêtements reprennent le tricolore italien. Sur sa toile Papa Urbano II sulla Piazza di Clermont, Hayez place le Pape au second plan, et le peuple au premier.
L'oeuvre d'Hayez la plus révolutionnaire reste Pietro Rossi, en 1818, pour deux raisons. D'abord car ce tableau est considéré au niveau mondial comme le plus représentatif du passage du néoclassicisme au romantisme. Il montre une scène historique médiévale, non liée aux thèmes classiques. Ensuite pour le message qu'il transmet : la valeur du choix individuel. Pietro Rossi est un militaire rappelé à son rôle institutionnel. Hayez ne le peint pas en plein combat mais dans un moment intime. Pietro Rossi est avec sa famille, avant de partir. Nous assistons au moment crucial du choix, entre son devoir et ses sentiments.


Sanaa Nabi (lepetitjournal.com de Milan) Vendredi 8 janvier 2016

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Informations pratiques:
Gallerie d'Italia Piazza della Scala 6
Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 19h30, le jeudi de 9h30 à 22h30.
Tarifs : entier 10 euros, réduit 8 euros.

lepetitjournal.com Milan
Publié le 8 janvier 2016, mis à jour le 6 janvier 2018

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