Alors que les 43 délégations étrangères ont plié bagage, l'heure est au bilan. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est positif pour l'Espagne et son gouvernement qui a su exploiter cette réunion historique.
Sans en arriver aux déclarations dithyrambiques du ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Albares, dans une interview à El Mundo, qui comparait le sommet de Madrid à la chute du Mur de Berlin, force est de constater que la réunion entre chefs d'État a été une chance pour l'Espagne.
En effet, en raison de l'invasion de l'Ukraine, ce sommet de l'OTAN, initialement prévu pour 2020, avait soudain pris une dimension historique, ayant modifié l'échiquier géostratégique en Europe, les perspectives et les priorités. L'OTAN reprenait soudain du poil de la bête et les réunions ont immédiatement démarré sur les chapeaux de roue avec plusieurs annonces importantes.
Relance des relations avec les États-Unis
Après presque deux décennies de relations hispano-américaines pour le moins tendues depuis la présidence de Zapatero en 2004 -on se souvient de la célèbre image de Zapatero, alors chef de l'opposition en 2003, qui reste assis au passage du drapeau américain, puis le retrait unilatéral d'Irak lorsqu'il accède à la présidence-, la réunion "très chaleureuse" de Biden pendant une heure à la Moncloa représente une nouvelle étape de collaboration entre les deux pays.
Elles sont loin ces images de Pedro Sanchez essayant en vain de parler avec Biden dans les couloirs, lors d'une réunion de l'OTAN il y a tout juste un an. A présent, les relations sont au beau fixe, l'Espagne est définie comme un "allié indispensable" et les deux pays ont même signé un accord de 18 points.
Les États-Unis vont ainsi déployer la flotte la plus puissante de l'histoire de la base navale de Rota, en Espagne. Le nombre de navires basés en permanence à Rota passera de quatre à six destroyers, équipés chacun d'une centaine de missiles guidés et considérés comme les plus avancés de la force navale américaine à l'heure actuelle.
L'Espagne, plus atlantiste que jamais
Ce revirement de la part des États-Unis serait-il la conséquence de la nouvelle politique de Pedro Sánchez qui a décidé de privilégier les rapports avec le Maroc, allié traditionnel des Américains, réduisant à néant le fragile équilibre des relations avec l'Algérie? Ce qui est clair, c'est qu'un nouveau bras de fer se prépare au sein de l'exécutif, entre le PSOE et Unidas Podemos, qui vendra très cher son soutien à Sanchez, qui s'est engagé envers l'OTAN sur l'augmentation du budget de la défense.
Un sommet historique avec l'adhésion de deux nouveaux membres
Et c'était loin d'être gagné. En effet, le premier objectif majeur a été atteint lorsque la Turquie a finalement levé son veto à l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Alliance atlantique, qui comptera désormais 32 membres. C'est une grande victoire pour ce sommet de Madrid qui restera à jamais celui du retour à un rôle majeur d'une organisation qui avait progressivement perdu de son aura.
La Turquie, quant à elle, aurait pu se rendre au sommet comme le pays qui a bloqué l'élargissement et créé le problème, ou comme le pays qui est venu le résoudre. Erdogan, grand négociateur, a choisi la seconde solution. En échange, la seule chose que l'on sait, c'est que la Suède et la Finlande ne pourront plus soutenir le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes) et qu'elles s'engagent même à répondre aux demandes d'extradition ou d'expulsion d'opposants kurdes réfugiés dans ces deux pays.
Une Europe du Sud plus protègée
L'OTAN a inclus les défis posés par "l'instabilité en Afrique" dans son nouveau "concept stratégique". Ce document n'avait pas été mis à jour depuis 2010. L'Afrique n'a jamais été mentionnée à l'époque, pas plus que le Sahel, où les filiales d'organisations terroristes telles qu'Al-Qaïda ou l'État islamique, qui se concentraient jusqu'à récemment au Moyen-Orient, et qui gagnent en puissance. Désormais, c'est chose faite, même si les enclaves de Ceuta et Melilla, une des principales portes d'entrée des migrants victimes des mafias, ne sont pas expressément citées.
Forte projection internationale de l'Espagne
Quant à la projection médiatique du sommet, l'impact a été exceptionnel pour l'Espagne, avec plus 2.000 journalistes du monde entier. Selon le bilan fourni par la Commission européenne, plus de 236.000 nouvelles ont été publiées, dont plus de 5.000 dans la presse écrite, 2.500 à la télévision, et 24.000 dans les médias numériques, en plus d'un impact sur les réseaux sociaux qui s'est élevé à plus de 200.000.
Un succès médiatique qui reflète le bon déroulement et l'organisation de la Conférence de Madrid, qui a servi à la promotion internationale de l'Espagne. Par ailleurs, les magnifiques images du musée du Prado ou du Palacio Real ont également contribué à donner un coup de pouce à l'image de l'Espagne et son riche patrimoine historique.