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Stéphane Vojetta : “C’est une décision absurde et profondément injuste”

Inéligible pour un an et démissionnaire d’office après l’invalidation de ses comptes de campagne, Stéphane Vojetta dénonce une décision qu’il juge absurde et injuste. Il revient sur les faits, sur les “ennemis puissants” qu’il s’est attirés, et promet de continuer le combat hors de l’Assemblée. Une certitude : l’ex-député sera candidat en 2027.

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Stéphane Vojetta
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 12 juillet 2025, mis à jour le 29 septembre 2025

Quand avez-vous appris la nouvelle et dans quelles circonstances ?

La veille, j’étais à Séville pour une première soirée du 14 juillet, organisée par la communauté française. Et puis je suis rentré ce matin-là, vers 10 heures, chez moi à Madrid. Je venais à peine de passer la porte que mon avocat m’a appelé. Il venait de recevoir la notification du Conseil constitutionnel…

 

Et votre première réaction ?

Franchement, la stupeur. Puis très vite, de la frustration… et de la colère. Parce que je ne comprends pas les fondements juridiques de cette décision. C’est franchement incompréhensible. Je m’attendais à ce qu’ils invalident mes comptes de campagne — donc pas de remboursement des 10.000 euros que j’ai avancés — mais l’inéligibilité ?! C’est absurde. 

 

Mes dépenses étaient transparentes, et les recettes, c’était uniquement de l’argent personnel. C’est moi qui ai financé ma campagne, sur mes propres fonds. 


 

Vous reconnaissez quand même un manquement… 

Évidemment. Quand on fait campagne, on est obligé d’ouvrir un compte bancaire spécifique, au nom du mandataire financier. Mon mandataire a fait la demande immédiatement.

Sauf que la Banque Postale a mis cinq semaines à ouvrir ce compte. Cinq semaines ! Alors que normalement, ça prend quatre ou cinq jours. On les a appelés dix fois, ils nous disaient “demain, c’est réglé”. Mais rien ne bougeait. C’était ubuesque. Résultat : le compte a été ouvert… une semaine après le second tour.

Donc oui, techniquement, je n’ai pas respecté la loi. Mais pas par négligence ou mauvaise foi : parce qu’il était tout simplement impossible de le faire dans les temps ! Ensuite, tout a été régularisé.

La Commission avait tous les justificatifs. Mes dépenses étaient transparentes, et les recettes, c’était uniquement de l’argent personnel. C’est moi qui ai financé ma campagne, sur mes propres fonds. Je publierai l’intégralité du dossier, pour que chacun puisse juger sur pièces.

 

Vous ne pensiez donc pas que cela irait si loin ? 

Pas un seul instant. Moi, je me disais, la Commission des comptes de campagne est un peu rigoriste, elle va me dénoncer devant le Conseil constitutionnel. Mais je pensais que le Conseil, lui, allait reconnaître ma bonne foi. Qu’il allait dire : bon, les comptes sont rejetés, il n’y aura pas de remboursement, mais ça s’arrête là. Sauf que cette fois, ça ne s’est pas arrêté là… Et c’est une vraie douche froide ! 



Avez-vous le sentiment d’avoir été ciblé politiquement, ou est-ce tomber dans le complotisme que de le penser ?

Écoute, dire que j’ai été ciblé, ce serait probablement verser dans le complotisme. Mais malgré tout… je suis obligé de me poser la question. Pourquoi moi ? On sait qu’il y a eu des dizaines de députés — des dizaines ! —  et des centaines de candidats — qui ont rencontré des difficultés similaires lors de ces élections anticipées, notamment sur l’ouverture de leurs comptes de campagne.

On parle quand même d’une dissolution surprise, annoncée trois semaines avant le premier tour… La Banque Postale a été débordée, beaucoup ont galéré. Et pourtant, je suis le seul à me voir infliger cette sanction extrême. Et moi, je me demande, effectivement, pourquoi est-ce que je suis seul à devoir être puni ? 

 

Il y a quand même deux autres députés dans votre cas. 

Les deux autres députés concernés, Jean Laussucq et Brigitte Barèges, qui ont aussi vu leurs comptes invalidés, c’est pour des raisons très différentes. Eux, on leur reproche d’avoir utilisé des moyens qu’ils n’étaient pas autorisés à employer pendant leur campagne. Enfin, il me semble. 

 

Je me suis fait quelques ennemis puissants. Mais cela ne me fait pas reculer. J’ai toujours l’intention de continuer à me battre.


 

Votre mandat s’interrompt brutalement. Que comptez-vous faire pendant cette période d’inéligibilité ? 

D’abord, je vais souffler un peu. Reprendre mon souffle. Parce que c’est un vrai choc. Mais mes combats ne s’arrêtent pas là. On m’empêche de les mener en tant que député. Heureusement, j’ai acquis une certaine notoriété, des réseaux, des moyens d’action. Je vais continuer à œuvrer autrement : en lien avec des parlementaires, des associations, des experts, des économistes… tout un écosystème engagé.

Mes deux priorités restent les mêmes : d’un côté, la régulation des écrans et des réseaux sociaux, de l’autre, le devoir de sincérité sur les comptes publics — en particulier sur la part des retraites dans le déficit. 

Ce sont des sujets sensibles, et il est vrai que ces deux combats m'ont généré beaucoup d'inimitiés. Je me suis fait quelques ennemis puissants. Mais cela ne me fait pas reculer. J’ai toujours l’intention de continuer à me battre.

 

Dans ma vie, j’ai déjà connu des coups durs, comme le parachutage de Manuel Valls à ma place, à l’époque. 

 

Et vous envisagez de vous représenter aux législatives en 2027 ? Ou c’est encore trop flou ?

A mes yeux, c’est une évidence. Je n’ai pas terminé ce que j’ai commencé. Je ne suis pas en colère pour moi : dans ma vie, j’ai déjà connu des coups durs. Y compris le parachutage de Manuel Valls à ma place, à l’époque. C’était dur, oui, mais je me suis relevé. Donc ce qui m’arrive aujourd’hui, c’est embêtant, mais ce n’est pas dramatique à titre personnel.

Ce qui me met vraiment en colère, c’est que j’étais enfin dans une dynamique forte, sur mes deux grands combats : la régulation des écrans et la sincérité budgétaire. J’étais en train de porter ces sujets au plus haut niveau. Et là, on me coupe en plein élan. Voilà ce qui me frustre. Mais clairement : oui, je me projette en 2027.

 

Pour conclure… un message plus personnel face à cette décision ?

J’ai toujours essayé de faire les choses à ma manière, en tant que député. Une manière parfois un peu abrupte, je le reconnais. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

J’avais le sentiment d’avancer, de vraiment faire bouger les lignes sur mes combats. Alors oui, cette décision me paraît profondément injuste. Elle est légale, incontestable, et je dois m’y plier. Mais je ne veux pas qu’elle m’arrête. Je vais rebondir, redoubler d’énergie, trouver d’autres façons de peser dans le débat public. Et si un jour l’occasion se présente de revenir à l’Assemblée, je proposerai aux électeurs de me faire à nouveau confiance.

Stéphane Vojetta a également partagé une infolettre détaillée à ses électeurs, dans laquelle il revient sur les circonstances de son inéligibilité, sa vision de la décision et ses projets à venir. Lire l’infolettre complète

 

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