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L’Espagne sans clichés: aperçu du monde du travail en Espagne

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Photo by rawpixel on Unsplash
Écrit par Analena Maury
Publié le 19 décembre 2018

Dans un nouveau rapport annuel des Nations Unies sur le développement humain, l’attention est portée sur la manière dont la globalisation économique, les nouvelles technologies et les innovations en organisation sociale transforment la nature du travail et suscitent des nouvelles formes de "gagner sa vie" qui semblent parfois fort distinctes des représentations classiques du travail. 

 

Les problèmes et les questions que pose ce débat ne varient pas beaucoup d’un pays industrialisé à un autre, un peu plus entre régions émergentes et régions plus "développées". Pour connaître les variations ou subtilités qui peuvent exister dans un pays comme l’Espagne, il convient d’aborder le problème du point de vue humain et culturel plutôt que d’un angle économique et/ou structurel. 

Dans cet article, nous cherchons donc à découvrir ce qui fait que la relation des individus au travail soit différente en Espagne -si tant est qu’elle le soit vraiment- en comparaison avec les pays de son entourage, à la lueur des transformations évoquées plus haut. Peut-être atteindrons-nous la conclusion que ce qui est vraiment en train de changer dans le monde du travail est l’approche des générations qui prennent la relève ainsi que la diversité de ce qui, de nos jours, commence à devenir un travail selon les nouvelles tendances (Profession : youtubeur !).


Encuentra la felicidad en el trabajo o no serás feliz. (Trouve ton bonheur au travail ou tu ne seras pas heureux) Cristophe Colomb

Il y a trois prémisses qu’il est important de connaître et de comprendre, car toute perception est empreinte de la culture où elle se produit, culture qui remonte par définition à des époques et influences antérieures.

Première : avant que le travail ne devienne un bien précieux et recherché comme conséquence de l’apparition d’un taux de chômage significatif sur la scène du monde du travail à la fin du 19e siècle, le travail était tout bêtement une malédiction biblique pour les Espagnols.
Genèse 3 – 19: C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
Il n’en fallait pas plus, dans un pays fortement religieux, pour comprendre que le travail était une condamnation et non pas une conséquence logique de l’existence qui pouvait éventuellement devenir une source de plaisir. 

Seconde : pour bon nombre d’Espagnols, le travail serait beaucoup mieux perçu et vécu s’il était en accord avec la classe sociale à laquelle on croit appartenir. C’était très vrai il y a quelques générations, cela l’est toujours beaucoup en raison de l’inadéquation endémique des salaires par rapport au niveau de vie. Il y a toujours, en Espagne, une forme d’humiliation infligée lorsque l’on accepte un salaire qu’on trouve ne pas s’accorder à ses mérites et qualités, souvent illusoires. Alors qu’un Américain ou un Canadien se montre généralement reconnaissant de l’opportunité que représente un emploi, on a souvent en Espagne la sensation de se faire berner. Fort heureusement, les chiffres du chômage et l’augmentation des taux de pauvreté sur la planète remettent de plus en plus de choses en perspective et ce fâcheux trait de caractère a tendance à disparaître car le travail est de plus en plus perçu comme une "denrée" rare et une aubaine même si une fois acquis, il redevient, de façon subliminale, une malédiction.

Troisième : une certaine forme d’intoxication des sociétés de consommation, tant du point de vue du béhaviorisme que du point de vue du marketing, a contribué à transformer le travail (pas toutes les formes de travail, toutefois) en une activité valorisante et nombreux sont ceux qui sont tombés dans le panneau. On rencontre énormément de gens en Espagne qui "s’éclatent" dans un emploi absolument anodin et peuvent même s’en vanter. Faire disparaître l’idée d’aliénation est toujours plus rentable et productif que favoriser la grogne. 


