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Dr. Knock : rencontre avec la réalisatrice Lorraine Lévy

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Christine Tamalet
Écrit par Gwenaëlle Page
Publié le 17 juillet 2018, mis à jour le 18 février 2021

Le film Dr. Knock, qui faisait partie de la programmation de l’Alliance Française French Film Festival 2018, sort en salles en Australie le 2 août. Lepetitjournal.com/Melbourne a interviewé la réalisatrice Lorraine Lévy.

 

Le film est une adaptation libre de la pièce de Jules Romains Knock ou le triomphe de la médecine (1923) et est porté par un beau casting. Dans les années 50 en France, le Dr. Knock, joué par Omar Sy, arrive à Saint-Maurice pour reprendre le cabinet médical du village et il va immédiatement mettre en place une stratégie marketing imparable pour devenir riche. “Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent.” Personne ou presque ne va protester…


Lepetitjournal.com/Melbourne : Pourquoi avez-vous choisi de réadapter cette pièce de 1923 ? Vous avez transposé l’histoire dans les années 50, qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette période?

Lorraine Lévy : Pour lui faire rencontrer notre époque. Jules Romains écrit Knock en 1923, et derrière le rire se cache l’angoisse d’un auteur qui sent se profiler l’une des plus grandes menaces de tous les temps : la montée en puissance du Parti national-socialiste fondé 3 ans plus tôt par Hitler et qui prône la suprématie de la race aryenne. Pour imposer au monde ces théories abjectes, les nazis jouent sur la crédulité des peuples et la fascination exercée par un tyran mégalomane. Knock use des mêmes stratagèmes, détournant la science et la médecine pour imposer sa loi à la population soumise et tyrannisée de Saint-Maurice. La pièce est d’ailleurs si sombre que Ionesco en parlera comme de l’une des “farces tragiques du XXe siècle”, avec une vision pessimiste de l’humanité.
Or moi, je voulais faire un film solaire, ludique, avec un héros fragile, faillible, humain. J’en ai donc fait une libre adaptation, avec une proposition différente. Je l’ai situé volontairement dans les années 50 dans un souci de modernisation, mais aussi parce que je suis très fan de l’esthétique de cette époque.
Et je me suis approchée de ce qui me semble fondamental aujourd’hui : la place de l’Étranger dans la Cité. 


Est-ce que vous avez rencontré des difficultés pour lancer le projet de ce film?

Le projet a été difficile à monter, parce qu’il était ambitieux. La pièce de Jules Romains dresse le portrait d’un cynique. En faire une comédie sociale et humaniste était un sacré pari.


Dans votre film, le Dr. Knock a un côté attachant et sensible malgré ses combines visant à manipuler ses patients/clients. Le Knock de Jules Romains lui était beaucoup plus sombre et inquiétant. Pourquoi ce choix?

C’est vrai. Comme je vous le disais, le Knock de Jules Romains est cruel, mégalomane, sans pitié. Ses personnages secondaires sont avares, sectaires, ou idiots. Jules Romains fait rire en fustigeant la bêtise humaine. 
Le film, au contraire, veut la rédemption de ses personnages. On comprend la revanche que Knock a besoin de prendre sur la société et pourquoi, lui qui a eu faim, cherche à faire fortune. Mais s’il use et abuse de son pouvoir pour devenir le roi de ce petit royaume, s’il assoit son autorité sur les défauts de ses concitoyens, qu’il manipule avec dextérité, il le fait avec une tendresse amusée, sans cruauté, sans mépris. Et si personne ne se révolte quand il met sa stratégie en place, c’est qu’il a du talent! En disant à chacun ce qu’il a envie d’entendre, en lui accordant attention et flatterie, il se rend indispensable. Mais quelqu’un se rebiffe tout de même, le curé, qui lui, n’est pas dupe. Il faut dire qu’il est jaloux puisque son église se vide au fur et à mesure que la salle d’attente du docteur se remplit!


Pourquoi avez-vous choisi Omar Sy pour ce rôle?

J’ai pensé à Omar en cours d’écriture. Je l’ai rencontré pour lui proposer le rôle avant même d’avoir un producteur. Mon Knock à moi devait être solaire, humain, avec un passé qui nous permet de comprendre ses failles et surtout, de l’aimer malgré ses paradoxes. La force singulière d’Omar, sa sensibilité et son rayonnement naturel en faisait tout naturellement mon héros.


Le Dr Knock se retrouve entouré de personnages hauts en couleur. Comment avez-vous travaillé leur construction ou leur évolution? 

Moi qui viens du théâtre, j’aime les films “de troupe”. Et j’ai toujours été admirative des comédies de Capra, de Lubitsch, qui, dans le cinéma américain des années 40/50, accordaient beaucoup d’importance aux “second rôles”. 
La possibilité de donner vie à un petit village à travers ses habitants m’enchantait. J’ai écrit leur partition de façon presque mathématique. Chacun incarne un défaut majeur, et le fait évoluer. N’oublions pas qu’on est dans une comédie. Et comme j’ai eu de grands acteurs, je dois dire que j’ai été particulièrement gâtée et qu’on s’est beaucoup amusé à le faire.
 

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