Le terrible conflit en Ukraine a un point positif pour les contribuables en Espagne. Alors que les 18 experts venaient de remettre leurs conclusions sur la réforme fiscale, la ministre des Finances a dû exclure une augmentation des impôts "dans l'immédiat"… Petit résumé des mesures qui nous attendent dans un futur incertain.
Le Livre Blanc de la Réforme Fiscale. Tel est le nom du document de près de 800 pages que l’on pourrait résumer en une phrase : les impôts doivent augmenter. Ainsi, le document contient une batterie de 118 recommandations qui permettront au gouvernement d’augmenter les impôts, dès qu’il le pourra, et d’ainsi "rapprocher l'Espagne de la pression fiscale moyenne de la zone euro, dont le pays est six points au-dessous".
Rappelons que selon Eurostat, la pression fiscale, c'est-à-dire le ratio mesurant la somme des impôts et des cotisations sociales par rapport au PIB, était de 41,1% dans l'UE en 2019. La France avait la pression fiscale la plus élevée avec 47,4% du PIB, suivie du Danemark avec 46,9% et de la Belgique avec 45,9%. L'Espagne se situait en dessous de la moyenne européenne, avec 35,4% du PIB.
Même s'il analyse le système fiscal espagnol dans son ensemble, le document met particulièrement l'accent sur la fiscalité environnementale, la fiscalité des entreprises, la fiscalité de l'économie numérique et des activités émergentes, ainsi que sur l'harmonisation de la fiscalité du patrimoine et droits de succession.
Quelles sont les hausses d'impôts à venir en Espagne ?
Hausse de la TVA
Pour les experts, le taux de TVA implicite de l'Espagne (défini comme les recettes totales de la TVA divisées par la consommation totale des ménages) est trop faible et devrait être relevé. En d’autres termes, les experts recommandent de "réduire l'écart entre les taux de TVA" (entre le super-réduit, de 4%, le réduit, de 10%, et le général, de 21%), ce qui reviendrait de facto à une augmentation des produits de première nécessité qui paient la TVA la plus basse.
Afin de compenser la suppression progressive des taux de TVA réduits et super réduits, le document préconise de créer un système dans lequel les ménages à faibles revenus recevraient une "compensation adéquate pour l'augmentation de la TVA sur leur consommation de biens et services essentiels".
Hausse de la taxation des carburants et de la fiscalité automobile
C'est le seul domaine dans lequel des chiffres concrets d'augmentation d'impôts sont donnés : jusqu'à 15 milliards d'euros d'impôts supplémentaires avec un total de 14 taxes créées ou relevées.
L'augmentation de la taxation des carburants est considérée comme "une priorité" et une grande partie de ces 15 milliards proviendrait de la taxe sur le diesel et l'essence. En effet, les experts recommandent une "égalisation de la taxation du diesel et de l'essence pour les véhicules à moteur", autrement dit l'élimination de la bonification de la taxe sur le diesel.
Tout ceci affecte bien sûr les transporteurs, qui devront également faire face à davantage de mesures contenues dans la fiscalité environnementale. Par exemple, la proposition d'établir des taxes pour l'utilisation de certaines infrastructures de transport.
Les agriculteurs ne sont pas épargnés. D'une part, parce qu'une taxe sur les fertilisants azotés est proposée. Et de l’autre, parce que le Livre Blanc propose de "taxer le diesel agricole à un taux supérieur d'environ 40% au taux actuellement appliqué en Espagne".
À cela s'ajoute une taxe sur le gazole et le fioul utilisés sur certaines routes de navigation maritime, ainsi que l'application d'un taux minimum pour la kérosène utilisé comme carburant d'aviation. D’ailleurs, le secteur de l'aviation fait l'objet d'une autre action spécifique : la création d'une taxe sur les billets d'avion.
Toujours dans le chapitre des augmentations générales de taxation des hydrocarbures, le document préconise une augmentation substantielle de la taxation du gaz naturel, la création d'une taxe sur les émissions de CO2, ainsi qu’une hausse de la taxe d'immatriculation.
Harmonisation fiscale
Derrière ce doux euphémisme se cache en fait une future augmentation des impôts sur le patrimoine et des droits de succession. Ce sujet provoque depuis des mois une controverse entre le gouvernement et certaines communautés présidées par le PP (l'Andalousie, la région de Murcie et la Communauté de Madrid), qui bonifient ces impôts jusqu’à 99%, dans le cas de Madrid.
Or, les experts s’alignent avec la ministre des Finances en invoquant une "concurrence à la baisse" pratiquée par ces régions. Ils proposent donc l’application d’un taux minimum pour les deux impôts.
Ces régions affirment pour leur part qu’appliquer un taux minimum revient à nier la capacité et autonomie fiscale que la Constitution leur accorde. En ce sens, la présidente de la Communauté de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, a annoncé qu’elle venait de demander à l'Union européenne son soutien pour que les régions disposent d'une autonomie fiscale et ne soient pas confrontées à des tentatives d'augmentation des impôts par le gouvernement central. La guerre fiscale ne fait donc que commencer.
Une épée de Damoclés
Les premières hausses d'impôts devaient avoir lieu en 2022, pour se poursuivre progressivement en 2023. Cependant, compte tenu du contexte international marqué par la guerre de la Russie contre l'Ukraine, la ministre des Finances a dû remettre à plus tard la réforme tout en précisant qu’elle excluait une augmentation des impôts "dans l'immédiat"…