Suite à l'article "Melissa Bergeron, la globe-trotteuse engagée, fait escale à Phillip Island", découvrez aujourd'hui la suite de son interview, donnant plus de details sur les divers projets à forte dimension environnementale et sociale dans lesquelles elles s'est engagée depuis fin 2021, du Népal à l’Indonésie, en passant par le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, et la Malaisie.
Comment ce projet de tour du monde est il né ?
Je te partage quelques mots sur comment ce projet est né, écrit l’année dernière:
“On est en mars 2020, ma valise est prête. J’ai toujours rêvé d’aller découvrir l’Asie alors je me suis débrouillée pour trouver un stage en Thaïlande. J’ai cinq mois pour mettre des sons, des odeurs et des couleurs sur ce qui habite mes pensées depuis quelques années maintenant.
Trois jours avant mon départ Emmanuel Macron s’exprime à la télé. S’en suivent le confinement, les frontières qui se ferment et mes rêves qui se font balayer d’un coup de pied. Violent comme un bout de moi qu’on m’arrache, du moins c’est comme ça que je le ressens.
Premières semaines brouillard, j’en veux au monde entier et je broie du noir. Mais vite, je me rends compte que cette envie de partir brûle dans tout mon corps. Ce n’est pas seulement la Thaïlande ou même l’Asie, c’est le monde entier que j’ai envie de rencontrer. Mon cœur sourit, il sait qu’à la fin de mes études je partirai pour un long voyage. On ira découvrir la Patagonie, grimper le Kilimandjaro et célébrer le nouvel an lunaire au Vietnam. C’est acté, je ferai le tour du monde. Pourtant chaque jour, je saisis un peu plus les conséquences du dérèglement climatique et je sais que le temps presse si on veut inverser la tendance.
Un Paris-Bali coûte trop cher à la planète, alors je veux que cette aventure soit différente : on enlève l’avion de l’équation et on prend le temps de sentir les kilomètres défiler sous les pieds. Ce voyage tout en lenteur me fait déjà saliver, pourtant mes rêves de transsibérien se heurtent à des frontières toujours gelées à cause de la situation sanitaire exceptionnelle.
J’essaie de trouver des chemins pour contourner, mais le monde est morcelé en murs de glace. Je décide de m’envoler tout de même à la date prévue : un avion pour rejoindre l’Asie, pas plus.
Je veux partir pour explorer mais surtout pour aller rencontrer l’humanité. Du matin au soir, j’entends les médias alerter sur l’urgence climatique, sur le monde qu’on détruit et les humains qui se déchirent. Il faut agir, mon écran me le dit, mon coeur me le crie.
Pourtant moi je n’arrive pas à trouver le mode d’emploi, je ne sais pas par où commencer. Incapable de savoir dans quelle direction aller, j’ai alors imaginé un voyage où je partirai rencontrer ceux qui avaient déjà trouvé leur chemin, ceux qui agissaient déjà pour le construire, le monde de demain.
Ceux qui, un jour, ont décidé de se relever les manches pour un bonheur autre que le leur, et qui s'efforcent chaque matin de rendre le monde plus doux. Elle était là ma motivation, aller du côté de ceux qui avaient déjà trouvé, pour fuir la morosité des actualités qui percutent de plein fouet. Trouver ceux qui créent, ceux qui essaient, pour espérer un jour pouvoir les imiter.
Se mettre en marche, quitter la peur, changer de lunettes, planter des graines. Les contours se précisent, on y est presque.
J’ai un an pour préparer le voyage et 50€ sur mon compte épargne, il va falloir rapidement trouver des solutions si je veux que ce voyage dure longtemps. Ma dernière année d’étude est en alternance, alors j’ouvre un fichier Excel pour calculer ce que je peux mettre de côté et je me sers la ceinture pendant une année. En octobre 2021, j’ai un billet simple pour le Népal, 9000€ sur mon compte, aucun itinéraire tracé mais le cœur qui brille, fort.
On me demande déjà quand est-ce que je rentre, dans ma tête c’est limpide : je pars pour trouver ma place, je rentrerai quand ce sera fait. Je vous écris ces mots le 8 juillet 2023, sur le même continent sur lequel je suis arrivée il y a presque deux ans. Le voyage est loin d’être fini mais je crois que ma place, je commence à la trouver.
