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Stéphane de Creisquer: "Le Groupe Volvo est leader du marché espagnol"

Stéphane de CreisquerStéphane de Creisquer
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Publié le 24 octobre 2017, mis à jour le 24 avril 2018

CEO du groupe Volvo en Espagne, il est présent depuis 20 ans dans un pays qu'il apprécie tout particulièrement et dont il maîtrise la culture sur le bout des doigts, en dedans, mais aussi en dehors de l'entreprise. Une intégration qui s’avère essentielle dans son domaine : on ne vend pas un poids-lourd sans mouiller sa chemise, ou formulé autrement, sans s'être imprégné des codes d'un secteur inscrit dans l'ADN entrepreneuriale ibère, le transport routier, qui représente désormais la 2e flotte internationale en Europe. Un secteur où, Stéphane de Creisquer peut s'en féliciter, le groupe Volvo est aujourd'hui leader, avec 28,7% de parts de marché, sur la gamme dite "lourde", supérieure à 16 tonnes. "En Espagne, 91% des marchandises sont transportées par la route", rappelle-t-il. Une prédominance d'un mode de transport qui seul sait assurer à la fois ponctualité et flexibilité, et dont il défend le rôle structurant de l'économie nationale, mais aussi transnationale. Questions-réponses.

 

lepetitjournal.com : Comment se décline l'activité du groupe Volvo en Espagne ?


Stéphane de Creisquer : Notre activité en Espagne est portée par la vente de poids-lourds. Le groupe Volvo, pour couper court à un amalgame courant, ne fabrique plus de voitures, mais des véhicules industriels : camions donc, mais aussi autobus et machines de travaux publics, ainsi que des moteurs de bateaux. Présent dans 194 pays, le groupe Volvo est le second constructeur mondial de poids lourds et il représente environ 100.000 employés, dont 700 basés en Espagne, où nous facturons près de 700 millions d'euros. Et près de 70% de notre chiffre d'affaires y est constitué par la vente de camions. Notre gamme lourde, supérieure à 16 tonnes, qui comprend les marques Volvo Trucks et Renault Trucks, est leader sur le marché espagnol, avec 28,7% de parts de marché, soit quelque 6.250 véhicules vendus par an. Il s'agit d'une gamme stratégique de notre activité et de notre développement dans le pays. C'est d'ailleurs logique : l'Espagne est un pays qui a beaucoup travaillé sa logistique et où l'Europe a grandement investi en termes d'infrastructures routières. Avec la crise, qui a été sanglante pour le secteur, les entreprises ont fortement développé leur activité en dehors des frontières du pays, et l'Espagne représente désormais la deuxième flotte internationale d'Europe. Aujourd'hui, le transport international représente 20% du marché espagnol du transport. Parallèlement, on a atteint un niveau de concentration du marché équivalent à ceux de la France, de l'Allemagne ou de la Hollande, et une certaine maturité qui favorise les grosses entreprises, au dépend des structures plus modestes. Le marché est plus organisé, plus rationnel, plus pérenne. 

 

Comment le groupe Volvo a réussi à s'imposer sur ce marché ? Dans quelle mesure y avez-vous contribué ?


Notre leadership est d'une part lié au fait que, historiquement, Renault Trucks jouit d'une forte notoriété dans le pays, où la marque est installée depuis très longtemps. Avec l'arrivée de Volvo Trucks en 1963, nous avons d'autre part développé une croissance progressive, qui s'est faite pas à pas, et qui s'est avérée particulièrement organique. Nous avons peu à peu gagné nos lettres de noblesse, en nous appuyant sur la valeur ajoutée que nous apportons à nos clients, grâce à la fiabilité et à la qualité de nos véhicules. Les camions Volvo Trucks sont non seulement réputés les plus sûrs, mais ils peuvent aussi se targuer d'un coût au kilomètre le plus compétitif du marché. Cela dit, même si nous avons gagné des parts de marché pendant la crise du fait des avantages que je viens d'énumérer, même si le marché aujourd'hui grossit, et même s'il devrait continuer à grossir du fait du renouvellement des flottes après la crise, notre place, nous avons dû la gagner, personne ne nous a fait de cadeau. C'est depuis 1998 sur le terrain, en m'impliquant auprès de mes clients, en participant aux diverses manifestations que ces derniers organisent, que j'ai contribué à ce développement et que j'ai, à titre personnel, tissé des liens avec le secteur, où le contact humain reste fondamental. 

 

Comment jugez-vous le secteur aujourd'hui ?


