L'entreprise de demain doit réaliser sa transformation digitale aujourd'hui. Partant de ce constat, conscient du déficit en Recherche et Développement dont pâtit l'Espagne, fort de son expérience en conseil en entreprise, notamment sur des questions d'organisation entrepreneuriale et de recherche de financements, le Président des Conseillers du commerce extérieur de la France en Espagne, ex-DG d'Altran en Espagne, ex-DG d'Alma Consulting sur la péninsule Ibérique, a levé de l'argent et fondé sa propre structure, TMC Espagne, en 2016. "Nous vivons actuellement un momentum espagnol, dont il faut savoir profiter. Les talents ont quitté le pays avec la crise, il faut les rapatrier", estime-t-il. Sa vision des réorganisations nécessaires à l'entreprise, liées aux évolutions technologiques, est particulièrement éclairante. Au-delà des impératifs d'aujourd'hui, c'est aux défis de l'horizon 2030 que cet entrepreneur se prépare déjà. "J'ai toujours vécu l'innovation comme un moteur de sortie de crise", déclare Emmanuel Mielvaque. Bienvenue dans l'avenir.
(Photo DR) "Parier sur l'humain pour conduire les changements nécessaires à l'entreprise de demain", pour y implanter les évolutions technologiques incontournables à son bon fonctionnement, relève à la fois du domaine de l'oxymore, d'une certaine forme d'utopie, mais surtout d'un pragmatisme visionnaire qui caractérise assez bien Emmanuel Mielvaque, 44 ans, fervent adepte de la formule et CEO de TMC à Madrid. Fondée par ses soins et avec ses capitaux en 2016, après 20 ans en Espagne et un long parcours professionnel au plus haut niveau, cette filiale de TMC Group constitue la 5e antenne européenne d'une entreprise internationale de haute technologie, originaire de Hollande, implantée en Belgique, France, Italie et à Dubaï. Avec une expertise dans les domaines de la robotique, des nanotechnologies, du big data, de l'aérospatiale, de l'automobile ou de la microélectronique entre autres, le groupe emploie près de 1.000 ingénieurs, dont plus de 30 en Espagne, qui ont été séduits par un nouveau modèle de relation à l'entreprise : l'employeneurship. Mélange d'employé et d'entrepreneur, le néologisme employeneur embrasse dans le jargon de la structure une série de concepts spécifiques à TMC, qui constituent à la fois son ADN et sa marque de fabrique, tant en interne qu'en externe, au niveau de sa relation client. Toujours est-il que l'employeneur, ou intrapreneur en version française, représente l'un des paris humains sur lesquels se fonde la vision d'Emmanuel Mielvaque.
"Nous sommes en constante veille afin de détecter les talents, ingénieurs en poste ou en recherche de travail, qui sont en mesure d'aider nos clients dans leur transformation digitale", explique-t-il. "Nous réalisons 25 entretiens par semaine et disposons d'un viviers de quelque 200 personnes qui, le moment venu, peuvent être en mesure d'intégrer notre structure". L'usine de demain, celle qui se forgera dans l'industrie 4.0, a-t-elle pour autant sa place en Espagne ? "Depuis l'été 2014 et les premiers signes tangibles de sortie de crise, j'ai eu l'occasion de réfléchir aux besoins qu'allaient connaître les entreprises et les secteurs concernés", avance ce diplômé de Sup de Co Reims (NEOMA), promo 96 et ExEd d'HEC en 2008. "Il y a un point commun pour tous les acteurs de l'innovation en Espagne : les talents, faute d'investissement dans le secteur, sont partis. Avec le retour des financements, les entreprises souffrent d'un manque de personnel qualifié en engineering. Or l'Espagne est un pays qui jouit d'un très bon niveau de formation, à l'instar de l'engineering industriel, des telecoms, ou dans les sciences pures par exemple", déroule encore l'intéressé. Pour Emmanuel Mielvaque, l'équation était claire, elle n'aurait pas forcément été à la portée de tous. Avec une industrie moribonde, une forte spécialisation dans les services, et notamment le tourisme, et un des pires pourcentages du PIB dédié à la R&D, l'entrepreneur a tranché : "Nous vivons un momentum espagnol, fait du retour des investissements, couplé à la volonté européenne de se réindustrialiser et à l'existence d'une main d'?uvre qualifiée, dont le coût est moindre que dans le reste de l'Europe, qui est attachée à sa culture et ses racines, et désireuses, lorsqu'elle est partie, de rentrer au pays". S'appuyant sur le niveau élevé des investissements étrangers, et notamment français, en Espagne, il a identifié des domaines privilégiés, l'énergie, le pharmaceutique, l'automobile, l'aérospatial et les telecoms notamment.
