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Katy Segal (#LesCréatrices): "Un projet qui me permet d’être nomade"

katy segal Les Créatriceskaty segal Les Créatrices
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Écrit par Eva Sannino
Publié le 28 novembre 2017, mis à jour le 19 avril 2018

Katy Segal a créé sa propre marque de sacs à main lors de son expatriation au Brésil, avec son associée Alexandra. A son arrivée à Madrid, elle poursuit le développement de la marque, dans un esprit nomade et solidaire, en inscrivant la force commerciale de son concept, au sein de la communauté expatriée. Portrait.


lepetitjournal.com : Qu’est-ce que Les Créatrices ?


Katy Segal : J’ai rencontré Alexandra, mon associée actuelle, il y a maintenant deux ans au Brésil. Nous étions toutes les deux à un moment où nous voulions changer de voie. Après avoir pris conscience du besoin en sacs à main à prix raisonnables auprès des expatriés, nous nous sommes lancées dans l’aventure entrepreneuriale. D’abord avec le tissu, puis avec le cuir, nous proposions nos créations au Brésil avec des ventes privées, qui sont d'ailleurs toujours d’actualité grâce à une collaboratrice sur place. Le E-Shop sur notre site web est plutôt destiné aux ventes en Europe et dans le monde. Nous développons en parallèle un réseau "d’ambassadrices" à l’international, qui soit revendent les produits avec un stock, soit simplement diffusent des codes de promotion pour le site. Maintenant que je suis à Madrid, je fais des ventes privées dans la capitale et Alexandra fait de même à Paris. Nos produits sont également disponibles dans des magasins multimarques à Saint Cloud et Saint Jean de Luz, et bientôt à Bruxelles. Notre marque reverse 5% du chiffre d’affaires à une association brésilienne, Santa Fé, où Alexandra avait fait du bénévolat. Cette organisation accueille et trouve des familles pour les enfants maltraités ou abandonnés. Notre motivation principale lorsque nous avons lancé Les Créatrices était de créer un poste qui avait un sens et qui était en phase avec nos valeurs, un travail dont on était fières et qui nous permettait d’avoir une action sociale positive. Maintenant, nous faisons ce que nous aimons au quotidien, tout en faisant bénéficier ceux qui en ont besoin. La crise a été extrêmement violente au Brésil : nous ne nous voyons donc pas profiter de ce dont on a besoin et ne rien donner en retour.

 

Quelle est l’histoire de l’entreprise ?


Nous avons monté la société depuis le Brésil en octobre 2015, mais Alexandra a rejoint Paris fin février l’année suivante, et moi Madrid en juin 2016. Tout est arrivé très vite grâce à l’énergie de ce pays sud américain hors du commun. Nous avons décidé en juin 2015, autour d’une table dans un café de nous lancer. L’idée a évolué à mesure des rencontres avec les fournisseurs de matières premières pendant des journées entières. Nous ne nous sommes pas trop posé de questions. Dans l’esprit brésilien, le lendemain n’existe pas. L’expression "Dar um jeito", signifiant "on va trouver un moyen", résume bien l’optimisme qui leur est caractéristique. Nous avons eu tout de même pendant les quelques mois où nous résidions encore là-bas le temps de mettre en place les ateliers. L’entreprise est en fait officiellement basée en Angleterre, où nous avons engagé un comptable. La fiscalité y était très intéressante. Avec le Brexit, nous hésitons à changer notre stratégie mais il est clair que les normes de la City simplifient les démarches pour monter une entreprise : ça peut se faire en une heure en ligne. En ce qui concerne la production, 98% se font dans les ateliers brésiliens, surtout pour tout ce qui est cuir, et 2% en Espagne. Notre coeur reste au Brésil, même s’il est parfois difficile de travailler d’aussi loin. Pour coordonner tout cela, nous communiquons par téléphone, Whatsapp et Skype. Nous essayons quand même de nous rendre sur place deux fois par an, pour voir les locaux, l’association, etc. Ce pays reste paradoxal : tout est compliqué mais tout est possible, parce qu’il n’y pas vraiment de règles. Monter une entreprise dans un domaine que nous ne connaissions pas aurait été très difficile en France.

 

Quel est votre parcours ?