Trabajo deprisa para vivir despacio. (Je travaille vite pour vivre lentement)  Montserra Caballé

Et sur cette notion de l’orgueil de travailler, nous faisons la pirouette vers notre point d’analyse suivant, qui ébauche certains des comportements associés aux codes de conduites et aux rapports humains dans la vie professionnelle. Je l’ai dit à plusieurs reprises, les généralisations sont toujours trompeuses et inexactes car la diversité des situations professionnelles et des traits qui sont associés à chacune d’elles peuvent être à tel point distincts que tout recoupement est agaçant. Il faut pourtant bien trouver des points communs pour illustrer "l’espagnolitude" de la relation au travail.

 

Dans toute relation professionnelle ou d’affaires -laissons à part les nouveaux métiers qui gravitent dans le "no-man’s-web" car ils méritent une analyse à part- le rang ou le statut hiérarchique sont un facteur important de prestige et de reconnaissance, proportionnels à la position atteinte. Ceci n’est pas très différent de ce qui se passe dans d’autres pays, mais l’Espagne semble avoir hérité de son passé d’empire la conscience de la gloire d’être chef… ou de ne pas l’être. Qui dit chef dit client prioritaire, éminence scientifique ou économique, homme d’affaire prestigieux et ainsi de suite. C’est particulièrement vrai pour les affaires en mode de gestion "vieille garde" -conventionnel, autoritaire et traditionnel- et de moins en moins pour le mode de gestion des nouvelles générations (ou des entreprises étrangères plus avant-gardistes installées en Espagne), moins axés sur la hiérarchie et davantage sur le travail en équipe, la transversalité, l’échange et la coopération. Les personnes de la nouvelle génération occupant des postes importants se distinguent par leur personnalité, leur capacité à établir des relations informelles mais qui restent professionnelles, leur dynamisme, leur simplicité et leur empathie/tolérance. Ces qualités sont souvent très appréciées des employés.

 

Les relations humaines en Espagne sont plus ouvertes, sans que cela signifie systématiquement que les formes ne doivent être gardées

Les étrangers qui commencent à travailler en Espagne se surprennent parfois du contact chaleureux, parfois amical, assez convivial que l’on trouve sur les lieux de travail (ni partout, ni toujours, il va de soi). Il y a une sorte de familiarité, de volonté de proximité entre collègues ou même entre les différents niveaux de hiérarchie qui surprennent les personnes d’autres cultures. Il ne faut pas s’y méprendre, nous savons déjà maintenant que les relations humaines en Espagne sont plus ouvertes, sans que cela signifie systématiquement que les formes ne doivent être gardées et la prudence de rigueur.


Une grande importance est accordée à l’éducation et à la formation et même si l’on admet que l’expérience est plus utile dans l’environnement de travail, les gens sont souvent jugés sur le niveau de scolarité qu’ils ont atteint. Les Espagnols n’hésitent pas à poser des questions directes sur la formation scolaire acquise. Paradoxalement, les Espagnols ont tendance à croire que ceux qui ont fréquenté les meilleures écoles le doivent à leurs parents et à leurs moyens et ne devraient donc en retirer aucun mérite, ni être considérés comme plus aptes, même si dans l’absolu ils sont censés l’être. Nous avons à maintes reprises évoqué le caractère et les traits contradictoires des Espagnols ; ceci confirme à nouveau cela.


On entend souvent dire que l’on travaille moins en Espagne, que les gens sont moins consciencieux, qu’il y a plus de laisser-aller, qu’il y a un certain manque de sérieux. Ce sont des généralités et comme telles il faut les prendre avec méfiance. On peut certainement trouver les deux extrêmes, comme dans la plupart des pays environnants. Il y aura des gens passionnés et extrêmement professionnels et il y aura des gens peu motivés, peu formés et peu emballés par leur travail. Dans mon prochain article, j’aborderai la manière de s’adapter non seulement au monde du travail, mais également au mode de vie en Espagne, pour clore cette analyse en cinq chapitres, qui ne prétend pas être exhaustive mais se veut une vue d’ensemble le plus nuancée possible.

 

analena maury

 

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