Édition internationale

MEDIAS - La presse en ligne... de mire de la justice

L'arrestation spectaculaire de l'ex-PDG de Libération, Vittorio de Filippis, pour un commentaire de lecteur publié sur libération.fr a suscité l'émoi en France. La presse en ligne est de plus en plus incriminée dans des affaires judiciaires et une loi récemment votée par le Sénat devrait durcir davantage ses conditions de liberté d'expression

Vittorio de Filippis est mis en cause pour un commentaire laissé par un lecteur sur le site internet de Libération (photo AFP)

Vendredi 28 novembre à l'aube, Vittorio de Filippis, ex-PDG et directeur de publication de Libération, a été conduit par la police au commissariat du Raincy (Seine-Saint-Denis). La brutalité de cette arrestation a fait réagir la classe politique française qui s'est déclarée indignée. Mais elle donne surtout un coup de projecteur sur la situation de la liberté de la presse en ligne en France.

Responsable des réactions de ses lecteurs
Dans cette affaire Vittorio de Filippis est mis en cause pour un commentaire qu'un lecteur avait laissé en 2006 sur le site liberation.fr. Le commentaire concernait le fondateur du fournisseur d'accès à Internet Free, Xavier Niel. Ce dernier avait été reconnu coupable cette année-là de recel d'abus de biens sociaux et il a attaqué déjà à maintes reprises le quotidien fondé par Jean-Paul Sartre. Dans la presse en ligne française, c'est le directeur de publication d'un journal en ligne, en l'occurrence ici Vittorio de Filippis, qui est tenu responsable des réactions de ses lecteurs, si leurs propos sont contrôlés par le média avant leur publication.

Allongement du délai de prescription
A en croire le récent projet de loi adopté début novembre par le Sénat, la presse en ligne française risque de voir de telles procédures se multiplier. Initié par le groupe UMP et voté par le PS, le texte allonge la durée du délai de prescription de la diffamation sur Internet. Actuellement une personne se sentant diffamée par un article mis en ligne peut saisir un tribunal dans les trois mois après publication. Dans un souci de protection du citoyen, la proposition de loi allongerait cette période à un an sauf si l'article avait été publié au préalable par un autre média (radio, télé, presse écrite). Un article du Figaro repris par lefigaro.fr restera donc soumis à un délai de prescription de 3 mois. Le texte doit encore être voté par l'Assemblée nationale.

Mediapart visé par dix plaintes
Les syndicats de journalistes expriment actuellement leurs inquiétudes vis-à-vis des diverses pressions qui pèsent sur la corporation journalistique. Selon Reporters sans frontières (RSF) qui établit chaque année un classement mondial de la liberté de la presse, la presse française est de moins en moins indépendante des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
La presse en ligne qui était jusque-là assez épargnée fait actuellement l'objet de plusieurs poursuites. Exemple symbolique, le site d'information Mediapart est visé par dix plaintes pour diffamation déposées par la Caisse d'Epargne depuis plusieurs mois. Son directeur de publication, Edwy Plenel, et l'auteur des articles incriminés, Laurent Mauduit, ont été mis en examen pour des textes traitant de la gestion financière du groupe bancaire.
Yann Fernandez (www.lepetitjournal.com) mardi 2 décembre 2008

Lire aussi
_ le rapport de RSF sur la liberté de la presse en Europe
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=28999
_ l'interview d'Edwy Plenel - "Une attaque démesurée"
_ l'article de l'Express ? Indignation après l'interpellation de l'ex-PDG de Libération



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