J’ai obtenu une Maîtrise en sciences de gestion à Dauphine, avant de partir pour les Etats-Unis. J’ai d’abord travaillé dans une banque avant d’être engagée dans le service marketing d’une maison de parfum. Pour cette société, j’ai successivement bougé en Angleterre, puis en France où j’ai rencontrée mon mari. Dans le cadre de son travail, nous avons déménagé en Slovaquie, en Pologne, en Belgique et enfin au Brésil, à Rio et Sao Paulo. Sur cette dernière période, je travaillais en freelance. J’ai ensuite ressenti le besoin de changer de carrière, j’ai donc passé un diplôme de photographie professionnelle à Sao Paulo, tout en continuant les études marketing en freelance à côté. C’est à ce moment que j’ai rencontré Alexandra, qui était à l’époque podologue pour athlètes, et elle voulait aussi se lancer dans une nouvelle vie professionnelle. Aujourd’hui, je suis à 100% consacrée à notre entreprise, c'est un projet qui me permet d’être nomade.

 

Avez-vous rencontré des difficultés ?


J’ai eu la chance d’avoir une aide à la reconversion avec un coach, qui avait institué un réseau d’entraide. J’y étais très active dès que je suis arrivée au Brésil et après un an et demi, je connaissais assez bien le milieu de l'entrepreneuriat. Ces réseaux sont très solidaires, ce qui permet de gagner un temps incroyable et d’éviter quelques obstacles liés à l’entrepreneuriat. Au niveau financier, au début nous avons investi toutes les deux pour les matières premières. Actuellement, nous réinvestissons systématiquement ce qui est gagné, nous ne sommes pas rémunérées pour l’instant. Pour bénéficier d’une bouffée d’air, nous avons tout de même organisé l’année dernière une levée de fonds grâce à la plateforme de financement participatif, ou crowdfunding, KissKissBankBank. Des particuliers investissent dans des projets comme le nôtre, sachant que nous leur reversons 5% de notre chiffre d’affaires en retour et un cadeau de la marque. En outre, notre statut d’entreprise anglaise nous pose quelques problèmes en France. Le système franco-français nous bloque par exemple l’accès à la Poste professionnelle, bien que nous possédions un code d’entreprise légal. Nous pensons à changer de statut et monter la société ailleurs. Le plus compliqué reste la production. Il faudrait s’y rendre deux fois par semaine, ce qui nous est impossible. Les ateliers peuvent par exemple mélanger deux fiches techniques et faire un sac au lieu de deux. La production a pu prendre jusqu’à six mois de retard mais maintenant nous anticipons les imprévus assez fréquents chez nos fournisseurs brésiliens. Au lieu de faire des collections, nous sortons des éditions limitées tous les mois ou tous les deux mois. Nous avons appris ça sur le coup.

 

Et aujourd’hui, où en êtes-vous ?


Nous voudrions diversifier la production en Europe avec des artisans, même si nous garderons toujours la production brésilienne, cela fait partie de notre marque. Nous rencontrons quelques difficultés cependant : les gens ne donnent pas les informations aussi facilement qu’au Brésil. En général, ils ont peur de se faire "voler" leur fournisseur. Pour l’année prochaine, nous envisageons aussi de réinvestir pour organiser différemment nos offres et nous différencier des concurrents. Notre marché actuel est majoritairement européen mais aussi brésilien. Nous avons commencé à vendre aussi au Japon grâce au travail de nos ambassadrices et à Hong Kong avec une plateforme multimarques. A l’avenir, nous voudrions développer le système des ambassadrices, qui sont souvent comme nous des nomades expatriées, pour s’implanter dans de nouveaux pays et développer la marque. Nous encourageons d’ailleurs les expats du monde entier qui serait intéressés par ce type de travail à nous contacter ! Nous voudrions développer la vente en ligne et nous avons des projets pour deux produits spécifiques pour l’année à venir, quitte à moins se diversifier dans notre offre. Aujourd’hui, je ne me vois plus retourner dans une entreprise, j’aime beaucoup trop ce que je fais : le dimanche soir je suis pressée d’être lundi pour continuer l’aventure. C’est très grisant d’être autonome dans tous ces nouveaux domaines que nous avons appris à maîtriser, comme le site internet ou l’univers du cuir et des sacs. Cette année, nous avons marché beaucoup à vue mais là il va falloir un business plan pour nos projets. Les prochaines étapes : pouvoir se payer, embaucher, faire grandir la marque et pourquoi pas la revendre pour en monter une autre derrière ou simplement s’occuper de la partie création. Mais d’après ce que j’ai appris des différentes expériences, il nous faudra plus ou moins sept ans. Nous avons régulièrement recours à une Community Manager qui étudie et conseille au niveau de notre présence sur les réseaux sociaux. Enfin, nous ne voulons pas de magasin physique, nous voulons rester légères et nomades.

