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L’Espagne sans clichés: s’adapter pour l’adopter

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Photo tirée du domaine public
Écrit par Analena Maury
Publié le 27 juillet 2020, mis à jour le 27 juillet 2020

Analena Maury propose une série de 5 analyses pour découvrir des grands traits -mais également des aspects moins évidents- du caractère espagnol, de la vie quotidienne et des codes du monde du travail et des affaires. Premier épisode : “Mélanges et Contradictions“.


Difficile, stupéfiante, inégalable jungle espagnole


(Fernando Diaz-Plaja, L’Espagnol et les sept péchés capitaux )

 

L’Espagne est un pays surprenant qui cache une grande complexité derrière une poignée de clichés simplistes que les Espagnols, peu enclins à vanter la richesse de leur histoire, ont été les premiers à véhiculer pendant des décennies. Cette contradiction n’est que la première de toutes celles qui caractérisent une nation qui semble manquer de confiance en elle tout en se montrant fière de sa culture et de son mode de vie.

 

L’Espagne est le seul pays du monde où 2 + 2 ne font pas 4.

(Duc de Wellington)


Il est tentant –et fréquent– de proclamer que l’Espagne est un pays difficile à comprendre et à connaître. En réalité, la difficulté n’a pas trait au sujet mais plutôt au mode d’approche de celui qui l’aborde. Car appréhender l’Espagne, c’est accepter d’intégrer ses contradictions, ses paradoxes et ses extrêmes sans pour autant renoncer à jouir de la simplicité (relative) et de la gaité de son mode de vie qui en font le second pays, après le Japon, en termes de longévité et dont la qualité de vie est un attrait majeur reconnu internationalement.
 

Homogène mais hybride


Depuis ses origines, l’Espagne s’est composée de peuples et de groupes humains et sociaux très variés. L’amalgame d’influences celtes, ibères, phéniciennes, carthaginoises, visigothes, romaines, grecques et musulmanes a produit une population homogène mais hybride dotée d’éléments culturels assez hétéroclites, le tout sur un territoire soumis à diverses typologies de climat -océanique, continental, méditerranéen, tropical et d’altitude- produisant des ressources disparates et une gastronomie de plus en plus prisée de nos jours.

 

L’Espagne est le pays le plus fort du monde ; les Espagnols tentent de le détruire depuis des siècles mais n’y sont pas encore parvenu.

(Otto von Bismarck)


De plus, l’Espagne utilise cinq langues dont une, le basque -euskera -, qui constitue une énigme pour les linguistes car son origine est incertaine et elle n’a aucun lien avec le reste des langues connues tout en étant considérée une des langues les plus anciennes du monde. Chacune des régions défend l’usage de sa langue et cette particularité contribue à accentuer les différences entre les unes et les autres.

 

Aussi impétueux que dociles


Héritiers d’une histoire qui a mélangé les traditions culturelles, les religions, les idéologies, les Espagnols se réclament simultanément d’une identité locale, régionale, nationale et continentale, avec différente intensité selon les circonstances du moment. Cette revendication plurielle explique en partie la relation ambigüe qu’ils maintiennent avec les symboles nationaux tel que le drapeau ou l’hymne, envers lesquels il n’existe ni l’unanimité ni la ferveur que l’on observe dans les pays voisins. Les contrastes ébauchés jusqu’ici ont entravé l’apparition d’un véritable patriotisme espagnol que même le football n’arrive pas à attiser complètement.

Tous les étés, les Ibères deviennent plus rudes. 

(Asterix en Hispanie)


L’Espagne a longtemps souffert de deux sentiments contradictoires, l’orgueil d’avoir été un empire et le complexe d’en avoir été déchue. Il est possible que la décadence qui s’en suivit soit encore une explication valable du complexe d’infériorité qui a affligé les Espagnols pendant des générations. Ce sentiment fut un terreau d’exception pour une dictature de quatre décennies, fondée sur le catholicisme, la répression morale et les symbologies d’un passé plus glorieux, et subie sans résistance par un peuple aussi impétueux que docile, tel que le représente le capitaine fanfaron de la Comedia dell’ Arte, soldat espagnol aussi intrépide que poltron.

 

Plus fort que mon mauvais sort


Ce n’est que récemment, après plus de quarante ans de démocratie et une transformation du pays qui relève sous certains aspects du miracle, que la modestie extrême teintée de dignité froissée a commencé à s’estomper, quand de nombreux indicateurs internes et externes démontrent que l’Espagne est bien supérieure à ce qu’en pensent certains des pays alentours mais surtout à ce qu’en pensent les Espagnols eux-mêmes. Comment se faire prendre au sérieux si l’on a un peu honte soi-même ?
C’est cette nature contradictoire que l’on retrouve dans la vie quotidienne et qui déconcerte les nouveaux arrivants. Et la lecture du Don Quichote de Cervantes prouve bien que l’ambivalence fait partie de la quintessence espagnole, selon laquelle l’idéalisme fait rêver mais le pragmatisme permet de vivre, au risque de perdre ses illusions et de les reconstruire par entêtement. "Je serai plus fort que mon mauvais sort – Seré más fuerte que mi mala suerte", clame un adage espagnol.

Aucun autre pays, excepté la Turquie, n’est aussi peu connu et aussi mal jugé par le reste de l’Europe que l’Espagne.

(Karl Marx)


L’Espagnol se regarde dans un miroir et contemple un citoyen singulier, insolite, fantasque qui continue à se construire sans savoir vraiment ce qu’il a hérité de son histoire, quelles parties de l’ADN des "Espagnes  passées" coule dans ses veines, et quels contours va lui donner la modernité. Et l’étranger voit un peuple gai, passionnel, cordial, hospitalier, drôle, créatif, décontracté, tolérant, mais exalté, fougueux, baratineur, indolent, imprévisible et manquant de sérieux, en se demandant, avec une certaine envie, qui des deux tirent le meilleur parti de la vie.

 

Une aventure mémorable


Découvrir, comprendre, intégrer et vivre l’Espagne, c’est accepter d’assimiler sans les comparer des acquis culturels et sociaux qui ne sont ni meilleurs ni pires que d’autres, qui sont simplement différents et permettent à un pays où tout semble devoir ne pas fonctionner d’avancer vers des temps nouveaux avec les mêmes probabilités de succès que ceux qui le devançaient largement il n’y a pas si longtemps.

 


 

Je vous propose à m’accompagner, au fil des quatre articles qui complètent cette analyse, à la découverte des grands traits -mais également des aspects moins évidents- du caractère espagnol, de la vie quotidienne et des codes du monde du travail et des affaires. Nous aborderons également les formules et les réflexes à adopter pour s’adapter, en tant qu’expatrié ou qu’étranger souhaitant s’établir en Espagne, à une culture et une société qui ne laissent personne indifférent et offrent, après un temps de familiarisation souvent déconcertant, une expérience vitale mémorable.

A propos d'Analena Maury :

Binationale et bilingue français-espagnol, titulaire d’une Maîtrise en Sciences de l’Information et la Communication décernée par la CELSA - Paris Sorbonne – Paris IV, son expérience professionnelle s’étend du marketing et la communication à l’écriture et l’édition, en passant par l’ingénierie pédagogique et la formation, tout ceci en trois langues et dans des contextes généralement internationaux.
A travers son site www.anamaury.com, elle propose des services de CONCEPTION-RÉDACTION, ÉCRITURE et NARRATION en français, espagnol ou anglais indistinctement.