En 2013, le marché des véhicules industriels représentait 12.000 véhicules, en 2017, ce sera 22.000 : on est donc sur une tendance à la hausse. Par ailleurs, comme je l'ai dit, le secteur du transport routier s'est fortement concentré et internationalisé pendant les années de crise et ces deux tendances devraient continuer à se confirmer. L'Espagne est le premier verger européen, le couloir méditerranéen constitue un axe de transport fondamental avec le reste de l'Europe continentale. Parallèlement, le marché domestique reprend du poil de la bête, ce qui est une bonne nouvelle. Les transporteurs routiers espagnols ont gagné une renommée justifiée : ils sont travailleurs et acceptent plus de contraintes, à coût plus ou moins égal que leurs concurrents européens. On devrait donc connaître une bonne tendance dans les années à venir. Cela dit, le secteur ne bénéficie d'aucun plan d'aide gouvernemental pour le renouvellement des flottes. Il n'y a pas de plan PIVE pour les poids-lourds, et je le regrette énormément. Au niveau des constructeurs, nous souhaiterions que nos clients puissent être incités à investir dans des véhicules nouveaux, plus économiques, plus sûrs, plus écologiques et plus performants.

 

Le transport routier n'est-il pas menacé par d'autres modes de transport, notamment ceux qui sont moins générateurs d'accidents ou moins polluants ?


La prédominance du transport routier vis à vis des autres modes de transport est aujourd'hui incontestable. Malgré les discours politiques, les faits objectifs sont qu'en Espagne, 91% des marchandises sont transportées par la route. Au niveau transfrontalier, entre la France et l'Espagne, c'est la même chose. Et ce n'est par hasard : il s'agit du seul mode de transport qui permet d'assurer à la fois ponctualité et flexibilité, à coûts contrôlés. Ni le ferroviaire, ni le maritime ne permettent de réorienter une marchandise à la dernière minute, si nécessaire. Quant à l'aérien, ses coûts sont largement plus prohibitifs. De toutes façons, il faut bien avoir à l'esprit que les normes européennes sont aujourd'hui telles, qu'un camion pollue 20 fois moins qu'il y a 10 ans. Un effort considérable a été fait de la part des constructeurs à cet égard. Chez Volvo Trucks, le service après-vente de nos véhicules inclut en outre à une formation permanente de nos chauffeurs routiers. Nous sommes très sensibilisés aux questions de sécurité, où nous sommes précurseurs. Il existe enfin aujourd'hui des outils télématiques de gestion de flotte qui permettent d'optimiser la consommation de carburant, ou encore de gérer la circulation en fonction du trafic, pour plus de sécurité et d'efficacité.

 

Et le camion de demain ? Sera-t-il autonome ? Sera-t-il encore plus propre ?


Pour fonctionner dans un environnement clos, par exemple au sein d'un site industriel, ou dans une zone portuaire, nous sommes techniquement prêts pour fabriquer des véhicules sans chauffeur qui fonctionnent parfaitement. On devrait donc sous peu voir l'usage de ce type de véhicules se développer. Aujourd'hui, ce qu'il manque, ce sont les normes, la régulation, et surtout un protocole de communication entre tous les véhicules, qui retarde notablement le lancement de ce genre de camions sur des espaces ouverts, où circulent d'autres personnes. Je ne pense pas que cela se réalise avant 2030 - 2035.
Concernant les alternatives énergétiques, la tendance à moyen terme est plutôt orientée vers le gaz liquide. Un poids-lourd, ce sont 44 tonnes à mettre en mouvement : techniquement, on n'est pas en mesure de fabriquer des batteries électriques qui y parviennent de façon efficace. En fait, beaucoup de choses se passent en ce moment en R&D, chez les constructeurs, on va assister à une véritable révolution technique, au niveau du transport. L’industrie automobile va plus changer dans les dix années qui viennent que lors des cinquante dernières.

 

Comment se positionne l'Espagne par rapport à ces techniques du futur ?


Concernant les capteurs, qui permettent la communication entre véhicules, le pays est très en retard. Concernant l'approvisionnement et la distribution du gaz liquide, il est plutôt en avance par rapport au reste de l'Europe.

 

Est-ce difficile de faire des affaires en Espagne ?


Outre les efforts personnels pour apprendre la langue et la culture, je crois qu'une fois ce cap passé, faire du business en Espagne, c'est plutôt agréable, même si la concurrence est féroce. Je l'ai dit, les relations humaines y sont essentielles, or les Espagnols ont un premier contact facile, ils sont plutôt amicaux, francs et entiers. Surtout, l'Espagne a beaucoup changé avec la crise : les travailleurs sont devenus plus internationaux, ils ont acquis une véritable soif d'apprendre, et ils sont très travailleurs, même s'il existe encore un certain potentiel de productivité à exploiter. Autrefois, on avait un regard un peu hautain sur le sérieux et les performances économiques du pays : c'est désormais complètement dépassé. Et il y a encore un vrai potentiel de croissance dans le pays, je crois que c'est un bon moment pour investir. Pour ma part, que ce soit au sein du Conseil d'Administration de la Chambre Franco-Espagnole de Commerce et d'Industrie, du Conseil d'Administration de la CCI Hispano-Suédoise, ou avec les Conseillers du Commerce Extérieur de la France, j'essaye de faire valoir cette vision. Tout mon intérêt et ma passion, c'est qu'il y ait un maximum de liens qui se créent entre l'Espagne et la France. Nous sommes des pays complémentaires, des cultures différentes, mais qui se s'entendent et se comprennent et dont j'ai toujours prôné qu'on fasse la somme.