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Le personnage de Carmen, la gitane flamboyante, femme fatale par excellence

carmen de bizet dansecarmen de bizet danse
Écrit par Jill-Manon Bordellay
Publié le 13 juillet 2022, mis à jour le 18 décembre 2023

L’histoire de Carmen est l’une des plus connues du répertoire de la littérature. Peu d'œuvres ont donné autant d’adaptations lyriques, théâtrales, cinématographiques. Carmen est perçue comme l’archétype de la passion romantique.

 

Carmen n’a jamais existé quoiqu’une histoire réelle la fait naître sous la plume de Prosper Mérimée. En quelque sorte, c’est un écrivain français, mais surtout l’opéra de Bizet, qui donne la véritable vie à Carmen, plus vraie et plus fascinante que toutes les femmes qui n’aient jamais existées en Espagne. La fiction dépasse donc la réalité: Carmen existe comme l'icône de toutes les femmes passionnées et provocatrices.

Carmen née en Espagne et créée par Prosper Mérimée

Lorsque Prosper Mérimée (1803-1870) séjourna en Espagne, il rencontra la Comtesse de Montijo, mère de la future impératrice de France, Eugénie de Montijo. Elle lui raconta une histoire tragique : une femme belle et fascinante venait d’être tuée par son amant jaloux.

 

livre de prosper merited sur l'Espagne

 

Bien plus tard, Mérimée décide d’écrire cette histoire et choisit de faire de l‘héroïne une gitane. Face à cette bohémienne, il crée le personnage de l’amant, un Basque, vertueux, qu’il nomme Don José Lizarrabengoa. Deux ethnies opposées sont alors décrites: d’un côté, le monde des Gitans, nomades, défiant les lois, et de l’autre, les Basques, enracinés dans leur hispanité, respectueux des lois.

 

Carmen, qui en latin signifie “formule magique”, semble se réduire au présent, à ses désirs du moment ; C'est une bohémienne dont on ne connaîtra jamais l’origine ou le passé. Or, cette femme se présente comme une gitane considérée comme une sorcière qui prétend manipuler les arts surnaturels. De plus, Carmen a donné le mot charme, elle est habillée en ”jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou, et des souliers mignons de maroquin rouge attachés avec des rubans couleur de feu. Elle écartait sa mantille afin de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie qui sortait de sa chemise. Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin de la bouche”.

 

couverture du livre Carmen par Prosper merimee

 

On peut noter la prédominance de la couleur rouge dans ses vêtements faisant preuve de passion et la présence de la fleur de cassie au coin de la bouche la rapproche d’ une danseuse de tango, sensuelle et indocile. Elle ne plaît pas à Don José dans un premier temps, mais sa conduite et son comportement envers les hommes vont contribuer à modeler son charme. Toute sa pose et sa démarche expriment la volupté et la concupiscence : “Elle s’avançait en se balançant sur ses hanches comme une pouliche”. L’héroïne dispose d’un charme physique évident qui lui permet de séduire tous  les hommes. Ainsi, tous ces aspects les plus insolites sont réunis dans la description ambigüe de l'héroïne. Elle est une gitane, soumise à rien ni à personne, si ce n’est à la superstition et à sa propre liberté.

 

portrait de Prosper Merimee
Portrait de Prosper Mérimée

 

Mérimée a recours au procédé de la mise en abyme, d’une histoire enchâssée dans le récit. La nouvelle s’ouvre sur le voyage du narrateur qui rencontre au bord d'une source le brigand Don José dont il protège la fuite. A Cordoue, la situation est inversée et c’est le bandit qui sauve le narrateur d’un piège tendue par la gitane, Carmen. Elle est l’essence de la femme libre sans attaches, audacieuse, sans dieu ni pays, sans loi ni autorité. Elle s’impose avant tout : “Je ne veux pas être tourmentée, ni surtout commandée. Ce que je veux, c’est être libre et faire ce qui me plaît. Prends garde de me pousser à bout. Si tu m’ennuies, je trouverai quelque bon garçon qui te fera comme tu as fait au Borgne”.

 

Carmen est aussi passionnée que froide, aussi violente que joueuse, aussi manipulatrice que capable de soin et de tendresse. Elle est capable du pire et du meilleur, du meurtre comme de l’amour, elle repose sans cesse sur des contradictions et des paradoxes sans jamais pour autant se contredire.

Carmen l’héroïne effrontée de l’opéra de Bizet

C’est surtout avec l’opéra en quatre actes reposant sur un livret écrit par Henri Meilhac et Ludovic Halévy que Carmen apparaît comme une gitane flamboyante. Cette Carmen de Bizet (1838-1875) devient le mythe incontournable de la femme fatale. Le compositeur n’a été, pendant toute sa vie, que soumis aux femmes, ses amantes ou ses belles-mères.

 

Portrait de Georges Bizet
Portrait de Georges Bizet

 

Capable uniquement de la différenciation “mère” et “prostituée” en ce qui concerne les femmes, calfeutré dans sa vie bien rangée et ordonnée, écrasé sous les travaux musicaux, c’est vers la fin de son existence que le personnage de Carmen devient cathartique d’autant plus qu’il meurt à 36 ans en 1875, deux mois après la première de Carmen. Bizet aurait mis en Carmen tout ce qu’il n’a jamais pu vivre dans sa vie, tout ce qu’une vie amoureuse lui refusait. Carmen est en quelque sorte l’envers de Bizet.

 

un moment de l'opera avec José qui danse

 

Dans cette version, José est déjà fiancé à Micaëla, douce et soumise, qui est le  contre- point de Carmen. José ne peut cependant pas  résister au charme de la belle Andalouse.  Elle déploie ses envoûtements en chantant L’amour est un oiseau rebelle”. Cet air, mêlant le désir et la menace, résume assez bien les caractéristiques étranges de la bohémienne fatale. Mais, instable, la jeune bohémienne délaisse Don José pour s’attacher à un torero, Escamillo. Alors José, fou de jalousie, va commettre l’irréparable en tuant Carmen.

La mort de Carmen, la seule alternative pour répondre au destin

Le destin est le choix que Carmen a dessiné et a décidé. Elle préfère la mort à une vie médiocre et soumise, toujours  provocante, que ce soit dans ses gestes ou dans ses paroles: “Tu veux me tuer, je le vois bien(...) mais tu ne me feras pas céder”. Carmen croit au destin et prophétise elle-même sa mort. L’amour ou la mort sont les deux alternatives à l'expression de sa liberté.

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