 

Que représente votre associée Alexandra ?


Nous faisons tout toutes le deux, excepté la production, et développons tous les produits ensemble en suivant nos goûts. Le partage des tâches s’est fait naturellement, nous sommes très complémentaires : je m’occupe plutôt des chiffres et des photos parce-que ce sont mes domaines de compétences, tandis qu’Alexandra s’occupe complètement du site internet. Nous nous partageons aussi les ateliers. Je ne me serais jamais lancée toute seule. A deux, la motivation se transmet mutuellement et une synergie se crée. C’est vrai au niveau des idées et de la création, au niveau du moral, mais surtout j’apprécie de pouvoir prendre des décisions avec elle. Partager la responsabilité et la prise de risque est très important. Pour l’investissement financier de départ, un double apport est toujours un plus. Seul, la pression des chiffres peut être très lourde. Nous partageons aussi nos réussites et nos succès. Concrètement, je travaille seule de chez moi mais je reste en contact permanent avec Alexandra par téléphone et Whatsapp. Même si c’est pratique de travailler chez soi, j’envisage tout de même le coworking pour l’année prochaine.

 

Comment vivez-vous l’expatriation à Madrid ?


Avec mon expérience et mon réseau, j’ai facilement trouvé des contacts, souvent grâce à des amis du Brésil qui avaient des connaissances dans la capitale espagnole. En plus, mes enfants sont scolarisés au Lycée français, ce qui facilite les rencontres. Au niveau professionnel, j’ai rencontré d’autres entrepreneures de bijoux par exemple avec qui j’ai organisé des ventes privées. Les Créatrices ont sponsorisé le Beaujolais Nouveau avec Madrid Accueil, et la marque sera également présente à la vente de Noël de l’Entraide française le 3 décembre prochain. J’adore la vie d’expatriée parce-qu’il n’y pas vraiment de routine et cela permet de rencontrer énormément de gens. Par contre, il faut constamment reconstruire sa vie. Il faut déménager, dans mon cas avec trois enfants qu’il faut scolariser, s’installer, etc. La famille étendue n’est pas à nos côtés. Et enfin, un décalage peut parfois se créer avec mes amis de France, qui ne comprennent pas forcément les détails de ma vie d’expatriée et d’entrepreneure. L’installation à Madrid a été relativement facile par son côté très européen et la langue n’a pas été autant un choc, par rapport à mon arrivée au Brésil. Ici, j’ai pu me débrouiller avec le portugais.

 

Quels conseils donnerais-tu aux entrepreneurs de Madrid ?


Pour monter une entreprise nomade notamment, il faut se doter d’une structure juridique qui permet de rester libre. Ensuite, en général je suis persuadée qu’être deux constitue la clé de la réussite. Troisièmement, l’option des "brand developers", ou ambassadrices dans notre cas, permet de se développer à l’international. Enfin, réseauter et networker reste primordial. Dans le cas des entrepreneures surtout, des sites comme Femme expat ou Business O Féminin sont spécialisés dans les trajectoires féminines, on y trouve des tuyaux mais c’est aussi très inspirant. Je crois beaucoup aux rencontres, qui ouvrent souvent des portes inattendues. Cela fonctionne vraiment. Comme nous l’avons souligné dans notre article pour Expat Value : foncez, suivez votre instinct et vous déplacerez des montagnes !

 

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A Madrid les 30 novembre et 1er décembre de 8h30 à 20h chez Clémence, Calle Puentecillo, 8 pour une vente privée; à la vente de Noël de l‘Entraide Française le 3 décembre de 10h à 21h à l’Hotel Melia Castilla, Calle Poeta Joan Maragall, 43. 

 

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