Sa réflexion, l'entrepreneur l'a poursuivie avec une grande donnée bien en tête : l'émergence transversale du big data et l'ampleur du bouleversement que constitue le phénomène au sein des entreprises. "En 2016 en Espagne, moins d'un tiers des entreprises avaient mis un agenda digital dans leur plan stratégique de développement : c'est gravissime. Quand on voit ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Chine par exemple, on comprend que les entreprises qui ne seront pas montées dans le train digital rapidement risquent de souffrir un gap concurrentiel énorme", analyse-t-il. "Il y a toute une formation des dirigeants à la stratégie digitale qui doit être menée à bien", ajoute-t-il. Or l'usine de demain, "la smart factory", sera une usine connectée, prévoit-il encore. Entendez : des millions de données issues du numérique, interconnectées, reflétant l'organisation interne de l'entreprise, l'outil de production, le facteur humain, ou encore, et pour certains surtout, le comportement du marché et de la clientèle, comme autant d'éléments qui peuvent (et donc doivent) être analysés et intégrés à la stratégie de l'entreprise. Un chantier de taille, multidirectionnel, aux enjeux énormes. Un chantier qui reflète la capacité d'un tissu industriel à se structurer en fonction de l'évolution technologique, de tirer, en amont, toutes les conséquences qui en découlent.
Dix-huit mois après sa création TMC Espagne devrait générer plus d'1,8 millions d'euros de chiffre d'affaires, et la rentabilité est au tournant. Avec une "business unit" à Bilbao, l'ouverture prochaine d'une autre à Barcelone et des visées sur le Portugal, mais aussi des marchés en Amérique Latine, TMC est en pleine expansion. Et recrute. "Nous cherchons à nous entourer d'employeneurs qui ont un fort esprit de l'entrepreneuriat, des connaissances techniques de pointe, une vision innovante et une certaine idée destructive de l'organisation traditionnelle de l'entreprise", déclare le CEO. Et cet adepte du mindfullness apporte une importance cruciale au facteur humain, dans le succès de son entreprise. "Nos employeneurs bénéficient d'un modèle unique, qui n'existe nulle part ailleurs en Espagne" s'enthousiasme-t-il. Un modèle qui comprend contrat en CDI, intéressement sur les profits des projets associés, plateforme de formation, coach externe dédié, mobilité au sein des zones géographiques et des zones de compétences couvertes par l'entreprise et "entrepreneuriat Lab", un espace de créativité propice aux transferts de technologie, d'un domaine à un autre. "Je souhaite que l'innovation soit fluide dans l'entreprise, en interne et en externe", appuie Emmanuel Mielvaque. "Notre modèle, c'est une nouvelle relation au travail, un format qui s'adapte à merveille aux nouveaux millenials", défend-il encore. Un simple tour dans les locaux de TMC et un échange d'une demi-heure avec le CEO permet de comprendre que c'est surtout un ticket pour l'avenir que promet TMC à ses partenaires.
"Qu'on le veuille ou non, qu'on le juge éthique ou pas, il faut savoir que l'entreprise de 2030 aura l'intelligence artificielle pour moteur. Cela pose certainement des questions et des défis en termes d'emploi, mais c'est une technologie qui ne va pas s'arrêter, et qu'on ne peut pas ignorer. Avec l'intelligence artificielle en son centre, et la robotisation qu'elle induit, il est nécessaire de réfléchir aux notions et aux problématiques liées aux plateformes d'objets connectés, à la blockchain et à la sécurité des données". Et de conclure, à propos de TMC : "On joue dans la cours des grands, mais on apporte quelque chose de frais. On a le sourire et la patate".
Vincent Garnier www.lepetitjournal.com Mardi 4 juillet 2017
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