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Haute gastronomie: les femmes mettent les pieds dans le plat

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Publié le 27 octobre 2019

C'est la conclusion que l'on pourrait tirer de la conférence organisée mardi dernier à Madrid par l'association d'amitié hispano-française Mujeres Avenir. A la tribune, des représentantes espagnoles et françaises du secteur ont revendiqué avec humour la place et la reconnaissance de la femme derrière les fourneaux. 

 

Et si seulement une douzaine de femmes ont reçu leurs trois étoiles dans toute l'histoire du guide Michelin, l'héritage, la transmission et surtout la qualité du travail assuré au quotidien par la gente féminine autour des arts de la table vaudrait pourtant, question étoiles, de Madrid jusqu'au ciel. Les choses changent néanmoins doucement et les cheffes et leurs consœurs sont bien décidées à obtenir la reconnaissance qu'elles méritent, dussent-elles bousculer les "contraintes sociétales", qui les limitent encore. Isabel Mijares et Verónica Fernandez de Córdova, membres du Comité de direction de Mujeres Avenir, étaient chargées de modérer les débats, qui ont apporté certains éléments de réponse pour expliquer cette situation. 

C'est Carina Cabezas, Présidente de Sodexo Iberia, qui a ouvert les débats, en évoquant une certaine "génération perdue", à propos de ces femmes nées dans les années 60 qui, afin de s'assurer leur indépendance, ont fait le choix de tourner le dos au modèle proposé par leurs mères, reclues trop souvent dans l'espace clôt de leur cuisine. On ne fait pas de tortilla sans casser d'œufs : en choisissant les livres contre les casseroles et les études contre le tablier, la première génération de femmes espagnoles à rompre avec le modèle familial traditionnel et à refuser la place qui leur était réservée, si elle a gagné en liberté et en indépendance professionnelle et économique, a aussi sur le chemin perdu un savoir-faire culinaire indéniable. 

 

Une différence de salaire de 15% entre hommes est femmes

Pourtant le secteur hôtelier en Espagne reflète une réalité où la présence féminine reste essentielle : avec près de 875.000 travailleuses recensées, soit 53% du personnel, les femmes sont majoritaires, et c'est vrai aussi en cuisine. Reines du temps partiel et des journées de travail discontinues, elles accusent néanmoins un retard de 15% sur la rémunération de leurs homologues masculins. Une inégalité évidente, qui s'avère encore plus criante dans la partie haute de la pyramide, où les femmes sont notablement sous-représentées. Qu'est ce qui fait qu'elles peinent tant, en France comnme en Espagne, pour atteindre les postes à responsabilité et obtenir les reconnaissances dues à leur labeur ?

 

La gastronomie est l'histoire d'une passion commune qui ne connaît ni de frontières ni de genre

Pour la cheffe française Annett Teich, propriétaire du restaurant BK à Montagnac, première femme à rejoindre l'association des Jeunes restaurateurs d'Europe (JRE), près de 40 ans après la fondation de cette dernière (!), "la gastronomie est l'histoire d'une passion commune qui ne connaît ni de frontières ni de genre". Après pendant de nombreuses années formé les jeunes talents, Annett Teich a pendant longtemps été reconnue "pour former des chefs"... mais jamais pour ses qualités de cheffe. "D'un point de vue de la société, une femme chef, cela n'existe pas", a-t-elle résumé. Elle a dénoncé une société qui encourage les femmes à "rester discrètes et paisibles et à se mettre en retrait pour satisfaire les besoins des autres". "La haute cuisine est faite de rigueur, de travail, de discipline et de beaucoup de temps investi à expérimenter". Un temps qui, s'il est utilisé pour les tâches ménagères, ne peut évidemment être mis à profit...


"Il y a un véritable problème de conciliation familiale dans notre profession", a renchéri Pepa Muñoz. La cheffe espagnole du célèbre restaurant madrilène "El Qüenco de Pepa", véritable référence dans la capitale, et par ailleurs présidente du récent concours la Cuillère d'Or, a cependant estimé qu'il s'était fait plus d'avancées en la matière au cours des 5 dernières années que pendant les 25 ans antérieurs. "La lutte pour la parité en cuisine est une lutte que nous devons faire de façon conjointe avec les hommes", a-t-elle défendu. "Il est vrai que souvent nous devons nous efforcer le double que nos homologues masculins, mais les choses changent progressivement", a-t-elle déclaré. Même discours pour l'Espagnole Isabel Maestre, lauréate du Prix national de Gastronomie et reconnue Meilleure entrepreneuse de l'année, propriétaire de "El Obrador de Cocina", un des services de catering les plus prestigieux du pays. "Il a fallu énormément lutter pour en arriver là" a-t-elle estimé.
 

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