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"Je suis Français, urgentiste en Espagne, à Saragosse"

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Photo d'illustration / Jonathan Borba
Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 17 mars 2020, mis à jour le 20 octobre 2020

Tandis que le nombre de personnes infectées par le Coronavirus ne cesse de croître de façon exponentielle en Espagne, avec plus de 11.000 cas détectés au 17 mars, Yannick, urgentiste français à Saragosse raconte son quotidien et analyse l'évolution de la pandémie dans le pays.

 

"Je sors de 5 jours intenses aux Urgences de mon hôpital, où depuis le jeudi 12 mars nous sommes en trêve / isolement national partiel, et depuis le samedi 14 mars en isolement total et obligatoire.

Le personnel hospitalier, certains travailleurs (pharmacie, supermarché) ainsi que pompiers et policiers, sommes autorisés à circuler. Le reste de la population est isolée chez soi et encourt des procédures judiciaires si elle ne respecte pas ces nouvelles normes. 

Nous avons été en contact jusqu’à aujourd’hui avec énormément de patients positifs (ou probablement positifs) et le maître mot est “seul le patient grave sera hospitalisé et le test COVID-19 réalisé”. Nous sommes arrivés en moins d’une semaine à une situation agonisante par faute de chambres d’hospitalisation, de respirateurs, de chambres en soin intensif. Pour exemple, dans mon seul établissement plus de la moitié des lits de soins intensifs est occupé. Les patients présentant des symptômes sans complications (bon état général, sans difficulté respiratoire, ni facteur de gravité) sont isolés à leurs domicile et considérés comme COVID positif. Ils sont contactés régulièrement pour suivi des symptômes par les cellules de crises téléphoniques mis en place. 

Les médecins à la retraite et certains étudiants de dernière année sont réquisitionnés pour aider volontairement dans ces cellules de crise. Et éviter un déplacement non obligatoire de la population. Pour vous l’illustrer, un étage complet a été réquisitionné dans mon hôpital pour libérer des chambres d’hospitalisation pour patients graves mais stables sans besoin de technique invasive respiratoire. Les différents hôpitaux de Saragosse commencent à manquer de chambres également, et de moyens (masques, lunettes de protection, tenue EPI etc..) car le gouvernement a trop attendu avant d’agir, et nous nous retrouvons saturés sans pouvoir accueillir convenablement les patients. Sans compter les patients qui ne respectent pas les normes et viennent à l’hôpital prenant le risque de contaminer des patients vulnérables, le personnel hospitalier et/ou de se contaminer eux-mêmes. 

 

Cette crise, de par l’incubation de ce virus, arrivera à un pic dans les prochains jours

Cette crise, de par l’incubation de ce virus, arrivera à un pic dans les prochains jours et le gouvernement ne nous donne pas de solution car à aujourd’hui il n’y en a pas. Les chirurgies non urgentes ont toutes été annulées, et seuls les collègues de certains services indispensables restons sur le front. C’est une situation nouvelle, qui nous a tous pris par surprise, les protocoles s’actualisent tous les jours et les traitements sont en phase d’expérimentation. 

Faites attention à vous en France, et respectez les protocoles de crise. Pour essayer d’enliser un maximum la progression éclair de nouveaux cas. Merci à tous mes collègues ici et dans l’Hexagone pour votre effort. Nous allons vaincre cette crise, ensemble. Soyons conscients, responsables et rappelons nous du devoir civique".

Dr. Hebben Guevara Yannick
 

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