Je pense qu’il est temps de partager ce qui m’a aidé dans ce long cheminement. Quête de sens, reconstruction, santé mentale et obsession du bonheur, ce voyage autour du monde est en réalité d’abord une traversée de soi. J’ai plongé dans les abysses de mon âme, où naviguaient des peurs qui ne voulaient pas être dérangées. Et je me suis rendue compte que lorsqu’on est plongé.e complètement dans le noir, la lumière qui perce la surface est bien plus facile à percevoir. Alors depuis, je laisse ce halo me montrer le chemin, et j’apprends à nager parmi les vagues.”
Pouvez vous s’il vous plait expliquer brièvement chaque étape de votre tour du monde jusqu’à aujourd’hui ?
Pendant près de trois ans, j’ai souhaité prendre le temps de la découverte. J’ai rejoint un projet local par chaque payé traversé, sous la forme de volontariats (de deux mois minimum).
Je suis restée trois mois au Népal, où je me suis liée d’amitié avec un guide sherpa qui m’a proposé de donner des cours d’anglais dans l’école de son enfance dans la région de l’Everest.
En Thaïlande, mon volontariat de six mois dans un refuge pour chiens sur l’île de Koh Chang a été un déclic : je me suis rendue compte que je souhaitais activement protéger la cause animale.
Après cette expérience intense, je suis partie au Cambodge, où je fus pendant trois mois volontaire dans un éco-resort sur l’île de Koh Ta Kiev.
Désireuse d’en apprendre plus sur la faune sauvage, j’ai rejoins au Laos un centre de réhabilitation pour animaux sauvages, que j’ai finalement dû fermer (après avoir transféré 100 animaux dont un ours de 200kg) car le gérant est parti en prison.
Souhaitant m’éloigner de la vie en captivité, je suis partie près de l’océan sur l’île de Tioman (Malaisie), où j’étais volontaire pendant deux mois pour un centre de conservation des tortues marines.
Désireuse d’approfondir mes connaissances sous l’eau, j’ai rejoint Gili Shark Conservation (Indonesie), où j’ai été formée en plongée scientifique. J’étais volontaire pour Coral Catch, un projet qui vise à former des femmes indonésiennes à restaurer les coraux du pays.
Depuis que je suis arrivée en Australie, je souhaite en apprendre plus sur les grandes migrations et notamment celles des baleines.
Quels moyens de transports avez vous utilisés pour relier chaque étape de votre tour du monde ?
Il y a quelques années, je voyageais sans trop me soucier de l’impact que cela pouvait avoir. En grandissant, j’ai compris que l’avion que je prenais si souvent détruisait le monde que je partais explorer. Et puis j’ai découvert de nouvelles histoires, qui parlaient de traversées de l’Amérique à pied ou de bateau-stop pour rejoindre l’Australie. C’est là que j’ai compris, la durabilité ne restreint pas, elle ouvre le champ des possibilités.
Le 18 décembre 2021, en descendant de l’avion qui venait de m’amener au Népal, je me suis fait la promesse de ne voyager plus qu’avec des moyens de transport doux. Depuis cette date, j’ai traversé les frontières terrestres en train, en bus, à pied, en bateau et en auto-stop jusqu’à Lombok !
L’idée de rejoindre l’Australie en bateau a tiré mon existence pendant trois ans. J'ai démarré mes recherches de bateau-stop en mai 2024 à Lombok (Indonésie), mais j'ai vite compris qu'il y avait très peu de voiliers qui naviguent vers l'Australie à ce moment-là car ce n'était pas la bonne saison, c'est-à-dire pas les bonnes conditions météo. J'ai tout de même passé des semaines sur des bateaux, pour rencontrer des capitaines et espérer voir apparaître la bonne opportunité. Fin juin, un capitaine qui venait d'acheter un bateau à Singapour m'a proposé de rejoindre l'équipage. Un mois de navigation à trois paires de bras, arrivée prévue sur la Sunshine Coast à la fin juillet : pour moi, c'était le scénario parfait ! J'ai finalement décidé de ne pas embarquer la veille du départ, lorsque j'ai appris avec grande surprise que les équipements de sécurité basiques (balises gps, canots de sauvetage...) ne se trouvaient pas sur le bateau.
"J'ai dû quitter l'Indonésie, triste et frustrée, le jour même, car mon visa pour l'Indonésie avait expiré. Mais j'espère bien pouvoir traverser d'autres océans à la force du vent dans les prochaines années !" conclue Melissa.